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Critique de Diabolau


En version poche, ce livre de 370 pages ne paye pas de mine comme ça, mais il est parfois assez indigeste, sur la forme comme sur le fond, ce qui ne l'empêche pas d'être édifiant.
Pas de chapitres, peu de paragraphes, peu d'ordonnancement des idées, peu de plan semble-t-il, on a constamment la sensation que l'auteur a déroulé le fil de sa pensée, multipliant les changements de lieux et d'époque... et les digressions. Ce qui n'est pas étonnant en soi, puisqu'il semble en avoir écrit une grande partie... au cachot.
Genet est un grand littérateur, c'est indéniable. Son style force d'autant plus le respect quand on connaît sa biographie d'orphelin déscolarisé très tôt et ayant traîné ses savates de pénitencier pour enfants en prison centrale. Un brillant autodidacte, c'est le moins que l'on puisse dire... mais obsédé (à tous les sens du terme), tourmenté, torturé, écorché vif... et même halluciné, parfois.
Si ses élans métaphysiques sur "l'amour" m'ont souvent laissé de glace, malgré la flamboyance du style, c'est surtout par sa valeur documentaire que son ouvrage m'a frappé.
J'avais lu, il y a un bon moment de cela, "la chasse aux enfants" de Jean-Hugues Lime, histoire romancée de l'évasion du bagne pour enfants de Belle-Ile, en 1934, immortalisée par le poème éponyme de Jacques Prévert qui fut le témoin écoeuré de cette chasse alors qu'il passait ses vacances sur l'île morbihanaise.
Je me souviens m'être dit à l'époque que Lime en faisait peut-être un peu trop sur le côté sexuel (forcément homosexuel, donc, puisqu'il s'agissait d'un établissement pour garçons) de la vie dans ce pénitencier.
À la lecture du Miracle de la Rose, dont l'auteur a passé trois ans au pénitencier pour enfants de Mettray, je me dois de présenter mes plus plates excuses à Lime et de reconnaître qu'il a, bien au contraire, largement édulcoré la réalité pour ne pas trop heurter son lectorat.
J'ai découvert avec horreur que Mettray et assimilés étaient en fait de gigantesques lupanars organisés et codifiés où l'exception n'était pas de passer à la casserole, mais au contraire d'y échapper. La sodomie était à la fois une punition et une récompense, une marque d'estime et de mépris, un code de conduite, un signe d'appartenance, une monnaie d'échange, une organisation hiérarchique... Et tout cela sous le regard au mieux indifférent, au pire complice des gardiens. Il en était de même pour les injures et les coups, pouvant aller jusqu'au meurtre... Dans ces conditions, rien d'étonnant à ce que ces établissements aient été incapables, bien au contraire, d'accomplir leur mission qui était "d'amender une jeunesse en perdition".
Plus qu'un roman, ce livre me restera donc comme un témoignage essentiel sur le naufrage d'un système judiciaire qui échouait déjà – et peut-être plus encore qu'aujourd'hui – à réinsérer ses... victimes. Là, il n'y a pas d'autre mot.
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