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Citations sur Miracle de la rose (41)

Tout à coup, je crois que c'est la dureté glacée de son regard qui m'a fait croire à sa tendresse, peut-être à cause de cette idée que la glace de ses yeux ne résisterait pas à ma chaleur. Et quand je songe à mon abandon par ce gosse, ma main se serre sur ma plume, mon bras invente un geste poignant. S'il savait le mal que j'ai, il quitterait la mort pour venir, car sa cruauté était bonne.
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Je crois savoir que mon amour pour la prison est peut-être le subtil bien-être à me plonger dans une vie au milieu d'hommes que mon imagination et mon désir veulent d'une rare beauté morale. A peine ce bien-être s'atténue-t-il du fait que les prisons perdent leur éclatante dureté à mesure que les macs s'embourgeoisent et que les gens honnêtes fréquentent les prisons. En prison à ces instants où le soleil qui pénétrait par la fenêtre dispersait la cellule, chacun de nous devenait de plus en plus, vivait de sa propre vie, et la vivait d'une façon si aiguë que nous en avions mal, étant isolés, et conscients de notre emprisonnement par les éclats de cette fête qui éblouissait le reste du monde, mais les jours de pluie, au contraire, la cellule n'était plus qu'une masse informe d'avant la naissance, avec une âme unique où la conscience individuelle se perdait. C'était une grande douceur quand les hommes qui la composaient s'aimaient.

Folio p. 152
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Mon enfance était morte et, avec elle, en moi, les puissances poétiques. Je n'espérais plus que la prison demeurât ce qu'elle fut longtemps, un monde fabuleux. Un beau jour, tout à coup, à des signes je compris qu'elle perdait ses charmes. Cela veut dire, peut-être, que je me transformais, que s'ouvraient mes yeux à la vision habituelle du monde.
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Si dans vingt ans je rencontrais au bord de mer un promeneur couvert d'un grand manteau , et que je lui parle de l'Allemagne et de Hitler , il me regarderait sans répondre et brusquement , saisi de panique , je soulèverais le pan de manteau et je verrais à sa boutonnière la croix gammée . Je bégaierais : " Alors , Hitler , c'est vous ? " . Ainsi m'apparut Divers , aussi grand , aussi évident , aussi pur que l'injustice divine . ( " Miracle de la rose " Gallimard 1951 , page 250 )
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« Dévêtue de ses ornements sacrés, je vois nue la prison, et sa nudité est cruelle. Les détenus ne sont que de pauvres gens aux dents rongées par le scorbut, courbés par la maladie, crachant, crachotant, toussant. Ils vont du dortoir à l’atelier dans d’énormes sabots lourds et sonores, ils se traînent sur des chaussons de drap, percés et rigides d’une crasse que la poussière a composée avec la sueur. Ils puent. Ils sont lâches en face des gâfes, aussi lâches qu’eux. Ils ne sont plus qu’outrageante caricature des beaux criminels que j’y voyais quand j’avais vingt ans, et ce qu’ils sont devenus, je ne dévoilerai jamais assez les tares, les laideurs, afin de me venger du mal qu’ils m’ont fait, de l’ennui que m’a causé leur inégalable bêtise. »
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Pauvre, j'étais méchant parce qu'envieux de la richesse des autres et ce sentiment sans douceur me détruisait, me consumait. Je voulus devenir riche pour être bon, afin d'éprouver cette douceur, ce repos qu'accorde la bonté (riche et bon, non pour donner, mais pour que ma nature, étant bonne, fût pacifiée). J'ai volé pour être bon.
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C'est avec des mots d'amour que j'ai inscrit dans ce livre ses actes, ses gestes, tous les attributs de sa personnalité qui s'érige étoilée d'angles durs. Mais n'ayant plus besoin, pour l'oeuvre d'art, de chercher en moi - ou de les y trouver sans chercher - ces expressions qui le sublimisaient, si je pense à Bulkaen vivant de notre vie, je me contente de le voir agir sans le secours de mots magiques. Je ne le nomme plus. J'ai dit de lui tout ce que j'avais à dire. L'oeuvre flambe et son modèle meurt. Et quand je me réjouissais d'avoir déjà donné tous les plus beaux noms dont je fusse capable, à d'autres gamins enfermés vivants dans mes livres, c'était peut-être avec l'idée mal précisée que je conserverais Bulkaen hors de ma littérature, être physique que j'eusse aimé avec mon corps comblé. Et je n'ai plus qu'une infinie pitié pour ce pauvre piaf qui ne peut plus voler parce que je l'ai dépouillé de toutes ses plumes.

p. 268
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Parce qu'ils disaient ironiquement, les marles, en parlant des girons qui se font dorer : "Ils ont raison, ils soulagent l'humanité souffrante", je ne pouvais pas ne pas rétablir le rapprochement entre cette expression et cette phrase de l'Eglise, " ... l'humanité de la Bonne Souffrance" et, dans le besoin que j'avais de faire jouir les marles - transformé aujourd'hui en désir de faire jouir les minos - je voyais le signe d'une charité si puissante qu'elle filtrait jusque dans mon vice, et je ne suis pas sûr que peu à peu je ne découvre, lentement, avec le secours d'un hasard heureux, la Charité enfouie en moi. A force d'en écrire, peut-être sortira-t-elle, pure et ruisselante de lumière, comme certains enfants sortent, éblouissants, de mes poèmes parce que je les y ai obscurément cherchés, avec une longue patience, au milieu d'un désordre de mots, qu'il m'arrive quelquefois de retrouver, abandonnés, les innombrables brouillons où, à force de dire "tu" à personne de précis, peu à peu cette prière secrète devient plus belle et crée celui à qui je m'adresse. La recherche de la sainteté étant pénible, dans toute religion, chacune, pour récompenser le chercheur lui accorde la gloire d'être nez à nez avec Dieu selon l'idée d'elle impose de Lui. Il m'avait été accordé de voir Harcamone, d'assister de ma cellule, en esprit, avec une précision plus grande que si mon corps eût été près du sien, au déroulement merveilleux de sa plus haute vie, celle qu'il atteint en en sautant par-dessus lui-même : sa vie dura de sa condamnation à mort jusqu'à sa mort. Et ce sont ces scènes de ravissement qui me sont le prétexte, peut-être, de ce livre aussi traître que les systèmes de miroirs qui renvoient de vous l'image que vous n'aviez pas composée.

Folio pp. 191-192
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Ce chapitre de mon livre ne sera qu’un champ de désespoir, et je crains que ce dernier mot ne revienne souvent sous ma plume.
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En prison à ces instants où le soleil qui pénétrait par la fenêtre dispersait la cellule, chacun de nous devenait de plus en plus,  vivait de sa propre vie, et la vivait d’une façon si aiguë que nous en avions mal, étant isolés, et conscients de notre emprisonnement par les éclats de cette fête qui éblouissait le reste du monde, mais les jours de pluie, au contraire, la cellule n’était plus qu’une masse informe d’avant la naissance, avec une âme unique où la conscience universelle se perdait.
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