AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Hanna21


Le vrai miracle n'est pas celui du titre mais bien celui de l'écriture de Jean Genet. L'auteur nous raconte le quotidien de Mettrai, la colonie pénitenciaire où il a passé son adolescence, mêlé à celui de Fontevrault, la prison proche, qui est la suite "logique" pour tous ces jeunes. Il nous entraine irrémédiablement dans une version réelle de "Sa Majesté des Mouches", où la loi du plus fort règne, où la domination s'exerce par la sexualité et le viol, où des enfances sont saccagées, assassinées, sous le regard indifférent d'une poignée d'adultes. Il nous raconte une prison pour enfants appelée "colonie", une prison sans murs et pleine de fleurs, mais où on meurt de faim ou sous les coups. Il nous raconte un monde exclusivement masculin, d'où toute tendresse est bannie et considérée comme une marque de faiblesse, où les rapports homosexuels sont subis ou imposés. Un monde où tout est codé : les vêtements, la façon dont ils sont portés, les tatouages, le langage. Il réussit le tour de force d'évoquer des situations d'une grande crudité, ou d'une grande violence, sans aucune vulgarité. Il nous raconte ce qu'est le monde quand les enfants sont livrés à eux-mêmes dans un univers carcéral. Il nous raconte ce que deviennent ces enfants à travers le sort tragique de ses compagnons de prison: décapités, exécutés lors d'une tentative d'évasion, noyés...
Ecrit en prison, "Le Miracle de la rose" est d'une grande force poétique, mêlant visions oniriques et scènes d'un grand réalisme. On perçoit, en filigrane, l'immense sensibilité de Genet, son attention aux sons, aux bruits, aux détails, aux codes de la langue, aux parfums ("l'inceste végétal" de la glycine et du rosier). Ce sont ces mille détails qui donnent vie à des scènes qui hantent: la mort de Toscano, les rendez-vous avec Bulkaen dans l'escalier, et ce dernier adieu à Mettray de Divers, suspendu dans le vide à un vasistas, pour dire au revoir une dernière fois à Genet.
Jean Genet est un survivant: de Mettray, de la prison, de sa vie de voyou. Son écriture est son héritage, il faut en prendre soin.
Commenter  J’apprécie          30



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}