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Citations sur Le grand royaume des ombres (28)

Aujourd’hui, alors que je m’apprêtais à rentrer à la caserne, un soldat est venu à moi. Il avait fait le voyage de Mondsee pour me remettre toutes les lettres que j’ai envoyées à Nanni. Il s’est montré très pessimiste. Quand je lui ai raconté que papa m’avait conseillé de toujours emporter dans mon paquetage mes effets civils, et de me défaire au plus vite de mon uniforme si ça devait virer à l’aigre, il a pris fait et cause pour papa. Mais s’ils savaient où ils peuvent se les carrer, leurs conseils… 
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Enfin nous fûmes dehors. Un vent d’est glacé me soufflait du grésil au visage. Le Brésilien me remercia une fois encore et me dit de ne pas m’inquiéter pour lui : il disposait d’une autre cachette et ses réserves de fruits et légumes secs lui permettraient de tenir six mois. (…)

Il me souffla : « Nous nous reverrons un jour ou l’autre, menino. » / « J’aimerais bien, mais cela me paraît très improbable », lui ai-je répondu. / Il chasse un chat de sa gorge. Le bruit mourut doucement dans la pluie mêlée de neige. J’ai tendu l’oreille, et le Brésilien lui-même a guetté les bruits du dehors. Le silence a repris ses droits et le Brésilien m’a dit : « Notre cœur ne s’apaise qu’à l’instant où nous sommes devenus ce que nous devons être. "
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Pour un empire, je n’aurais plus mis les pieds dans une boucherie. La vue des quartiers de viande suspendus aux crocs en S me soulevait le cœur, l’odeur du sang me provoquait des malaises, j’avais peur de succomber encore à une crise nerveuse. 
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A la pensée que les enfants - , le bien le plus précieux du F., assurait - on , allaient être maintenant contraints de boire le vin que les parents dans leur déraison avaient tiré , je sentais monter en moi une froide colère .Je n’éprouvais en revanche aucune ombre de pitié pour les hommes âgés , ils avaient été dès le début , les plus fervents soutiens du régime , accueillants par de retentissants hourras chaque communiqué de victoire , ils avaient mené triomphalement la parade du pire , pour constater à présent , saisis de stupeur , que le sort des guerres ne se mesure pas dans les premiers mois , mais à la fin .
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Mon oncle se rappela que le temps lui était compté. Plus les heures sont chères, plus l’époque est de fer. Il me dit qu’il comptait faire à présent une ronde. A rester dans l’air confiné du poste de police, il allait définitivement se ruiner les poumons. / Nous nous sommes levés au même instant et nous sommes sortis. Quand l’oncle a libéré le chien de sa cage, je lui ai dit : « Tout cela est tellement … « / « Déprimant ? » m’a-t-il demandé ? / « Voilà » / « Je ressens la même chose, mon garçon. Une horreur !
Nous vivons une foutue époque.
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J’avais de nouveau la sensation de ne plus avoir barre sur moi-même. Je suis sorti de la ferme à toutes jambes, comme un possédé, et, m’appuyant des deux mains à la vasque de pierre, je me suis penché sur la fontaine gelée. Les visions d’effroi qui m’étaient familières m’ont une fois encore traversé et je me suis mis à trembler de tous mes membres. Familières n’était peut-être pas le mot juste, car tout ce que j’avais vécu pendant la guerre m’était demeuré étranger. Et cependant c’était comme si mon corps avait gardé l’empreinte de tout, comme s’il existait des événements dont nous ne nous remettons jamais vraiment, même si le quotidien semble peu à peu reprendre ses droits. 
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 Si je m’efforçais d’être honnête, mon oncle avait raison : c’était aussi ma guerre, j’avais eu ma part dans ce conflit meurtrier, et quoi que je puisse dire ou faire, il porterait aussi à tout jamais ma marque, j’y avais laissé indissolublement quelque chose de moi, de même que la guerre avait laissé en moi son empreinte ; on ne pouvait plus rien y changer. 
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Les jeunes filles, prenant plaisir au pas cadencé, disparurent dans un creux de terrain, le chant s’effaça peu à peu, l’air ne retentit bientôt plus que de distants accents cristallins. Le grondement des bombardiers s’était perdu dans le lointain. 
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Le livre des proverbes de papa nous dit ´ les hommes ne trébuchent pas contre des montagnes , ils trébuchent contre des pierres .
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Ces conversations ne menaient à rien et ne contribuaient au fond qu’à nous miner. Sans même tenir compte de ces différends avec mes parents, le bilan de ma vie était accablant sur le plan des relations humaines. Aussi me suis-je efforcé d’éviter un conflit ouvert. Mais j’ai compris qu’il me serait impossible, là, dans l’appartement de mes parents, d’être pleinement l’homme que j’étais devenu pendant mon absence. Je venais d’échanger l’enfer du front contre l’enfer familial.

Noël approchait. Cette année-là, seuls les ménages avec enfants en bas âge purent encore bénéficier de la carte permettant d’acheter des sapins. C’est dans le calme et le silence les plus parfaits que nous avons réveillonné devant un plat de riz au lait aux pommes. La façon la mieux appropriée de célébrer l’événement. Nous eûmes également droit à une alerte aérienne.

Entre Noël et le jour de l’An, nous avons reçu une carte de vœux de mon oncle Johann, le frère aîné de mon père. Du front, je lui avais fait parvenir à plusieurs reprises des paquets de tabac. Il déplorait de n’avoir plus de nouvelles de moi depuis un long moment. Oncle Johann commandait le poste de gendarmerie de Mondsee. À l’hôpital militaire, le capitaine qui occupait le lit voisin du mien m’avait soufflé : « Si tu en as la possibilité, tire-toi à la campagne avec armes et bagages. » J’ai arrêté ma décision à l’instant même où je lisais la carte de vœux, et décidé de suivre ce conseil : j’allais faire retraite dans un monde plus paisible.
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