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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Depuis la fin des années 80 jusqu'en 2018, ce sont trente années pendant lesquelles des femmes ont été agressées, souvent violées sous la menace d'un couteau, tôt le matin, le long d'une route de quelques dizaines de kilomètres proche de Maubeuge, le long de la Sambre. On imagine que ces faits (réels, il ne s'agit pas de fiction) ont fait les gros titres de la presse locale, mobilisé nombre de forces de police. Malheureusement, si l'homme a sévi si longtemps, c'est qu'il n'en a rien été.
Tout d'abord, les premières plaintes ont été reçues par des gendarmes mal formés et tendant à minimiser, à ne proposer aux femmes et jeunes filles que de déposer des mains-courantes. Ils parlent d'attentats à la pudeur, d'agressions, de tentatives de vol… Il faut attendre 80 pages dans le livre pour enfin qu'une plaignante puisse déposer une plainte « normale », face à un policier compréhensif.

Ensuite, gendarmerie et police n'ont pas coordonné leurs recherches, n'étaient même pas au courant des plaintes déposées dans d'autres services. Ils ont choisi de ne pas alerter la presse, pour ne pas que le violeur s'enfuie ou change de méthode… On voit le résultat de ce choix ! Quant aux juges d'instructions, jeunes magistrates dont c'était le premier poste, elles ont fait de leur mieux, mais aucune n'est resté bien longtemps dans la région, et il a manqué un suivi.

Une autre erreur des enquêteurs a été de chercher du côté des délinquants connus ou des marginaux, n'imaginant à aucun moment qu'il puisse s'agir d'un homme marié, bien inséré, avec une vie sociale qui ne laissait rien paraître. de plus en plus prudent au fil des années, l'homme devenait aussi plus violent, tout en continuant tranquillement son travail, ses loisirs, sa vie de famille, alors que la vie des femmes, elle, s'arrêtait, scindée en deux par l'acte qu'elles avaient subi. C'est ce qui est terrible dans ces récits qui se suivent et se ressemblent : le fait qu'elles n'aient pas été, ou très peu, écoutées, et à quel point leur vie a basculé. de collégienne ou vendeuse, apprentie, directrice d'école ou lycéenne, elles sont devenues victimes, apeurées, traumatisées, craignant de sortir, imaginant entendre ou sentir partout leur agresseur, qu'elles n'avaient souvent pas vu.
Puis un policier a fini par noter des recoupements, des traces d'ADN ont enfin été conservées et comparées, des spécialistes engagés… vingt ans après les premiers faits.
L'enquête d'Alice Géraud, très bien faite et complète, est suivie de la chronique du procès. Cela fait mal au coeur pour toutes ces adolescentes et femmes d'âges divers de lire tout cela, mais c'est indispensable.
C'est grâce à l'avis de Keisha, suivi par Ingannmic et Aifelle, que j'ai réservé ce livre, et l'ai lu avant d'entendre parler de la série qui en a été tirée, diffusée en ce moment.
Je n'ai vu encore que trois épisodes, centrés chacun sur un personnage, et je la trouve bien faite, par un réalisateur de documentaire, et en collaboration avec Alice Géraud. Comme signalé à la fin des épisodes, elle est destinée à rendre hommage aux victimes, et si elle s'écarte parfois un peu de la réalité, c'est pour elles, et seulement pour elles.
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Poignant, glaçant, révoltant, les adjectifs ne manquent pas pour qualifier ce livre et cette sombre et terrible affaire du violeur de la Sambre. Je ne connaissais pas cette affaire, je n'ai pas l'habitude de m'intéresser aux faits divers, j'avoue préférer les romans, dont on peut toujours se dire que ce ne sont justement « que » des fictions, des faits sortis de l'imagination d'un écrivain, et ce, quelle que soit l'horreur de ces faits... Je pense que je n'aurais pas emprunté ce livre s'il n'avait pas été mis en avant, à l'occasion du 8 Mars, Journée des Femmes, par ma bibliothèque et si je n'avais pas pensé qu'il s'agissait davantage d'un docu-fiction que d'un récit, brut, sans concession, de tous ces actes, de tous ces viols, de toutes ces agressions, de tous ces traumatismes, de toutes ces vies brisées, de toutes ces innocences adolescentes, presqu'encore enfantines, volées. Bref, tout ça pour dire que je ne m'attendais pas à cette lecture, que j'en ai été d'autant plus bouleversée et remuée.

Beaucoup de critiques, belles et sensibles, ont déjà écrites sur ce livre. Je saluerai donc juste le travail d'Alice GERAUD, sa minutie, sa patience, sa pugnacité, sa volonté à mettre en lumière chaque victime, à toutes leur donner un nom, une histoire, une réalité, une vie d'avant, et, autant que possible, une vie d'après. J'imagine à quel point ce dut être difficile, douloureux, émouvant, traumatisant. Et son écriture, si juste, si vraie.
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« Sambre » a été une écoute compliquée tant les émotions ressenties ont été fortes et complexes. Pendant une bonne partie de ma lecture, c'est la colère qui a dominé. Une colère contre la police, les institutions ; une colère contre toutes ces personnes qui n'ont accordé aucune légitimité, aucune écoute, aucune crédibilité à ces femmes, parfois même ces jeunes filles qui venaient témoigner de l'horreur qu'elles avaient subi. Tous ces manquements, cette incompétence, ce manque d'empathie m'ont fait sortir des mes gonds plus d'une fois. Est-ce si difficile d'écouter une femme qui vient de subir une agression ? Est-ce si difficile de croire qu'elle n'est ni tentatrice ni menteuse ?

Alice Géraud a effectué un travail énorme sur ce fait divers, elle a donné la parole à des femmes qui n'en avaient plus et a mis l'accent sur leurs témoignages et non sur l'histoire de leur agresseur. C'est quand même fou de se rendre compte à quel point ces agressions ont été passées sous silence voire niées et même le procès, alors que le nombre de victimes s'élèvent à plusieurs dizaines, n'a pas eu un grand retentissement. Alors merci d'avoir mis au jour toutes ces histoires, ces témoignages, ces vies abîmées mais aussi et surtout, cette envie de vivre et cette force d'avancer.

« Sambre » c'est l'horrible récit des agressions commises par Dino Scala mais c'est aussi le reflet d'un problème de société. Les femmes sont agressées, humiliées, tuées. Juste pour ce qu'elles sont, des femmes. Leurs plaintes ne sont pas entendues, leurs agresseurs non condamnés et ne parlons même pas de celles qui osent porter plainte contre une personnalité publique sans risquer de se faire traiter de menteuse. Je vous assure, ce livre a de quoi vous rendre dingue ! Quand une jeune adolescente de treize ans n'a pas été cru, quand un relevé d'empreintes (qu'on ne prend pas la peine de faire) aurait pu faire avancer les choses dix ans auparavant et encore tellement d'exemples comme ça… Voilà comment on se retrouve avec un agresseur sillonnant la route pendant trente ans. Ecoeurant !
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Par où commencer? Peut-être par féliciter l'autrice pour son travail d'investigation minutieux. À la fin du livre, elle remercie les femmes et les hommes qui ont su faire la différence dans cette affaire. Je pense qu'elle s'est oubliée et qu'il y aura un avant et un après « Sambre » comme il y a eu un avant et après MeToo.

Et puis, son dernier chapitre m'a tellement touchée. C'est vrai quoi, elles sont combien les femmes à pouvoir dire qu'elles n'ont été en butte à aucune forme de violence s3xuelle? En tout cas, mes copines et moi, on peut vous en raconter: des profs libidineux, des copains trop entreprenants, des soirées où on se dit que c'est notre faute parce qu'on avait trop bu, des mecs qui se sont touchés ou nous ont touchées dans les transports, des animateurs scouts qui venaient la nuit dans nos tentes…

Alors, oui, des livres comme Sambre, il en faudrait des pelletées. Pour que l'importance accordée à la parole des victimes continue à progresser! Surtout que c'est ce que l'autrice a mis en lumière, la parole des victimes. de Dino Scala, le « vi0leur de la Sambre », on n'apprendra pas grand chose ou presque. Même dans les derniers chapitres, lors du procès, l'accent est mis sur celles qui accusent et pas sur celui qui se défend.

Une vrai claque pour terminer 2023 donc. A lire et à faire lire absolument! La version audio est incroyable, totalement immersive tout en étant pas intrusive. Christel Wallois a su trouver le ton idéal et son interprétation est un sans faute.
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Je sors de cette lecture totalement bouleversée. J'avais vu la série sur France tv mais le livre est encore mieux, enfin pire. Alice Géraud est journaliste et elle a couvert le procès de Dino Scala, le violeur de la Sambre qui a agressé et violé 56 femmes (déclarées) pendant 30 ans (30 ans !!!) sans jamais être inquiété. Alice Géraud ne s'intéresse quasiment pas au profil du violeur; elle s'intéresse aux victimes et au travail de la police et de la justice. Tout est criant, hurlant d'injustice. Car ces femmes, on ne les a pas crues, leurs propos ont été négligés, déformés, minimisés, parfois niés. Dino Scala violait, la plupart du temps, à l'aube, avant d'embaucher à l'usine. Or, qui marche à l'aube le long des champs, des usines, des rivières, des voies ferrées ? Ben, des femmes de ménage, des infirmières hospitalière qui n'ont pas de voiture, des lycéennes et collégiennes qui doivent attraper leur car scolaire. Et plus elles étaient jeunes, plus les policiers mettaient leur parole en doute. N'avaient-elles pas inventé cette histoire pour sécher un contrôle ? Pour justifier le fait qu'elles ne soient plus vierges à 14 ans ?
Des viols qualifiés d'attentat à la pudeur (alors que cette qualification n'existe plus depuis la réforme du code pénal), une fellation exigée sous la menace, qualifiée d'agression sexuelle alors qu'il s'agit bel et bel de viol, ce que les policiers sont censés savoir, des tests ADN non faits, des dossiers perdus, des commissariats distants de 5 km qui ne communiquent pas, des juges d'instruction qui changent plus vite que les ministres de l'Education nationale, de l'incompétence, de la fainéantise, de la mauvaise volonté. TOUT, TOUT, TOUT a concouru à ce que ce mec ne soit pas arrêté (de fait, il n'était même pas cherché). Et puis, à la fin, quand ils ont fini par mettre la main dessus, le calvaire du procès, le calvaire de n'être encore pas cru, le calvaire du non lieu pour certaine.
Et le récit de la vie en lambeaux, de celles qui ont pris 30 kg pour se constituer une barrière protectrice, pour n'être pas reconnues, pour n'être pas désirables, les tentatives de suicide, la paranoïa... Un récit terrible mais très intéressant sur
- l'évolution des techniques d'investigation
- l'évolution du code pénal
- le peu de considération pour les victimes féminines (oui, aujourd'hui encore)
- l'état du service public
- la psyché d'une femme agressée sexuellement
- la sociologie d'une région sinistrée
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Nous pouvons nous prévaloir en France d'avoir connu l'une des plus grosses affaires de viols en série d'Europe, celle de Dino Scala, le violeur de la Sambre, du nom du cours d'eau qui longe la frontière entre France et Belgique, du côté de Maubeuge. Pendant près de 30 ans, l'homme a agressé sexuellement ou violé pas moins de 56 femmes dans un tout petit périmètre géographique.

Au-delà du caractère extraordinaire de ce fait divers, c'est le traitement des victimes qui est au coeur de l'enquête de la journaliste Alice Géraud. Son travail titanesque s'applique à parcourir les archives de la police, de la justice, de la presse locale, les témoignages des victimes et de leurs proches afin de comprendre comment ce prédateur sexuel a pu sévir pendant toutes ces années.
Si elle pointe du doigt les dysfonctionnements, les difficultés matérielles, les négligences individuelles scandaleuses, on comprend surtout que c'est la parole de ces femmes qu'on a systématiquement remise en cause, minimisée ou niée. On s'attend à être confrontée au sentiment de culpabilité,à la douleur physique et psychique, au traumatisme des victimes, parfois toutes jeunes de Scala,mais on découvre aussi, stupéfiée, la manière dont les victimes sont reçues dans les commissariats, dont on les interroge comme des supects, quand on ne les accuse pas d'inventer leur viol pour rater les cours ou le travail!
Avec son livre, et par la lecture extrêmement juste de Christel Wallois, Alice Géraud remet au centre de son enquête les mots de ces femmes, leur souffrance, leur vérité et leurs vies gâchées, nourrissant autant notre incompréhension face à la perversité de Scala que notre sentiment de révolte face à la prise en charge des agressions sexuelles dans notre pays. Elle rend hommage enfin à tous ceux qui ont contribué à rendre un peu de leur dignité aux victimes.
Si j'ai découvert cette affaire grâce à la très bonne adaptation diffusée sur France 2, je ne peux que vous conseiller de vous plonger dans l'enquête bouleversante et addictive d'A. Géraud.
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L'arrestation de Dino Scala, dont le procès s'est tenu du dix juin au premier juillet 2022 devant la cour d'assises de Douai, a défrayé la chronique. Cet homme "sans histoire", ouvrier, père de famille et président du club de foot de son village, est accusé d'avoir agressé sexuellement et violé des dizaines de femmes pendant trente ans le matin entre son domicile et son travail, le long d'une route de trente-sept kilomètres. Il devient "Le violeur de la Sambre".
Alice Géraud s'empare de ce sordide et incroyable fait divers, en s'attachant à se placer du côté des victimes, se posant incessamment la question de leur traumatisme, et de savoir comment il a été possible que cet homme ait pu agir aussi longtemps sans être inquiété. Ces victimes avaient au moment des faits entre treize et plus de quarante ans. Elles étaient collégiennes, lycéennes, infirmières, directrice d'école… Elles ont subi des attouchements, des viols par voie orale ou génitale, ont parfois été agressée à leur domicile. le procès concerne cinquante-six victimes, mais on soupçonne l'existence d'autres. Alice Géraud a examiné des centaines de plaintes déposées dans une poignée de commissariats et quelques gendarmeries, dont certaines ont été imputées à Dino Scala, d'autres écartées, d'autres encore rouvertes après son procès. La plupart racontent beaucoup du traitement des victimes d'agressions sexuelles et de viols sur ces trente dernières années.

"Le sort réservé à ces femmes est l'objet du livre".

Et lorsqu'elle évoque leur sort, il ne s'agit pas seulement de celui que leur a réservé leur agresseur, mais aussi et surtout de celui que leur ont fait subir les acteurs d'un système policier et judiciaire défaillant et sans humanité.

On apprend pourtant que dès 1988, l'institution judiciaire pressent l'existence d'un violeur en série, bien que cela ne soit pas formulé ainsi, le concept étant alors un impensable de la culture policière et judiciaire française. Et le pressentiment manque de matériel pour être confirmé. Les plaintes, déjà multiples, sont entreposées séparément dans les cartons d'archives des trois commissariats du Val de Sambre. Certaines d'entre elles ont bien été transmises au parquet d'Avesnes, mais on ignore ce qu'elles sont devenues, tout comme la proportion effarante de portraits-robots et de témoignages qui disparaitront par la suite. Aussi, malgré la répétition des faits et de certains indices ressortant des témoignages, l'agresseur sexuel du matin qui fait l'objet d'une dizaine de plaintes est absent du récit public. Il n'existe pas ou seulement de manière souterraine, une vague rumeur qui circule et qu'on se raconte. Il faut préciser que le manque de communication, en partie liée à leur rivalité, entre la police et la gendarmerie, mais aussi entre les différents commissariats, empêche le rapprochement des faits.

"Les deux policier s'étaient en fait trompés d'endroit pour leurs constatations (...) Tant pis, ils notent que les deux chemins, de toute manière, se ressemblent beaucoup."

Ces archaïsmes administratifs ne sont qu'une partie du problème et sont par ailleurs en partie dues à un autre aspect des enquêtes, celui de la manière dont la parole des victimes a été entendue (puisqu'il n'est même pas question de parler "d'écoute").

A l'époque où l'affaire débute, les agressions sexuelles, définies selon l'ancien code pénal (du début du XVIIIème siècle), sont qualifiées d'attentat à la pudeur. Et si la victime est majeure, "l'acte doit être commis avec violence contrainte ou surprise". La notion d'agression sexuelle n'existe pas encore dans le droit français, celui-ci se plaçant alors sur le terrain de la morale, en garant du respect des bonnes moeurs, en l'occurrence celles de la victime, se focalisant sur le sentiment de gêne ou de honte qu'elle est susceptible de ressentir vis-à-vis de gestes sexuels qui lui sont imposés. Les examens auxquels sont soumises les victimes sont par ailleurs basés sur le postulat, hérité d'un traité de médecine légale datant de 1813, que l'existence d'un viol se lit forcément sur le corps, son étude passant par celle de l'hymen et de la virginité. La manière dont sont menées les enquêtes et les interrogatoires révèlent que les mentalités sont imprégnées de ces considérations d'une autre époque.

Porter plainte est parfois un parcours du combattant, ou le statut de victime se change en celui de suspecte ou d'accusée. On soupçonne certaines de ne pas dire la vérité, de mentir pour dissimuler la perte de leur virginité ou le fait qu'elles sont enceintes, de s'être fait mal toutes seules, ou d'être en partie responsables de leur agression, parce qu'elles ne se sont pas défendues, ou sont sorties de chez elle au petit matin vêtues de tenues aguichantes. Au mieux, les faits sont minimisés ; les médecins qui examinent les victimes s'intéressent aux traces de violences physiques -égratignures, traumatisme crânien…-, faisant disparaître le caractère sexuel de l'agression, effacé de l'histoire.

En requalifiant les agressions sexuelles et en supprimant les notions de "moeurs", "pudeur" et "outrage", le nouveau code pénal de 1994 les considère dorénavant comme des atteintes aux personnes, et non plus à la morale. Mais il faudra du temps pour que les services de police et les individus qui les représentent intègrent ces changements, certains décidant par exemple de faire fi du code pénal qui considère la fellation comme un viol. En plus du traumatisme lié à l'agression, les victimes ont ainsi subi un manque de transparence et de clarté (l'absence totale d'information aux victimes sur le suivi de leurs plaintes leur donnant le sentiment de n'avoir été ni écoutées, ni respectées) et la suspicion pesant sur leurs témoignages, symptômes des maladresses d'une police mal formée sur ces sujets et souvent gangrenée par un sexisme destructeur.

Ces inconséquences, ce manque d'écoute et de soutien, cette remise en cause de la gravité des faits, ont renforcé le poids des souffrances qui les ont suivis, dont Alice Géraud prend soin de mentionner les manifestations : accès de violence envers soi-même, culpabilité, anorexie, perte du sommeil, tentatives de suicides, dépressions, scolarité interrompues ou complètement déviées… certaines n'ont plus pu dormir sans un couteau sous leur oreiller ; d'autres n'ont plus jamais porté d'écharpe ou de col roulé (le "violeur de la Sambre" avait pour habitude de neutraliser ses victimes en leur serrant le cou).

"Je découvre des biographies sculptées par la peur. Des existences contrariées qui, comme l'explique Émilie, repoussent ensuite tordus pour trouver la lumière."
Pendant ce temps Dino Scala se marie à plusieurs reprises, a des enfants, et ses entrées dans un commissariat dont il connaît l'un des employés (il joue au foot avec lui).

Il y aura bien eu, au fil de cette très longue série macabre, quelques figures dont l'humanité et l'intelligence nous incitent à ne pas désespérer totalement : une minutieuse archiviste de la PJ de Lille ayant fait des rapprochements entre les diverses affaires ; une juge qui intègre des entretiens avec un psychologue dans le processus de l'enquête, permettant pour la première fois de poser noir sur blanc le retentissement du viol sur les victimes ; un inspecteur pugnace surnommé le Grincheux qui, en 1996, fait avancer l'enquête… Mais ils ne resteront jamais suffisamment longtemps en poste ou affectés à l'affaire pour que leurs efforts aboutissent.

L'affaire du violeur de la Sambre est ainsi l'histoire de l'échec d'un système et d'une société que viennent enfin enrayer une magistrate, une élue et un policier opposant leur résistance à la force d'inertie du système… on est alors en 2020.

J'ai dévoré le récit d'Alice Géraud en une journée, tant il m'a passionnée. Je l'ai trouvé à la fois incroyable, révoltant, et vraiment touchant par le regard que l'auteure porte sur ces femmes, auxquelles elle redonne un nom et une histoire.
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Ce livre présente un gros défaut.
Pourtant, ce n'est pas de sa faute.

Il comporte énormément de répétitions.

&#xNaNRépétitions des faits.
Dino Scala n'a pas faite une, ni deux, ni dix victimes.
Mais bien (au moins) 54.
Entre 1988 et 2018.

&#xNaNRépétions du traitement des victimes.
Comment peut-on dire à une enfant de 13 ans qu'elle a tout inventé ?
Que c'est une excuse pour ne pas aller en cours ?
Comment peut-on ajouter un traumatisme au traumatisme ?

&#xNaNRépétitions des erreurs.
Dino Scala est passé de nombreuses fois entre les mailles du filet.
On aurait pu le confondre plusieurs fois.
Mais les erreurs se sont accumulées.
Ça en serait presque comique, si ce n'était pas une histoire vraie.

&#xNaN Répétitions du silence.
Avant ce livre, et la série inspirée du livre, je n'avais jamais entendu parler de cette affaire.
Comment est-ce possible ?
Ce silence a largement profité au protagoniste.
Les victimes ont, pour la plupart, découvert seulement récemment qu'elles n'étaient pas seules et que ce n'était pas un acte isolé.

Et maintenant que l'on a dit tout cela, pourquoi lire ce livre ?
Car c'est un livre qui remue, oui, mais qui est tout en pudeur et respect.
Car c'est un livre sur l'affaire bien entendu, mais pas seulement.

C'est un livre sur notre société, qui montre notamment l'incapacité de la justice Française à traiter ce genre d'affaire.
La répétition n'entrant pas en compte dans la loi pour ce genre d'acte, que vous le commettiez sur 10 ou 20 personnes, vous aurez la même condamnation.
Alors, pourquoi s'arrêter après tout ?

De mon côté, j'espère de tout mon coeur qu'on n'aura plus jamais l'occasion d'écrire un livre aussi répétitif.
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AUSSI PASSIONNANT QU'HORRIFIANT ! 📖

Aviez-vous entendu parler du violeur de la Sambre?
Moi non, jamais.
Et pourtant, des dizaines et des dizaines de femmes ont été agressées le long de la Sambre pendant plus de trente ans sans qu'il ne soit jamais inquiété.
Ça paraît fou... et pourtant.
C'est l'histoire (100% réelle malheureusement) que nous conte Alice Géraud, journaliste.

Cet homme que l'on dit sans histoires (comme d'habitude non?), père de famille, ouvrier, parfaitement intégré socialement s'appelle Dino Scala. Et ce violeur en série détruira la vie de tellement de femmes. Qui porteront plainte, qui ne seront pas toujours crues, mais qui garderons en elle la trace du traumatisme toute leur vie.

L'autrice a fait le choix de n'occulter aucune victime et l'accumulation des récits d'agression est à la limite de l'insoutenable. Choix ô combien fort et courageux. Mais aussi déstabilisant pour nous lecteurs qui enchaînons les récits de victimes et d'atrocités. Plusieurs fois, il passera à deux doigts de l'arrestation, plusieurs fois je me dis que la série va enfin s'arrêter... mais non. Pendant trente ans il parviendra à se faufiler entre les mailles du filet. Et quand arrive le récit de son procès, on ne peut que s'interroger sur la pertinence du système juridique français (et s'agacer évidemment...).

Malgré l'horreur, je dois bien avouer que cette lecture a été marquante et carrément addictive. Je suis passée par toute une palette d'émotions et je l'ai refermé enrichie. Alice Géraud a mené un travail d'enquête incroyable et parvient à nous embarquer avec une narration parfaite. le tout est raconté avec émotion, sobriété et respect.

Amateurs de littérature du réel et de faits divers, ne passez pas à côté ! Et si vous avez des ouvrages de cette trempe à me conseiller, n'hésitez pas, ça m'intéresse ! 😇

Plus qu'à visionner la série maintenant ! Il parait qu'elle est assez complémentaire... vous en avez pensé quoi vous? Envie de découvrir? Vous êtes plutôt livre ou série? 👀
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Sambre : radioscopie d'un fait divers, c'est le livre enquête sur l'affaire du violeur de la Sambre menée par Alice Geraud, qui est allée recueillir la parole des femmes victimes de cet homme accusé d'une cinquantaine d'agressions sexuelles et de viols commis au cours de trois décennies le long de la vallée de la Sambre.
30 ans sans qu'il soit inquiété ! On peut se demander ce qu'ont fait la police, notamment la gendarmerie ici et les institutions judiciaires.
Enfin le 26 février 2018, à l'arrestation de Dino Scala. Il aura fallu que la police judiciaire et son groupe Cold case reprenne l'affaire pour qu'enfin le coupable soit et mette fin à cet impensable faillite collective.
Il faut dire que dans les année 80 et 90, le viol n'est pas un vrai crime en France. Un délit renvoyé quand il est reconnu. Un délit que l'on traite en correctionnel et non devant les assisses au pénal !
Aussi lorsque notre journaliste recueille les récit de ses victimes, le portrait de notre violeur prend forme. Son mode opératoire est identique dans tous les témoignages des femmes qu'elle entend. On se demande pourquoi, les gendarmes n'ont pas fait le recoupement aux même.
Il faut dire que ces femmes ont osé brisé un tabou. Elles se sont posées en victimes d'agression sexuelles alors que le viol est encore à l'époque une presque institution sociétale. Et oui le pouvoir masculin n'a pas de limite et le viol est souvent requalifier en attentat à la pudeur au nom d'une présumée « loi de la nature », une sexualité masculine dominatrice et violente. Les violeurs nient la gravité de leurs actes. Et même aujourd'hui, le viol reste la seule infraction criminelle dans laquelle la victime se sent systématiquement coupable. Aujourd'hui encore 30 % de la population considèrent le viol comme un malentendu en 2018 encore 42 % des Français pensent que si la victime a eu une attitude provocante en public, la responsabilité du violeur doit être atténuée.
Ces femmes qui ont osé portée plainte malgré leur honte et la culpabilité qu'on leur renvoie, on eu pour seule réponse qu'elle ont eu de la chance d'être toujours en vie. L'agresseur ne les a pas tuées !
Je ne sais pas vous, mais moi ça me fait gerber !
Comme le dit Sophie notre Flingueuse : C'est choquant, révoltant..
Et nous sommes toutes les deux d'accord cette lecture est puissante.
À lire absolument. car le monde a t'il beaucoup changé en trente ans ? La parole des femmes est-elle plus écoutée ?
Alice Geraud nous offre une histoire qui raconte la lente prise de conscience de toute une société face à la question des violences sexuelles. Et il reste du boulot à faire, vous pouvez me croire.
Nous, on espère que ce document qui a fait l'objet d'une adaptation en série va faire bouger les mentalités, enfin !!!
Aussi Messieurs les policiers, les magistrats et mesdames aussi, j'espère qu'à l'avenir vous ferez preuve de plus de psychologie et d'écoute active, de bienveillance aussi face à la parole de ces femmes victime de violences qu'elles soient sexuelles, violente ou encore psychologique….
Vite éduquant et formant nos pouvoirs publics et nos institutions judiciaire et policière. Et faisant que la société ne connaisse plus jamais une telle faillite collective et ce dysfonctionnement général.
Alors merci Alice Geraud d'avoir mis en lumière avec brio ce sordide et glacial fait divers raconté avec délicatesse et brio. Et merci à toute ses femmes qui se sont armer de courage et avoir eu l'audace de se livrer de la sorte pour faire bouger les lignes.
Vous êtes mes héroïnes

Lien : https://collectifpolar.blog/..
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