AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,44

sur 342 notes
5
85 avis
4
35 avis
3
5 avis
2
1 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Radioscopie d'un fait divers : UN fait divers, pas vraiment. Il s'agit en fait du récit de plus d'une cinquantaine d'agressions sexuelles commises par un homme, dans un tout petit territoire, des bords de la Sambre, dans le Nord de la France, pendant une trentaine d'années. L'homme a enfin été arrêté en Février 2018. Les premières agressions remontaient à la fin des années 80.
Cet homme suivait le même mode opératoire, en devenant de plus en plus prudent, en devenant de plus en plus sûr de lui, en devenant de plus en plus violent. Comment cet homme a-t-il pu agir aussi longtemps dans un territoire aussi restreint sans être repéré, inquiété. C'est à cette question que tente de répondre l'auteur de cet essai.

Elle a choisi de rédiger cet essai en s'intéressant aux victimes, ces dizaines de femmes dont la vie a été brisée, par le fait d'un homme, le plus souvent un matin glacial d'hiver. Elles auront toutes du mal à surmonter ce qui s'est passé, même celles à qui l'on va dire qu'elles ont eu de la chance, La chance que l'agresseur n'aille pas jusqu'au bout ... Tu parles d'une chance !

Ce qui m'a sidérée, mise en colère, c'est d'entendre (oui c'était un livre audio) comment elles ont été, femme après femme, année après année, reçues dans les commissariats. J'avais d'abord écrit accueillies, ce terme n'était vraiment pas approprié.
Entre celles qui n'ont pas été crues, comme cette lycéenne à qui on demande si elle avait des contrôles dans la journée, celles à qui on a reproché leur mise, celles qu'on a soupçonnées d'aguicher les hommes, celles à qui on a fait raconter x fois la scène, celles à qui on a fait signer un procès verbal ne correspondant pas à leur récit, celles dont la plainte a été transformée en attentat à la pudeur, celles dont les plaintes ont disparu, j'ai eu l'impression de scènes se déroulant il y a longtemps. Pas si longtemps , et en France. J'ai honte parfois pour les autorités de mon pays.

Cette journaliste a mené une enquête incroyable, retrouvant ces femmes, allant les rencontrer, racontant une à une ces agressions qui ponctuent les années, sans que cela ne devienne ni répétitif ni lassant tant la détresse de ces femmes est bouleversante, saluant aussi dans ces pages le courage et l'obstination de quelques policiers, documentalistes, magistrats qui ont pu faire que le coupable soit finalement arrêté.

Je veux saluer aussi le travail de la narratrice Christel Wallois qui a su communiquer l'émotion, en restant sobre, sans tomber dans la grandiloquence. Une voix qui traduit avec beaucoup de respect les sentiments des victimes.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Audiolib pour ce partage #SambreRadioscopiedunfaitdivers #NetGalleyFrance

Commenter  J’apprécie          8647
Lu grâce au commentaire d'Anne-Sophie (merci dannso !). J'hésitais, elle a levé mes doutes, en plus ma bibliothèque l'avait mis en avant. Je l'ai commencé hier en fin de journée, lu en apnée, fini ce matin.
J'ai pleuré sur ce livre, j'ai pleuré de compassion pour toutes ces femmes victimes de ce violeur, pour leurs vies détruites ; mais j'ai aussi pleuré de rage face à ce mur, ces hommes qui sont censés les accueillir, les aider et prendre leur plainte. Les accueillir ? les aider ? Demande-t-on à une gamine de 13 ans qui vient d'être traînée dans une maison en ruine, étranglée et violée si "elle a pris du plaisir" (mention figurant au PV d'audition) ? Je suis restée sidérée. Effarée.....
.
Je me suis interrogée. Pourquoi vérifier si la gamine devant soi avec des traces de lien autour du cou, des preuves médicales de viol, n'a pas tout inventé afin de sécher le collège et les interro annoncées ? Comment peut-on imaginer ça ? Etait-ce des directives de Paris de systématiquement mettre la parole des femmes en doute ? Etait-ce parce que les flics en question étaient des hommes ? Etait-ce parce qu'ils ne voulaient pas gérer ces dossiers-là ? Mais mince ces flics avaient des mères, des soeurs, femmes, filles, nièces. Comment est-ce possible ? Pourquoi ?
Je ne sais pas et je m'interroge toujours.
.
Ce qui est sûr c'est que ce qui y décrit dans le livre est d'une violence inouïe. Ce qu'a fait cet homme à ces femmes, ce qu'a fait la police à ces femmes, ce qu'a fait la Justice à ces femmes..... Victimes pourtant, elles sont toujours vues comme de potentielles menteuses, affabulatrices, mythomanes voire responsables de ce ce qui leur est arrivé....
Les viols ont commencé fin des années 1980 et n'ont pris fin qu'avec l'arrestation du violeur en question en 2018. Condamné pour 56 viols et agressions sexuelles. Sans doute la partie émergée de l'iceberg. Un tiers de mineures.....
.
Cet essai retrace le déroulement (pathétique) de l'enquête. Il essaie d'expliquer pourquoi cet homme a pu ainsi longtemps violer et agresser des femmes sans être inquiété. La conclusion n'est pas réjouissante. J'espère que ça servira de leçon pour ne jamais reproduire un tel fiasco....
Le sous-titre est "radioscopie d'un fait divers". Sans doute traité comme tel puisque, comme il a été dit "y a pas mort d'homme".........
.
Un grand merci à l'autrice pour ce récit, pour s'être intéressée aux victimes, à ce qu'elles ont vécu et à ce qu'elles vivent encore.....
Un livre indispensable mais un livre qui fait mal....
Commenter  J’apprécie          5431
Les faits divers les plus étonnants sont souvent ceux qui percutent de plein fouet notre capacité à les croire possibles, ils se basent sur des choses que la fiction n'ose pas. Imaginez un roman où un violeur sévirait sur une zone de 27 kilomètres le long d'un fleuve, durant 30 ans, quasiment le même mode opératoire, un nombre sidérant de victimes, sans être jamais arrêté ni même soupçonné. Dur dur pour la fiction, ce type de scénario, trop abrupt pour la crédibilité. Ça tombe bien, ce livre est une enquête, basée sur des faits. Ils concernent l'affaire du violeur de la Sambre, comment il procédait, quelles femmes ont été ses victimes pour former « un kaléidoscope de vies brisées », comment la société l'a raté pendant 30 ans. Et c'est juste incroyable.
C'est peut-être un mot, juste un mot qui a plongé la journaliste Alice Géraud dans ce travail: immanent. Ce fait divers l'est-il, qui aurait dès lors « une existence autonome, une dimension exceptionnelle et une causalité incertaine » ?
On commencera vite à se douter que non, il n'y aura qu'à se concentrer dans un premier temps sur l'accueil des policiers envers les victimes dans ces années 80. le soupçon se retourne trop souvent vers les victimes, et toutes les raisons semblent bonnes : l'adolescente qui cacherait une grossesse, quelle idée de se balader dans cette tenue avec des talons hauts, la jeune fille qui ne voulait pas aller travailler ce matin. Et puis il y a aussi à l'époque le fameux attentat à la pudeur de l'ancien code pénal....
Alice Géraud a choisi d'entrer dans cette vaste enquête par les victimes, autant dire que les répétitions de scènes seront légion. le violeur de la Sambre opère quasiment à l'identique, au petit matin, par surprise et strangulation. le récit est parcouru de ses éléments biographiques en début de certains chapitres, parfois même de ses paroles récoltées après arrestation, qui donnent la mesure, le rythme et l'ampleur du raté de la société. Comment la police et la justice ont-elles pu passer à côté de la sérialité autant de temps ?
Il suffira d'une cinquantaine de pages pour comprendre la transcendance de cette affaire de la Sambre, qui « déborde de son propre cours, elle vient cogner le système et l'éprouver ».

Une enquête de 400 pages lues de deux ou trois traites en ce qui me concerne, en apnée sidérée.
Une enquête passionnante, qui revisite aussi l'histoire récente et l'évolution (lente) de la société face aux atteintes à la personne, et aux violences sexuelles.
Une enquête élaborée avec brio par une journaliste au ton imparable, celui qui fait avancer avec clarté vers la vérité, l'indignation en sourdine.
Une grande enquête à ranger à côté d'autres, comme « Les fossoyeurs » récemment.

« Quinze ans plus tard, à la barre de la cour d'Assises de Douai, Franck Martins tiendra à reparler de la manière dont Charlène a été traitée ce jour de janvier 2008. Il dira que ce qui s'est passé ce jour-là est « une honte ». J'entendrai pour la première fois sa voix ronde trembler un peu. Il tiendra à présenter ses excuses à Charlène, « au nom de la police ».

Merci à Babélio et les Éditions JC Lattès pour l'envoi de ce livre passionnant dans le cadre de masse critique.
Commenter  J’apprécie          544
Sambre... Voici une écoute que j'ai faite il y a plus de trois semaines et qui pourtant me prend aux tripes rien qu'à l'évocation de son titre... Et pour cause, pendant près de trente ans, plusieurs dizaines d'adolescentes et de femmes ont été victimes d'agressions sexuelles aux abords de cette rivière franco-belge du Nord de la France.

Quand je pense à ce livre écrit par Alice Géraud, une journaliste indépendante, je suis prise d'un sentiment de colère.
Je suis en colère contre les personnes représentant l'autorité qui n'ont pas pris au sérieux ces femmes et jeunes filles venues au commissariat après leur agression et qui, au contraire ont parfois été capables de les rendre fautives ou encore de remettre en cause leurs paroles ce qui les a détruites... Je suis également en colère contre certaines décisions et choix pris qui ont permis au violeur de la Sambre de continuer à sévir pendant trente ans en toute impunité... Et pourtant, je suis très reconnaissante pour le travail minutieux et la détermination de certaines personnes qui ont contribué à l'arrestation de Dino Scala.

Plus qu'une simple dénonciation, Alice Géraud a ici fait un important travail de recherche. Au cours de cette lecture, on peut voir l'évolution du droit pénal qui devient plus répressif en caractérisant certaines atteintes, et les nombreux progrès et moyens développés et utilisés par la police scientifique. Par ailleurs, ce texte rappelle l'impact que peut être le manque de moyens matériels et humains dans des zones géographiques oubliées et sinistrées.

Concernant l'écoute en elle-même, j'ai trouvé que Christel Wallois avait su retranscrire les émotions se dégageant de ce récit. Tout en racontant l'horreur, j'ai ressenti beaucoup d'empathies et d'humanités à l'égard de ces adolescentes et femmes. C'est sûrement pour ça que j'ai du mal à passer à autre chose depuis cette écoute.

Je tiens à remercier Audiolib et Netgalley France pour m'avoir permis de faire cette écoute que je conseille pour un public averti.

J'espère que le livre d'Alice Géraud qui a fait l'objet d'une adaptation en série télévisée offrira une réflexion à ses lecteurs ou spectateurs comme ça a été mon cas...
Commenter  J’apprécie          455
En pleine période #MeToo, Alice Géraud, journaliste spécialisée dans les faits divers de la société française, est interpellée par un confrère sur cette histoire folle d'un violeur en série, appelé le Violeur de la Sambre, vient d'être arrêté après plus de trente ans d'agressions et de viols, et est inculpé pour un minimum de 57 victimes.

Son mode opératoire est toujours le même, son terrain de chasse : une départementale de 27 km, le long de la rivière la Sambre, des voies ferrées entre Maubeuge, Louvroil, Aulnoye-Aymeries, Avesnes, dans le Nord. Il attaque à l'aube seulement, arrive derrière sa cible, l'étrangle d'un bras ou avec un lien, la traine dans le fossé ou un champ, ou une ruelle, un chemin quasi dans le noir, l'empêche de le regarder, et avec un couteau la menace. Beaucoup de victimes en sortent avec d'horribles marques de strangulation, la plupart restent inconscientes un long moment, avant de se relever. L'homme a disparu. Leurs vêtements sont boueux, il s'est surtout attaqué à la poitrine des victimes. Parfois viol par fellation, parfois viol vaginal. Les victimes ont entre 13 et 50 ans. Certaines ne disent rien, et celles qui portent plainte vont vivre un calvaire.

Le parcours criminel de cet homme commence vers 1986 (d'autres agressions précédentes n'ont pas été enregistrées), et finit en 2018.
Les plaintes enregistrées soit à la Police, soit chez les gendarmes ne sont pas toutes retrouvées. Car ces inspecteurs et autres gendarmes ne portent aucun intérêt à ces victimes terrorisées, et souvent il n'y a qu'une main-courante, ou alors on ne leur propose pas de porter plainte, contre X car pour la plupart elles n'ont pas vu le visage du criminel. Et pendant longtemps, on va désigner ce qui leur est arrivé par la dénomination « attentat à la pudeur ».

Quelques unes ont vu son visage, mais par contre son odeur de métallurgiste et sa voix leur restent. Les plaignantes sont malmenées, elles ne sont pas crues, elles sont souvent accusées de mentir, de fabuler. L'horreur en plus, car personne ne leur dit qu'il y a d'autres victimes.
Que le salopard en question est ami avec les policiers de Maubeuge, et passe souvent dans ce vieux commissariat pour boire un coup avec les flics.

Que seules deux archivistes de la Police Judiciaire de Lille vont commencer à faire le lien entre plusieurs plaintes et vont faire un tableau sur des feuilles A4 avec tout ce qui peut etre recoupé : les heures, les jours, l'endroit, les descriptions.
Rien ne sort dans la presse, à part un petit journal hebdomadaire local « La Sambre ». Les policiers n'ont aucune idée que leurs collègues de la ville d'à côté recueillent aussi des victimes de ce serial violeur. Personne ne partage. Personne n'en parle. Et la compétition entre Gendarmerie et Police fait que chacun s'occupe de ses affaires. de ces plaintes. Il y a des enquêtes en cours mais aucune plaignante n'est tenue au courant. C'est l'omerta partout.

C'est le constat atterré de la journaliste, qui décide d'aller voir de près ce qui se passe, ce qui s'est passé. Ce Dino Scala, qui a fait bien plus de victimes que la justice n'en n'a compté, a vécu et violé toute sa vie sur un minuscule périmètre, sans être inquiété ni interrogé. Par personne. Son ADN l'a finalement trahi, et les caméras de sécurité du parking de l'usine métallurgique où il a toujours travaillé permettent à des inspecteurs de la PJ de Lille de l'arrêter, en Juin 2018.

Alice Géraud, journaliste à Libération puis fondatrice du site « Les Jours » s'en va sur le territoire de la Sambre, à la rencontre de victimes de Dino Scala, celles qui veulent bien lui parler. Elle recueille leur parole, sans jugement, leurs explications, souvenirs, et ensuite ce qui est souvent le plus dramatique, comment leur plainte aux autorités a été reçue. Comment elles, elles ont été reçues. Leurs traumatisme qui empire. Les conséquences de ce viol et de se sentir méprisées par la police et la justice. Leur combat, leurs vies détruites. C'est effrayant et bouleversant.

D'un autre côté, l'auteure va dans les commissariats, et rencontre des témoins qui expliquent comment ces victimes sont reçues. le langage procédural utilisé. La différence manifeste entre les mots tapés à la machine sur du papier pelure, enfin retrouvés, et la parole de chaque victime.

L'auteure relate toute l'enquête, chronologiquement, en mettant en premier et en priorité la parole de ces femmes que la justice a méprisées pendant trente ans. Celles qui ont eu un meilleur « traitement » parce qu'on a trouvé de l'adn, qu'on l'a cherché. C'est effarant.
Dino Scala a été jugé en 2022 pour le viol de 57 femmes. Il a pris 20 ans mais a fait appel. D'autres victimes sont en train de se faire connaître.

Je suis sortie bouleversée, atterrée de ce livre si précis, si effroyable de la façon horrible dont les gendarmes et les policiers ont nié tout respect de chaque victime, de la petite de douze ou treize ans qui ne savait même pas décrire ce qu'elle avait dû faire, à des cinquantenaires rouées de coups et détruites moralement. Et les dégâts sur leur vie intime et sociale. Je pensais que cette façon de recevoir des victimes de viols datait d'il y a cent ans. Mais non ! Tout est vrai. Et cette misère sociale du Nord, avec les aciéries qui ferment l'une après l'autre, donnent une couleur et un décor infiniment triste à l'histoire. Je suis du Nord. J'ai la chance de ne pas avoir vécu celà.

Il paraît qu'une série télévisée va sortir, s'inspirant de ce livre.
Ce livre a reçu de nombreux prix. L'enquête est précise, le style clair, c'est une lecture indispensable.


Ma note : 5 sur 5.
Lien : https://melieetleslivres.fr/..
Commenter  J’apprécie          351
Alice Géraud enquête sur le violeur de la Sambre, qui pendant plus de trente ans, va s'en prendre à des femmes.
Plutôt que de s'intéresser à l'agresseur, la journaliste nous parle des victimes, de leur parcours, de leur enfer. Mais elle démontre surtout le système qui va les broyer, minimisant les faits ou les niant, faisant passer ses femmes du statut de victime à celui de coupable. Coupables d'avoir porté une jupe, d'avoir dévié du chemin, d'avoir été en retard, ou en avance, d'avoir séché l'école, d'avoir menti, d'avoir aguiché, bref, de l'avoir bien cherché. On se révolte de l'attitude des policiers qui refusent de prendre les plaintes ou de les transmettre au parquet, de croire celles qui viennent, des proches qui accusent ou stigmatisent, du système qui oublie. Mais on admire aussi celles et ceux qui se sont accrochés, qui ont fouillés, fait le rapprochement, notamment ces archivistes qui ont fait le tableau regroupant tous les dossiers qu'elles ont pu raccrocher à l'affaire, ou les flics hantés par l'affaire.
J'ai beaucoup aimé la narration de Christel Wallois qui arrive à égrener les mots avec le minimum d'émotions (comment a-t-elle fait ?) s'oubliant derrière les faits qu'elle raconte, appuyant avec talent le travail journalistique d'Alice Géraud.
Le livre audio comporte aussi une interview de la journaliste, qui revient sur sa méthode de travail, explique comment elle est arrivée sur l'affaire, sa relation avec les victimes et les intervenants de l'affaire.
Un livre indispensable sur une affaire hors norme, qui je l'espère fera bouger les lignes de la justice dans le sens des victimes.
Commenter  J’apprécie          252
Sidérant, ahurissant, effroyable...

Si Sambre avait été une fiction, je l'aurais abandonné au bout de quelques pages...
Peu de crédibilité !!!

Imaginez un violeur en série agissant sur un territoire de quelques kilomètres carrés, sur la même route, avec un mode opératoire variant peu, faisant plus de cinquante agressions et n'étant arrêté que 30 ans plus tard !

J'ai été outrée de penser que non, il ne s'agit pas d'une oeuvre pathétique d'un écrivain en manque d'inspiration mais d'un fait divers brillamment décortiqué par une journaliste dont je souligne la qualité du travail.

1988-2018 ci-gît 30 ans de carences policières, judiciaires et humaines.

Alice Géraud s'intéresse aux victimes et les raconte une à une. Et cela fait mal. Ces femmes ont non seulement eu leur vie brisée mais leur parole bafouée. La façon dont on a remis leurs propos en doute, dont on les a insidieusement remis en cause (leurs tenues pouvaient être aguicheuses...).

Un roman nécessaire, tout comme une évolution de la société et une écoute réelle des victimes.
Commenter  J’apprécie          220
A l'occasion de sa venue aux Quais du Polar à Lyon, le cinéaste Dominik Moll accordait un entretien à Christophe Laurent pour évoquer son travail de réalisateur et plus particulièrement son dernier film La Nuit du 12 inspiré de 18.3, Une Année A La PJ (Denoël 2021), un récit de Pauline Guéna qui a suivi les enquêteurs de différentes brigades de police judiciaire de Versailles, en se focalisant plus spécifiquement sur le meurtre d'une jeune femme aspergée d'essence et brûlée vive alors qu'elle cheminait le soir pour rentrer chez elle, et qui ne sera jamais résolu. Durant cette interview, dont vous trouverez l'intégralité sur le blog The Killer Inside Me, le réalisateur parlait de son intérêt pour les récits de non-fiction en mentionnant Sambre d'Alice Géraud, une journaliste indépendante qui a enquêté durant quatre ans en se penchant sur le procès de Dino Scala, un auteur d'une série de viols et d'agressions sexuelles perpétrés sur l'espace de trois décennies par celui que l'on surnommait «le violeur de la Sambre» et qui sévissait dans cette petite région industrielle du Nord de la France en s'en prenant à un nombre considérable de femmes des agglomérations environnantes.

Hiver 1986, l'aube ne s'est pas encore levée sur cette rue de Maubeuge où chemine Danielle, une aide-soignante qui se rend à son travail lorsqu'un individu cagoulé la soulève brutalement pour l'entrainer à l'écart de l'artère avant de lui enfoncer un tissu dans la bouche afin qu'elle se taise pour ensuite la tuer pense-t-elle. Mais l'homme semble renoncer et lui glisse un billet de 50 francs dans la main avant de s'enfuir. Au commissariat où elle se rend, Danielle remet le billet aux policiers et dépose plainte. Elle n'aura aucune nouvelle de son agression durant 30 ans. Il semble que ce soit la première des nombreuses victimes de Dino Scala qui est arrêté le 26 février 2018 en étant soupçonné d'être celui que l'on surnomme «le violeur de la Sambre». Après quatre ans d'instruction, ce prédateur est jugé pour pas moins de 56 viols et agressions sexuelles. Outre la temporalité, c'est le nombre considérable de victimes qui interpelle, en se demandant comment Dino Scala a-t-il pu agir aussi longtemps, sur un si petit territoire en commettant tous ces crimes, avec le même modus operandi, sans jamais être inquiété une seule fois. C'est auprès des victimes que l'on trouvera des réponses en découvrant le témoignage d'une multitude de femmes brisées et bafouées, parfois même oubliées, dont le long parcours judiciaire chaotique met en exergue les défaillances de toute une société et plus particulièrement l'incompétence d'institutions qui sont incapables de faire face à la prise en charge de personnes ayant subi des violences sexuelles.

Comme pour le film de Dominik Moll, il est donc question, avec Sambre, de violences faites aux femmes en se concentrant plus spécifiquement sur le sort réservé aux victimes, et plus particulièrement sur la prise en considération de leurs plaintes suite à des agressions sexuelles ou des viols s'étalant sur une période de trente ans entre 1988 et 2018 année où l'on procède enfin à l'interpellation de Dino Scala dont on ignore, aujourd'hui encore, le nombre exact d'exactions qu'il a commises durant toutes ces années. D'entrée de jeu, on rejoint le réalisateur dans le fait qu'un récit tel que Sambre devient un témoignage sociétal important devant figurer dans la liste des ouvrages obligatoires à l'intention des écoles de police en mettant en exergue tout ce que l'on ne doit pas faire lorsque l'on prend en charge une victime d'un viol ou d'une agression sexuelle. Parce qu'en se focalisant principalement sur les points de vue des victimes, Alice Géraud décrit le désarroi de ces femmes devant faire face à une somme effarante d'incompétence, d'ignorance et parfois même de défiance des forces de l'ordre, mais également de la justice, qui s'ajoute à la détresse des crimes dont elles ont fait l'objet. Se déroulant sur une temporalité de plusieurs décennies, on observe également de manière extrêmement prégnante, l'insidieux processus de démolition ravageant définitivement l'existence de ces personnes violées ou agressées sexuellement qui ne peuvent se remettre d'un tel événement. le point fort de Sambre réside dans le fait que la journaliste s'attache à restituer le climat de l'époque au gré d'une écriture à la fois sobre et immersive s'appuyant sur des témoignages factuels ce qui fait que le texte n'a rien d'un pamphlet, bien au contraire, puisque l'on ressent cette émotion qui nous étreint tout au long de cette lecture passionnante. Et puis, au-delà des erreurs et des carences qui ont permis à Dino Scala d'agir en tout impunité, Alice Géraud met en exergue les acteurs qui se sont investis, en dépit de tout, pour tenter d'appréhender "le violeur de la Sambre » et dont les fonctions donnent le titre à certains chapitres qui ponctuent le récit, à l'instar de la juge, de l'archiviste, de la maire et de quelques policiers dont les compétences et l'empathie mettent davantage en perspective les manquements de leurs institutions respectives. Ainsi, Alice Géraud relève, avec une pertinence et une lucidité incroyable, l'état d'esprit d'une époque qui n'a pas encore basculé dans l'ère des mouvements sociaux comme #MeToo. On distingue donc dans Sambre certains aspects d'une prépondérance toute masculine, formels ou informels, à l'exemple de l'évocation de l'ancien code pénal régissant notamment les délits en lien avec l'intégrité sexuelle avec certains aspects du viol qualifiés comme des attentats à la pudeur et que de très nombreux policiers persistaient à mentionner dans leurs procédures et dépit de la révision de ce texte législatif abandonnant cette terminologie désuette. Il faut également souligner la qualité de la construction narrative de Sambre qui, du présent autour du procès de Dino Scala, nous projette dans une longue analepse s'inscrivant dans la chronologie de l'ampleur de ses crimes, pour nous ramener sur les instants assez poignants où les victimes prennent connaissance du verdict mettant un terme à leur parcours judiciaire d'une intensité saisissante. Alice Géraud parvient donc littéralement à nous immerger dans les méandres de cette enquête rigoureuse, dont on retrouve la plupart des éléments dans l'adaptation d'une série tout aussi magistrale que ce récit criminel atypique et bouleversant qu'il faut lire impérativement.



Alice Géraud : Sambre. Radioscopie d'un fait divers. Editions Jean-Claude Lattès 2023.

A lire en écoutant :

En Rouge Et Noir de Jeanne Mas. Album : Femme d'Aujourd'hui. 2010 Warner Music France.

Sambre de Raf Keunen. Album : Sambre (Musique originale de la série). 2023 Ear Inn.
Lien : http://www.monromannoiretbie..
Commenter  J’apprécie          220
Sambre : Radioscopie d'un fait divers, Suivi d'un entretien inédit avec l'autrice, par Alice Géraud, lu par Christel Wallois, Audiolib 2023.

Ayant eu beaucoup de mal à visionner la série TV inspirée de ce livre, malgré le choix des scénaristes d'en faire une fiction et non un documentaire, je me suis laissé tenter par cette audio-lecture, proposée par NetGalley.

Alice Géraud y retrace la chronologie et le traitement par la police et la justice des agressions sexuelles et viols commis entre 1988 à 2018, dans la Sambre, une petite région industrielle du Nord de la France, par un seul et même individu.
Plus de 50 victimes, auxquelles d'ajoute une quinzaine d'affaires concernées par une nouvelle information judiciaire ouverte au printemps 2023 par le parquet de Valenciennes pour d'autres faits commis entre 1988 et 2009 à l'encontre de celles dont les plaintes avaient été égarées ou que la justice avait d'abord écartées.

Un reportage à charge.
Un réquisitoire.
Comment un seul homme a-t-il pu commettre autant de crimes aussi longtemps, sur un si petit territoire, sans jamais être inquiété ?
Ce livre pointe les dysfonctionnements dans les réceptions des plaintes, dans l'accueil des victimes, dans les enquêtes bâclées, dans les instructions cloisonnées… Une accumulation de lacunes et de négligences inacceptables.
C'est édifiant, désolant, révoltant.

Le chant choral des victimes, des collégiennes, des lycéennes, des toutes jeunes femmes, des plus âgées… Leur traumatisme indélébile.

Un excellent livre, utile.
Une version audio de grande qualité servi par une narratrice qui a su garder une tonalité discrète et factuelle.

#SambreRadioscopiedunfaitdivers #NetGalleyFrance

Lien : https://www.facebook.com/pir..
Commenter  J’apprécie          200
Cet essai revient sur la véritable histoire du « violeur de la Sambre », un homme qui a agressé plus d'une cinquantaine de femmes, en toute impunité, de 1988 à 2018, dans la région de Maubeuge.

Je n'ai pas pour habitude de chroniquer les séries que je visionne, mais il s'en est fallu de peu pour que je me lance dans un article consacré à la série Sambre diffusée sur France 2 en novembre 2023, tant elle m'a semblée parfaitement réussie : justesse des acteurs, réalisme de la mise en scène et scénario implacable, le tout dans le but de dénoncer le dysfonctionnement de la justice française et de rendre enfin hommage aux victimes. Pari brillamment réussi, les avis sont unanimes, pour cette série de fiction française, récompensée à de multiples reprises. Lorsque l'occasion m'a été donnée d'écouter l'essai ayant inspiré cette série, Sambre, radioscopie d'un fait divers, enquête menée par la journaliste Alice Géraud, je n'ai pas hésité une seconde, ayant envie de comprendre l'intégralité des rouages de cette affaire hors-norme. J'ai découvert bien plus que cela: un livre d'une profonde humanité, une enquête qui mérite assurèment les prix qui lui ont été attribués et plus encore, et surtout d'être lue, écoutée ou vue par le plus grand nombre, au nom de l'évolution de la condition féminine.

Lorsque Alice Géraud entend parler de cette affaire, au moment de l'arrestation de Dino Scala en 2018, elle s'étonne que le criminel ait pu « oeuvrer » durant trente ans sans être soupçonné, dans un périmètre si limité et selon un rituel bien établi : les viols ont en effet tous eu lieu tôt le matin le long d'une départementale qui longe la Sambre sur 17 kms, suivant un même mode opératoire. Elle décide alors d'aborder l'affaire de près, en se rendant sur place et en lisant chaque déposition, en épluchant chaque article de presse et en rencontrant les victimes. Les techniques de la police ont évolué et n'étaient pas en 1988 ce qu'elles sont aujourd'hui. Toutefois un portrait-robot a assez rapidement été mis à disposition des forces de l'ordre dans les communes où tout le monde connaissait Dino Scala, un homme socialement intégré, bon père de famille, bon employé et entraineur de football… de surcroit ami avec les agents de la gendarmerie locale… le récit revient en détail sur chaque viol, sur chaque victime en une répétition quasi hypnotique, provoquant sur le lecteur l'effet escompté : on se demande comment l'homme a pu agressé en toute impunité autant de femmes ? Jamais un auteur de fiction n'oserait inventer une telle histoire sous peine de paraître trop peu crédible… Et pourtant, dans la réalité, les faits se sont ainsi déroulés: une accumulation de victimes, poussant la porte du commissariat, relatant des faits d'agressions subis sur plusieurs communes séparées par quelques kilomètres. Les lecteurs ayant perçu une déplaisante redondance, rendant inconfortable le récit, sont bien à plaindre pour leur manque d'empathie car ils sont certainement passés à côté de la portée du texte et du but de l'auteure qui est bel et bien de nous faire prendre conscience de l'inconcevable succession de faits semblables sans qu'aucun lien entre les affaires ne soit établi par les forces de l'ordre durant de nombreuses années. Et pour quelles raisons ? Manque de communications entre les services publiques, manque d'intérêt des médias, voire dilettantisme des forces de l'ordre ?… Un peu de tout cela en effet, mais surtout et essentiellement, un réel manque d'intérêt envers les victimes, dont les témoignages n'ont pas été pris en compte à leur juste valeur.

» MES VICTIMES N'ONT PAS DE VISAGE, JE NE SAIS RIEN D'ELLES, JE LES OUBLIE, ELLES SONT COMME DES FANTÔMES »
Fantômes devant leur agresseur, fantômes devant les forces de l'ordre et devant la justice, victimes fantômes devant la société… C'est là que le fait divers devient fait de société : la parole des femmes mise en doute par les forces de l'ordre, dénigrée voire moquée (certains passages sont effarants, par exemple lorsque les enquêteurs demandent à une lycéenne si elle avait un contrôle prévu en classe le jour du drame et si elle n'a pas inventé toute cette histoire pour y échapper???, où ce qu'une des victimes portait ce jour là, n'avait-elle pas une tenue trop aguichante ???), jusqu'à ces plaignantes sur les bancs du tribunal lors du procès en 2022 pour lesquelles les avocats de la défense vont jusqu'à fouiller le passé intime et soumis au secret médical pour les décrédibiliser… A se demander qui sont les accusés ? Lorsque après l'agression, on leur assène un « vous avez eu de la chance » (d'être encore vivante, de ne pas avoir été violé mais d'avoir « seulement » subi des attouchements…), il s'agit ni plus ni moins que d'une injonction au silence, qui démontre une volonté de surpuissance du patriarcat face à la femme objet… le tout récent soulèvement des années #Meetoo, où les générations féminines s'affirment les unes après les autres tenderait à limiter ce genre de comportement dénigrant, mais on avance souvent d'un pas pour reculer de deux. D'où l'importance de ce livre pour que l'idée de ne plus se taire soit enfin assimilée.

Ces femmes ont donc subi le calvaire du viol qui est devenu le calvaire d'une vie avec toutes les conséquences que l'on connait (intimes, relationnelles, professionnelles…), mais aussi le calvaire de la confrontation avec la police, puis lors de l'arrestation de Dino Scala, la prise de conscience que leur agresseur a vécu à proximité durant toutes ses années de liberté (certaines le compaient parmi leurs connaissances, d'autres se sont imaginées le croiser chaque matin), et pour finir l'enfer du procès où certaines (c'est à dire toutes par solidarité) se sont vues accusées à la place de leur agresseur! Pendant toutes ces années de calvaire pour les victimes, Dino Scala a donc agressé une cinquantaine de femmes (avérées) et certainement plus durant trente ans sans être incrimé et lorsqu'il sera enfin arrêté et jugé, il écopera d'une peine de vingt ans de prison car qu'il y ait dix ou cinquante victimes, la peine est la même. Attention, par un savant miracle juridique, il ne lui reste plus que neuf ans à purger. Impunité, lit-on parfois.

J'ai énormément appris avec cet essai, notamment sur l'évolution de la prise en charge des victimes car il y a tout de même eu une évolution, surtout ces dernières années, avec ce que l'on pourrait appeler le « retour d'expériences » des grandes affaires criminelles belges et françaises, entre autres. Ce livre est un hommage aux victimes, il évoque également certaines personnes qui sont sorties de l'ombre dans cette affaire et se sont battues pour faire avancer l'enquête : l'archiviste lilloise notamment, la maire de Louvroil ou encore la victime devenue ingénieure qui aura eu le courage d'affronter les magistrats pour leur faire prendre conscience des dysfonctionnements de leur métier, le prix Polar et Justice sera la preuve de la reconnaissance de ce corps de métier et d'une volonté de faire évoluer les choses en faveur des victimes.

Rien n'est dû au hasard, la note de fin de cet article sera allié au final exceptionnel de cet essai : en s'inquiétant du sort des victimes de cette affaire, l'auteure est parvenue dans les dernières pages à lier l'intime à l'universel, et le combat mené pour écrire ce livre prend tout son sens. Un mot pour saluer la prestation de Christel Wallois qui a prêté avec conviction sa voix pour l'adaptation audio de cette enquête. Je remercie les Editions Audiolib via Netgalley pour cette lecture exceptionnelle et extrêmement instructive.
Lien : https://loeilnoir.wordpress...
Commenter  J’apprécie          200



Autres livres de Alice Géraud (1) Voir plus

Lecteurs (963) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (5 - essais )

Roland Barthes : "Fragments d'un discours **** "

amoureux
positiviste
philosophique

20 questions
851 lecteurs ont répondu
Thèmes : essai , essai de société , essai philosophique , essai documentCréer un quiz sur ce livre

{* *}