Il y a quelque chose de rassurant à se dire que, même après leur mort, nos proches ne disparaissent pas. Pas vraiment, du moins. Ils laissent des souvenirs partout derrière eux, ils marquent d'autres personnes, d'autres endroits, et on les retrouve même parfois dans des sons, des musiques, des odeurs et des saveurs. Mais c'est un réconfort à double tranchant, un chagrin qui arrache un sourire plein de larmes, un coup au cœur d'une tendresse qui blesse…
Parce que c'est elle.
Parce que c'est sa bouche, rouge et tendre, comme un bouton de rose.
Parce que c'est son sourire, discret et communicatif, qui me met du baume au cœur. Son rire et la façon dont elle plisse les yeux lorsqu'elle analyse un paragraphe de l'un de ses manuels scientifiques bien trop compliqués pour moi.
Parce que c'est le regard plein de curiosité qu'elle promène autour d'elle et l'intelligence aiguë avec laquelle elle aborde les mystères de notre monde.
Parce que c'est l’amour qu'elle a pour moi et qui rayonne à travers elle comme une étoile… et celui que je commence à avoir pour elle, moi aussi – inutile de me voiler la face plus longtemps à ce sujet.
Je l'attends même quand je ne l'entends plus.
Je le sens même lorsque je ne le vois plus.
Parce qu'il est entré à l'intérieur de moi pour ne plus jamais en ressortir, pénétrant sous ma peau pour mieux se loger dans mon cœur…
- À cœur stupide, âme intrépide…
-Je suis tombé amoureux de toi à la minute où tu as levé tes grands yeux noirs vers moi. Dans tes larmes, j'ai vu le reflet de mon âme. C'est la première fois où je me suis réellement senti comme le plus chanceux des hommes
À trop vouloir nous rendre réels, lui et moi, je viens de nous faire disparaître.
Et je m'aperçois aussi que la dépression peut frapper n'importe où, n'importe quand, et surtout, n'importe qui. Cette maladie ne fait pas d'exception ou de distinction entre les individus.
Peu lui importe que tu sois riche, beau, bien entouré et populaire, ou pauvre, mal dans ta peau et esseulé. Elle n'épargne l'âme de personne et s'insinue dans les fissures des cœurs malades pour mieux les blesser de l'intérieur, là où les cicatrices qu'elle creuse ne se remarquent pas à l'œil nu…
Alors, oui... grandir, ça fait peur, ça fait mal. Nom d'un chien, c'est terrifiant ! Et d'une façon plus globale, comme je l'ai dit à Chance tout à l'heure, c'est accepter le fait que l'on va souffrir, un jour ou l'autre, inévitablement, quoi que l'on fasse pour essayer de se protéger des mauvais coups. Mais c'est aussi comprendre que la peur ne doit pas être un frein ou un prétexte à blesser les autres.
Moi, je ne veux plus avoir peur.
Je ne veux plus me cacher.
Je ne veux plus fuir.
Je veux vivre. Aimer. Chanter. Danser. Rire. Et souffrir aussi.
Parce que ça fait parti du jeu et que maintenant, je le sais, je suis suffisamment forte et courageuse pour me relever en cas de chute et pour avancer, encore et encore, toujours plus loin, sur le chemin de ma destinée.
Je l'aime et je le déteste, parce que l'amour et la haine sont les deux faces d'une même pièce, et qu'il est à la fois le plus vénéneux des poisons et le plus doux des antidotes.
Il y a un vide en nous que rien ne peut combler, une douleur lancinante que rien ne peut apaiser, un désespoir muet qui nous empêche de nous parler ou de nous éteindre.
Il fait toujours froid à la maison, désormais. Même en plein été. Il fait toujours noir, aussi. Même en pleine journée.