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Critique de Biblioroz


J'aime beaucoup le style d'Hélène Gestern. Je me laisse entraîner par sa si belle plume, avec la sensation de dévaler les pages, bondissant de chapitre en chapitre. Elle a beaucoup de talent pour mettre en place les pièces composant ses différents romans, s'appuyant toujours sur des écrits, des photos qui ouvrent sur de véritables indices finement exploités.

Ici, son narrateur, Benoît, 46 ans, représentant de commerce, ne fait rien pour attirer notre sympathie. de son propre avis, c'est un menteur, un lâche, dénué de courage pour les petites ou grandes décisions. Il pense même qu'aux yeux de sa femme, il n'est qu'un minable.
Ce matin-là, un bouton de fièvre enflamme sa bouche et déchaîne jalousie et reproches blessants de la part de cette dernière. Une fois de plus, une fois de trop.
Anticipant le dernier rendez-vous qu'il doit honorer avant son licenciement économique, il prend la fuite, ignore les appels venimeux de sa femme et se dirige vers une ville, près de Blois. Il y prend une bière dans une lugubre brasserie de gare et là, abasourdi, il reconnaît à sa silhouette légèrement voûtée, Irina. Vingt ans que ce premier amour, si intense, si enflammé, a subitement pris fin par le départ brutal et sans retour, un matin de juin, de l'étudiante tant aimée.
Alors ne plus donner de nouvelles, il l'a vécu, de l'autre côté, à cette époque. Maintenant, c'est lui qui s'évapore dans la nature du Loir-et-Cher, laissant sa femme seule face à son inquiétude, sa colère, sa haine.

Parfois, il est utile de « se réinventer ailleurs, sur les décombres de ses rêves et la dépouille de son identité. »

Plusieurs lignes sensibles s'entrelacent dans ce roman. Celle d'un couple qui se déchire, dont les bases ne pouvaient soutenir durablement l'union. Celle de la disparition d'un amour fou avec le mal qu'elle engendre pour l'abandonné dévasté qui s'interroge. Celle des désertions vis-à-vis des autres mais aussi vis-à-vis de soi-même. Les fuites sont multiples et revêtent différentes formes. Mais le besoin de savoir reste collé au corps.
Et puis lorsque la recherche d'amour chez les êtres se solde irrémédiablement par un échec, il y a la nature, la sérénité trouvée dans un parc reposant, une protection salvatrice qui va pourtant cacher une autre intrigue, sur les traces d'Irina. Mais au milieu des carrés chromatiques, au bord de l'étang où l'eau semble endormie, Benoît peut enfin laisser libre cours à sa passion pour l'horticulture et y trouver le courage de casser les vestiges du passé.
Car les pousses de printemps éclatent, sourdes aux douleurs des hommes…

Par cette profonde introspection, l'auteure pose tellement les mots justes sur le désoeuvrement de cet homme, lui donnant une belle franchise, que même face à ses désertions pourtant condamnables, on ne peut lui jeter la pierre.
Roman captivant, qui se lit d'un trait mais qui n'est pas venu détrôner mon chouchou de l'auteure L'Odeur de la forêt.
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