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Critique de Hatsh


La société industrielle occidentale a pris un tournant radical. En 1855, les machines sont partout, et pas n'importe lesquelles : des ordinateurs, alimentés à la vapeur et fonctionnant à l'aide de cartes poinçonnées. Les Empires ne s'affrontent pas tant sur le terrain de la colonisation que sur le terrain de la concurrence technologique, avec des préoccupations étrangement similaires à celles de notre société contemporaine : contrôler les masses populaires, maîtriser la croissance économique et scientifique, endiguer les mouvements d'indépendance et l'essor du marxisme.

Dans un chassé-croisé diachronique, composé de flashbacks américains, d'aventures britanniques et d'exil en France, trois personnages servent de rouages clés dans le déroulement et l'empêchement d'un complot international qui vise la chute du gouvernement britannique et la mainmise sur l'information.

La machine à différences est un roman complexe et prenant, qui exige de ses lecteurs et lectrices à la fois attention et patience. Une bonne connaissance du 19e siècle est requise pour savourer pleinement les innombrables détails, clins d'oeil et détournements de ce livre passionnément steampunk. Théories scientifiques, inventions technologiques, histoire géopolitique et sociale : le vocabulaire est précis, les descriptions détaillées et l'intrigue un peu compliquée.

Dans un monde uchronique où les ordinateurs ont déjà été inventés, où les grandes villes suffoquent dans la pollution industrielle et où les populations sont minées par le chômage et les produits toxiques, les protagonistes se débattent dans le cours d'évènements qui les dépassent, à commencer par la famille Byron, et Lady Ada.
Cette dernière, surnommée « la Reine des Machines », fille du Premier Ministre et mathématicienne de génie, est aussi une joueuse invétérée et endettée au point de saboter son propre parti politique. S'étant mise dans une situation impossible, elle remet un coffret de cartes mécanographiques à un gentleman qui la sauve d'un enlèvement, sans le remercier ni lui donner d'explication. Ce coffret mystérieux constitue le fil rouge du roman, le coeur d'un complot pour faire tomber Lord Byron.

Trois personnages principaux se croisent dans cette histoire, à des moments et en des lieux différents. Chacun prédomine dans l'une des trois grandes phases du livre

Sybil Gerard, fille d'un opposant aux Radicaux, le parti des Machines, qui fut condamné à mort et pendu des années auparavant, violée par l'un des assistants de son père, devenue prostituée, ouvre le bal. Elle est enrôlée par un aventurier, mi-scientifique, mi-homme politique, pour l'accompagner à Paris et l'aider dans ses manipulations impérialistes : rétablir un général corrompu à la tête du Texas, actuellement aux mains du Mexique. Mick « Dandy » Radley compte pour cela utiliser un jeu inédit et révolutionnaire de cartes mécanographiées, aux normes du Grand Napoléon, l'ordinateur de l'Académie française. Mais son plan de coup d'État texien tournera court, et Sybil prend seule la fuite en France.

Édouard « Léviathan » Mallory, géographe, explorateur et espion à ses heures, prend le relai. C'est à lui que revient le douteux honneur de recevoir le fameux coffret des mains de Lady Ada. Revenu d'Amérique pour présenter sa dernière découverte, un gigantesque Brontosaure surnommé « le Léviathan terrestre », et défendre la théorie Catastrophiste (les dinosaures ont disparu brusquement, suite à une… catastrophe), il découvre qu'un de ses collègues et adversaire, le professeur Rudwick, a été assassiné, et que lui-même est en danger.
Piégé malgré lui dans la lutte contre les opposants à Lord Byron et les marxistes new-yorkais venus convertir les ouvriers londoniens, il aide de son mieux le troisième protagoniste, Laurence Oliphant, alors que la Puanteur envahit Londres.

Laurence Oliphant, étrange individu, à la fois journaliste, diplomate et espion, au service de Sa Majesté mais perplexe et inquiet quant à la tournure prise par la société industrielle, intervient dans la seconde phase du roman, puis mène la troisième, cherchant à démêler le fin mot de l'histoire. Il est le personnage le plus mélancolique du livre, conscient d'être autant marionnette que marionnettiste, et ses actions sont les plus difficiles à suivre.

La toute dernière partie, composée de lettres, d'extraits de journaux ou de mémoires, bref, un assemblage de fragments, est assez intrigante et parachève la structure narrative en forme de puzzle. Je dois avouer que je n'ai pas compris la fin du roman, même après trois lectures. Mais c'est en partie ma faute : "La machine à différences" se lit d'une traite, ou du moins, de manière continue. Une lecture très discontinue n'est pas adaptée à la complexité de l'histoire, qui laisse beaucoup de zones d'ombre et qui opte parfois pour des ellipses et des prolepses assez déroutantes.
Il n'en reste pas moins que c'est un très bon roman, qui ne pourra que ravir les amatrices et amateurs du genre.
Lien : http://www.lalunemauve.fr/ec..
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