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Critique de si-bemol


Une salle d'exposition à la Royal Academy de Londres, un peintre mystérieux connu sous le nom de “Calame noir”, des dessins étranges qui ouvrent la porte à des mondes magiques, démoniaques et terrifiants, deux âmes qui se connectent à cinq siècles de distance, aimantées par un même vide, une même absence - celle du père -, et la voix impérieuse de la fille du peintre qui s'empare de la narratrice, Suzanne, pour lui dévoiler ce que nul ne connaît : la vie secrète de son père, Muhammad Siyah Qalam - "le calame noir".

Le récit nous emporte à la fin du XVe siècle, parmi les peuples nomades des steppes de l'Asie centrale où la vie du Calame noir, descendant d'une illustre lignée de dessinateurs et de scribes, se déroule au gré des vicissitudes du pouvoir politique et des humeurs des princes. Homme singulier, ascétique et volontiers méditatif, ce peintre au talent décalé, disciple de Mâni, qui porte sur les êtres et le monde un regard profond, mystique et comme habité, est pour tous une énigme. Il l'est tout particulièrement pour sa fille, Aygül, dont l'admiration sans borne qu'elle lui porte se heurte sans cesse à son silence, et qui semble condamnée à rester à la marge de ce père distant, avec en offrande son amour de petite fille, inemployé et inutile.

Le roman nous convie au sein de la tribu nomade récemment sédentarisée des Moutons blancs chez qui l'art, la peinture et la calligraphie occupent une place centrale. Muhammad Siyah Qalam nous entraîne à sa suite au milieu des campements des nomades du désert, peuple simple et rude, autour des feux de camp, à l'écoute du vent des steppes, des battements des tambours, des rituels d'exorcisme et des prières des prêtres ; nous le suivons à la cour des princes, derrière les hauts remparts du royaume fragile de Tabriz divisé par les querelles, menacé par la guerre ; et nous pénétrons pas à pas, guidés par sa fille, dans l'intime de la vie de cet artiste singulier que les jeux du pouvoir porteront aux plus hauts sommets des honneurs et de la gloire avant que la fortune incertaine des armes et de la guerre ne le renvoie au discrédit, à la misère, à la démence et à la mort.

Un roman dépaysant, plein de charme et de mystère, qui au-delà du pittoresque et de l'exotisme raconte chez ces deux femmes mystérieusement connectées l'une à l'autre la blessure inguérissable de l'absence, la douleur, et le deuil - pour elles impossible - du père. Une lecture que j'ai trouvée agréable et plaisante, même si je suis restée un peu en dehors du drame de cette double relation père/fille qui m'a parue un peu simpliste, quelque peu outrée, et ne m'a pas totalement convaincue.
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