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Citations sur Volte-face et malaises (12)

CHAPITRE 1

Ça n'allait pas bien. Il n'y avait plus de jus dans le frigo, toutes les oranges avaient été pressées, et par les grandes fenêtres de l'appartement, je pouvais voir de mauvaises giboulées de neige qui reflétaient parfaitement mon état intérieur. Pas question de sortir. Il n'avait d'ailleurs pas été question de sortir pendant presque dix jours, depuis que Florian m'avait annoncé qu'il me laissait pour une autre femme. Il avait quitté l'appartement, son appartement, où je vivais avec lui depuis quatre ans déjà, en me disant qu'il ne voulait surtout pas me bousculer et que je pouvais prendre le temps que je voulais pour partir. Brave type.
Mais il n'y avait plus de jus et il me fallait quelque chose pour allonger ce qui restait de la bouteille de vodka que Catherine m'avait charitablement apportée quatre jours plus tôt et qui avait été consommée dans un marathon d'apitoiement sur moi-même et de délectation morose. J'avais donc eu la brillante idée d'ajouter à la vodka un restant de sorbet à la mûre qui traînait dans le congélateur depuis des lustres. Le sorbet, c'est un peu comme du jus congelé, non ? m'étais-je dit dans un pathétique élan de justification. Sauf que la durée du séjour du sorbet en question dans le congélo et son contenant moyennement hermétique lui avaient donné un solide arrière-goût qui venait distinctement du paquet de crevettes voisin. Ma vodkamûre- crevette me navrait jusqu'aux larmes, mais je la buvais tout de même avec diligence, comme un enfant malade avale son sirop Buckley's. Non, vraiment, ça n'allait pas bien.

Florian était parti. C'était un fait accompli, qui avait eu lieu à 20 h 17 précises le mardi de la semaine précédente mais qui, me semblait-il, ne cessait d'arriver depuis.
À 4 h 42 du matin, alors que je me réveillais dans la nuit et que pendant quelques secondes suspendues je retrouvais la tendre innocence des semaines d'avant, jusqu'à ce que celle-ci vienne se fracasser contre l'absence de Florian à mes côtés.
À 11 h 31, quand je me traînais péniblement hors du lit et que j'éprouvais un véritable vertige en réalisant que l'homme qui partageait ma vie depuis bientôt six ans était parti pour ne jamais revenir.
À 14 h 03, alors que j'appelais Catherine en larmes pour lui répéter la dernière conversation que j'avais eue avec Florian ¿ conversation qu'elle connaissait déjà par coeur puisque je la lui redisais dans son entièreté au moins une fois par jour, dans l'espoir ridicule qu'une de nous deux y découvre soudain l'antidote à mon malheur (« Quand il a dit ¿mais¿, il a vraiment dit ¿mais¿, mais il avait l'air de dire ¿et¿... qu'est-ce que tu penses que ça veut dire ? »).
Vers 16 heures, lorsque l'ivresse des premiers verres de vodka-pamplemousse (il y avait encore du jus dans le frigo à cette glorieuse époque) se faisait sentir et que pendant un bref moment je parvenais à me convaincre que c'était mieux ainsi, pour m'effondrer en larmes quelques minutes plus tard.
À 19 h 24, alors que dans un cercle vicieux totalement absurde le simple son de mes sanglots suffisait à me faire sangloter de plus belle.
Autour de 21 heures, heure à laquelle Catherine tentait de me faire avaler quelque chose avant de retourner chez elle, non sans avoir pris soin de nourrir mes deux chats qui étaient devenus de véritables petits mouchoirs ambulants tellement je pleurais sur eux.
À 23 h 58, alors que le générique d'un épisode de Grey's Anatomy me laissait dans un bain de larmes qui n'avait rien à voir avec la mort tragique d'un petit garçon qui avait courageusement combattu un cancer rarissime mais plutôt avec le fait que, pendant un instant, j'avais littéralement envié le petit garçon courageux, ajoutant à mon désespoir de femme délaissée un sincère dégoût de moi-même qui était aussi désolant que prévisible.
...
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J’avais pourtant accumulé au cours des années tant de preuves de notre amour! Souvenirs de voyages et de fous rires, séjours dans sa famille et dans la mienne, partys s’étirant jusqu’aux petites heures du matin et soirées en amoureux, confessions intimes et conversations stimulantes… nous nous étions bâti un quotidien aux strates innombrables, aussi précieuses que banales.
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Il a levé sa bière et nous avons trinqué. Les hot dogs étaient délicieux, autant sinon plus que la poutine, et j'en étais rendue à me demander si j'avais déjà savouré un meilleur repas. « Et tu fais ça comment? s'est enquis Maxime.
- Quoi?
- En quoi tu te donnes un break?
- Ben .... » Je me tortillais sur mon bac. « C'est comme gênant.
- Tu te masturbes plusieurs fois par jour?
- Pardon? » J'étais presque offensée.
« Tu me dis que c'est gênant ...
- C'est gênant parce que ... parce que t'es tellement Joe Équilibré que tu vas trouver ça complètement ridicule.
- Essaye-toi donc avant de décider que je vais trouver ça ridicule.
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J’aurais voulu de l’effarement, des larmes, de l’autoflagellation, une explosion de mélodrame latin plutôt que cet étalement de logique teutonne, tout en rationalisme et en retenue.
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l m’avait expliqué avec véhémence qu’il m’aimait et qu’il m’aimerait toujours, mais que quelque chose s’était enfui, quelque chose de tellement important qu’il avait, pour la première fois depuis notre rencontre, eu envie de regarder ailleurs. Et c’est en regardant ailleurs que ses yeux s’étaient posés sur l’autre.
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«Tu es nègre?» m’avait-il dit. «J’aime mieux ghost writer», avais-je répliqué, tout en précisant que je ne comptais pas faire cela longtemps. Il m’avait rebaptisée Fantômette, ce qui faisait beaucoup rire Catherine mais me rendait, sans que je sache pourquoi, inexplicablement triste.
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J’avais, pendant quelques minutes, apprécié la vivifiante morsure du vent sur mes joues. Il neigeait à plein ciel et les flocons nous piquaient le visage et s’aggloméraient dans nos cheveux.
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Elle avait entendu mes sanglots, essuyé mes larmes, écouté mes doléances, mes excès de rage, mes remises en question et mes professions de désespoir éternel.

J’étais depuis passée par toutes les étapes de la perte de dignité qui suit inévitablement une rupture amoureuse qu’on n’a pas désirée. J’avais appelé mille fois mon ex – parce que c’était ce qu’il était maintenant, un «ex», petit mot triste et banal que je n’allais plus jamais pouvoir faire au Scrabble pour me sortir d’un mauvais pas sans ressentir un douloureux coup au cœur. J’avais laissé des messages lamentables et avinés dans sa boîte vocale. J’avais mis tous ses vêtements dans des sacs-poubelle que j’avais pris la peine de sortir dehors puis que j’étais retournée chercher dans un élan de culpabilité, d’amour et d’espoir (et s’il revenait? Il serait certainement déçu de ne plus retrouver ses chaussettes et ses maillots de bain, ainsi que le ridicule chandail bavarois que sa tante lui a envoyé pour Noël).
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Je ne voyais, évidemment, aucune lumière au fond de ma bouteille de vodka.
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Le départ définitif et ponctuel de l’homme que j’aimais encore m’arrivait plusieurs fois par jour. S’il était accompli dans le temps, il ne l’était pas en moi, et j’avais la nette impression qu’il ne le serait jamais. Je ne cessais de redécouvrir mon malheur, de réaliser mon infortune.
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