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Citations sur Beyrouth-sur-Seine (148)

Il m’a fallu du temps avant de commencer à interroger mes parents. Pourtant rien de m’en empêchait. Je vivais à Paris, mes parents aussi mais je trouvais toujours une excuse pour ne pas réaliser ces entretiens. Mathieu, un ami scénariste, me disait : « Mais qu’est-ce que t’attends ? Qu’est-ce que t’attends ? Enregistre, filme, fais ce que tu veux mais fais-le ! Arrête de m’en parler ! » Il avait raison mais je n’y parvenais pas. Je sonnais à leur porte, convaincu de m’y mettre, et à peine assis sur le fauteuil du salon, je perdais mes moyens. En les questionnant sur leur vie, j’avais l’impression de les agresser, de les violer, presque de les tuer. Ils ne m’avaient jamais parlé de leur passé, ou presque, il devait bien y avoir une raison.
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Je me suis souvent demandé pourquoi on ne retourne pas vivre au Liban même si la réponse est en partie assez simple : c’est l’argent qui nous retient. J’ai quitté ce pays car je n’arrivais plus à y gagner ma vie. Mes parents ne sont jamais retournés y habiter car ils ne savaient plus, des années après leur départ, quel métier ils allaient pouvoir exercer pour vivre convenablement. Quand on fait partie de la classe moyenne, ce pays ne veut pas de nous, il nous détruit et nous broie à petit feu et si, en plus, nos métiers sont des métiers sans le sou, assistante pour ma mère, traducteur pour mon père, écrivain pour moi, on peut dire adieu à ce pays. Qu’on le veuille ou non, l’argent guide nos vies.
La peur d’une nouvelle guerre, aussi, me retient de retourner m’y installer. Chaque matin, je me réveille et je prie, avant de prendre mon portable et d’observer les notifications des journaux libanais, de ne pas lire ces trois mots : guerre, au, Liban.
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Un jour, Yala m’a dit : « Vous, les parents et toi, vous êtes des déracinés. » Elle a raison et il m’a fallu du temps pour accepter de l’être aussi alors que je ne suis pas né au Liban, que je n’y ai pas grandi comme mes parents. Certaines personnes ressentent ce déracinement, d’autres non et j’aurais beau continuer à écrire des livres, poser des questions, chercher pourquoi je me sens autant arraché, je ne trouverai jamais d’explication suffisante, satisfaisante, complète à cette question. Je suis déraciné, d’autres ne le sont pas. C’est ainsi.
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La guerre touchera le quartier de la librairie de mes oncles quand les chrétiens se tireront dessus entre eux. « Ces années sont les plus dégueulasses » me dit encore ma mère. Ce terme de « dégueulasse » , elle l’a employé tout le long de nos entretiens pour me décrire la guerre du Liban, si bien que, lorsque des Libanais devant moi ne s’accordent pas sur le nom à donner à cette guerre (certains la nomment : guerre par procuration, d’autres : la guerre pour les autres, la guerre civile, les guerres civiles, la guerre du Liban ou encore les guerres du Liban), je m’inspire de ma mère et je dis : « Guerre dégueulasse. Appelons-la la guerre dégueulasse. »
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– Allô maman, ça va ?
– Non, ça ne va pas, ça ne va pas du tout.
– C’était très dur ?
– Notre Liban. Feu, flamme et fumée. Des bombardements partout.
– Oui, et…
– Pas d’électricité. Pas de l’eau. On n’a rien, absolument rien. On a peur, tout le temps.
– Ils ont bombardé beaucoup ?
– Ils ont bombardé partout. Beyrouth, Achrafieh, les montagnes. […] Ils n’ont rien laissé.
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Me revient cette phrase de Shafic : « Je ne suis plus libanais, je n’arrive pas à être français. Nationalité : étranger, et en général je m’en porte très bien »
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Lors de la première séance, face à la cour, Fouad Ali Saleh, lunettes rondes, veste marron foncé, chemise blanche, avec dans la main un Coran, hurlait avant même qu’on déclare l’audience ouverte : « Le Hezbollah vous massacrera ! L’Occident crèvera de la main de l’Islam. Préparez vos cercueils ! Vous êtes les bourreaux des musulmans, les assassins des musulmans. À mort l’Occident criminel ! » Il regardait ensuite le substitut et poursuivait : « Ferme-la, toi ! Les juifs et les chrétiens n’ont pas le droit de parler quand un musulman s’exprime. L’Islam fera ta mort, Dieu t’écrasera. Assassin, fils de porc, bourreau ! Tu manges comme un porc, tu as déchiré le Coran ! Va au diable ! » Il concluait en s’adressant au président de la cour : « Fils d’un chrétien et d’une juive, je suis là pour t’écraser. Tu n’as pas le droit de parler. Tu crèveras comme un porc. Va au diable, va en enfer, je te poursuivrai, j’irai profaner ta tombe, je construirai des chiottes sur ta tombe ! Porc ! Juif ! Chrétien ! Porc ! Juif ! Chrétien ! Porc ! Juif ! Chrétien ! Porc ! Juif ! Chrétien ! »
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Alma me répète toujours la même chose : « C’est fou combien tu ressembles à tes parents. Moi, je ne ressemble pas tellement aux miens mais toi, tu es le même qu’eux, tu es le parfait mélange de ton père et de ta mère. » Je ne sais pas si je le fais exprès ou non mais Alma a raison, je leur ressemble de plus en plus et je m’en réjouis. Ils ne me quitteront plus jamais. Même après leurs décès, je n’aurai qu’à me regarder et m’écouter pour les retrouver dans mes gestes et mes mots. Ils continueront à vivre en moi.
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Alma aimerait voyager au Liban avec moi, ce que je refuse toujours. Je fais tout pour y retourner le moins possible, voire plus, croyant à la logique du « loin des yeux, loin du cœur ». J’ai aussi peur de m’y rendre. J’ai reçu de nombreuses menaces sur Facebook et par mail. Il est possible que je me fasse arrêter et emmener au tribunal militaire car j’ai osé, après la sortie de mon deuxième roman, dire publiquement avoir effectué un voyage en Israël. Peut-on encore appeler un pays « home » quand on a peur de passer la douane à l’aéroport ? Est-ce encore un lieu où l’on peut se sentir chez soi ? Étrangement, en France, je n’ai jamais eu peur de passer la frontière, alors qu’au Liban, même lorsque la police libanaise n’avait rien à me reprocher, j’ai toujours ravalé ma salive avant de donner mon passeport au douanier. Au Liban, jamais aucune loi n’a semblé me protéger. Pour Alma, c’est l’inverse. C’est ici, en France, qu’elle a peur. À l’aéroport de Beyrouth, elle se sent rassurée.
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M’est revenu en tête le titre Alone together. Il va si bien aux Libanais de la diaspora. Nous sommes éparpillés aux quatre coins du monde, alone together, unis par une seule et même tristesse de voir notre pays se décomposer et nous, nous éloigner de lui petit à petit. Seul WhatsApp nous lie encore à ce pays. Peu importe où nous nous trouvons sur Terre, nous n’avons qu’à ouvrir cette application et engager la conversation avec des amis libanais ou des membres de la famille pour nous y retrouver, un peu, au pays.
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