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Critique de Mermed


Le livre d'histoire le plus célèbre en langue anglaise a son propre mythe fondateur célèbre :
C'est à Rome, le 15 octobre 1764, alors que je méditais au milieu des ruines du Capitole, tandis que les frères pieds nus chantaient les vêpres dans le temple de Jupiter, que l'idée d'écrire d'abord le déclin et la chute de la Ville a germé dans mon esprit.

Edward Gibbon a presque certainement inventé ce souvenir fantaisiste, mais l'érudition qui a contribué à son déclin et sa chute se tient toujours, telle une ruine romaine intemporelle : majestueuse, élégante et même sublime. 

Objet d'admiration, l'histoire de Gibbon déroule son récit de l'apogée de l'empire romain à la chute de Byzance.
Gibbon était peut-être un historien amateur (sa vie était autrement consacrée à gèrer la richesse considérable de sa famille et à servir dans la milice), mais son érudition est stupéfiante. Il était courant dans l'Angleterre du XVIIIe siècle de se référer à Virgile, Ovide ou Plutarque. Gibbon fait allusion à des passages de Strabon, Salluste, Sénèque, Macrobe et Longinus, parmi beaucoup d'autres.
Il y a cette érudition, certes mais aussi et davantage encore son style, dont les dévots ultérieurs incluent Winston Churchill et les plus grands poètes anglais. J'ai toujours eu l'habitude, écrivait Gibbon, de couler un long paragraphe dans un seul moule, de l'essayer par mon oreille, de le déposer dans ma mémoire, puis de suspendre l'action de la plume jusqu'à ce que j'aie donné le dernier poli à mon travail.

Declin et chute est une cathédrale de mots et d'opinions: sonore, impressionnante et sombre, avec des coins étranges et inattendus d'esprit et d'ironie, dissimulés dans des notes de bas de page bien judicieuses. 
Par exemple, au chapitre VII sur Gordien, il écrit :
Vingt-deux concubines reconnues et une bibliothèque de 62 000 volumes attestent la variété de ses penchants, et d'après les productions qu'il a laissées derrière lui, il apparaît que les premières comme les secondes ont été conçues pour l'usage plutôt que pour l'ostentation.”
Sa note de bas de page * fournit une coda pleine d'esprit : « Par chacune de ses concubines, le jeune Gordien a laissé trois ou quatre enfants. Ses productions littéraires n'étaient nullement méprisables.

Il était aussi heureux de moquer son immense entreprise : L'histoire n'est, en effet, guère plus que le registre des crimes, des folies et des malheurs de l'humanité. 

Gibbon aimait aussi assaisonner son récit d'apartés concis. Ainsi: La conversation enrichit la compréhension, mais la solitude est l'école du génie."

Deux mois après la première publication du premier volume de ce classique colossal, Gibbon se vantait auprès de sa belle-mère de la réception de son ouvrage : Il a été très bien reçu, par des hommes de lettres, des hommes du monde, et même par de belles dames à plumes.

C'est, en d'autres termes, une oeuvre d'intérêt universel, et d'influence intemporelle, incontestablement un magnifique classique de la littérature anglaise. 
Les adieux de Gibbon à son chef-d'oeuvre sont presque plus émouvants que son célèbre récit de sa genèse :
C'est le jour, ou plutôt la nuit du 27 juin 1787, entre 11h et 12h, que j'ai écrit les dernières lignes de la dernière page dans un pavillon de mon jardin... Je ne dissimulerai pas les premières émotions de joie sur le recouvrement de ma liberté, et peut-être l'établissement de ma renommée. Mais mon orgueil fut bientôt humilié, et une sobre mélancolie se répandit dans mon esprit à l'idée que j'avais pris un congé éternel d'une vieille et agréable compagne, et que, quelle que fût la date future de mon histoire, la vie de l'historien doit être courte et précaire.



Les notes de bas de page.
Gibbon écrivait ses notes en anglais, en latin et en grec,

les notes en anglais destinées à tous les lecteurs

les notes en latin pour ceux – moins nombreux – pour ceux qui pouvaient lire des remarques traitant de sujets plus frivoles

les notes en grec traitaient uniquement pour les happy few les aspects scabreux des écarts amoureux, on peut se référer aux notes savoureuses sur Theodora, avant qu'elle ne devienne l'épouse de Justinien...
Lien : http://holophernes.over-blog..
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