Classes, castes et professions. Bien que l'appartenance à telle ou telle caste ou classe sociale soit héréditaire, tout comme l'est celle à tels ou tels groupes totémiques, magico-religieux, etc., il est rare que l'enfant en soit considéré comme un membre proprement dit, « complet », dès sa naissance. A un âge qui varie suivant les populations, il lui faut s'agréger par des cérémonies qui se distinguent de celles dont il vient d'être parlé en ce que l'élément magico-religieux y est moindre, l'élément politico-juridique et social général étant au contraire le plus important.
Dans les cérémonies catholiques d'affiliation à un ordre religieux, il y a toujours une partie qui demeure fixée une fois pour toutes et conforme au Rituel, soit Romain, soit Gallican, etc., et une partie qui varie avec l'ordre religieux. Ainsi l'entrée aux Carmélites comporte les rites des funérailles suivis de rites de résurrection.
Tous ces rites, qui ont un but spécial et actuel, se juxtaposent aux rites de passage ou s'y combinent, et de manière parfois si intime qu'on ne sait si tel rite de détail est, par exemple, un rite de protection ou un rite de séparation. Ce problème se pose entre autres à propos des diverses formes des rites dits de purification, lesquels peuvent être une simple levée de tabou, et par suite ôter la qualité impure seulement, ou être des rites proprement actifs, qui donnent la qualité de pureté.
D'où la ressemblance générale des cérémonies de la naissance, de l'enfance, de la puberté sociale, des fiançailles, du mariage, de la grossesse, de la paternité, de l'initiation aux sociétés religieuses et des funérailles. En outre, ni l'individu, ni la société ne sont indépendants de la nature, de l'univers, lequel est lui aussi soumis à des rythmes qui ont leur contrecoup sur la vie humaine. Dans l'univers aussi, il y a des étapes et des moments de passage, des marches en avant et des stades d'arrêt relatif, de suspension. Aussi doit-on rattacher aux cérémonies de passage humaines, celles qui se rapportent aux passages cosmiques : d'un mois à l'autre (cérémonies de la pleine lune, par exemple) d'une saison à l'autre (solstices, équinoxes), d'une année à l'autre (Jour de l'An, etc.).
Tout changement dans la situation d'un individu y comporte des actions et des réactions entre le profane et le sacré, actions et réactions qui doivent être réglementées et surveillées afin que la société générale n'éprouve ni gène ni dommage. C'est le fait même de vivre qui nécessite les passages successifs d'une société spéciale à une autre et d'une situation sociale à une autre : en sorte que la vie individuelle consiste en une succession d'étapes dont les fins et commencements forment des ensembles de même ordre : naissance, puberté sociale, mariage, paternité, progression de classe, spécialisation d'occupation, mort. Et à chacun de ces ensembles se rapportent des cérémonies dont l'objet est identique : faire passer l'individu d'une situation déterminée à une autre situation tout aussi déterminée.
Chaque société générale contient plusieurs sociétés spéciales, qui sont d'autant plus autonomes et dont les contours sont d'autant plus précis que la société générale se trouve à un degré moindre de civilisation. Dans nos sociétés modernes, il n'y a de séparation un peu nette qu'entre la société laïque et la société religieuse, entre le profane et le sacré. Depuis la Renaissance, les rapports entre ces deux sociétés spéciales ont, à l'intérieur des nations et des états, subi toutes sortes d'oscillations.