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Critique de PardiniGerard


Étienne Gilson qui a disparu en 1978 laisse une oeuvre considérable d'une cinquantaine d'ouvrages. Ils ont été longtemps oubliés et il faut saluer l'initiative de la librairie VRIN, dont il a été l'un des fondateurs de réunir dans deux tomes totalisant plus de 2400 pages les textes publiés du vivant de l'auteur. Sympathisant du MRP et européen convaincu, il prendra une part active aux premiers congrès du Mouvement européen en 1948 et 1949. Il sera très critiqué en 1950 pour avoir publié une série d'articles en avril et mai 1950 dans lesquels il s'oppose à l'Alliance Atlantique avec des arguments dont il est intéressant d'en faire lecture avec le prisme de l'actualité de 2023 (p 1423 et suivantes du T2 des oeuvres complètes).
Les prises de position de Gilson, défenseur des grands principes philosophiques énoncés par Saint Thomas d'Aquin ne sont pas dans « l'air du temps ». Gilson n'adhère pas à la pensée existentialiste et au constructivisme social. Selon lui la philosophie dont les concepts reposent sur de tels fondements ne peut qu'être dangereuse pour l'humanité car elle fait de l'homme une simple partie de la nature qui ne pourrait la modifier. Nous retrouvons là les débats sur l'innovation et sur le possible avènement d'une dictature justifiée par la sauvegarde de la nature pouvant aller jusqu'à dicter des choix de vie en société. Gilson a défendu une position d'harmonie entre les exigences de de la justice et de la société civile conforme aux enseignement de Thomas d'Aquin. Il est possible d'excuser celui qui agissant sous contrainte transgresse les grands principes moraux comme par exemple celui de ne pas nuire à autrui, mais néanmoins cette transgression demeure blâmable. On peut se reporter sur cette analyse à la notice St Thomas d'Aquin dans Histoire de la philosophie politique de Leo Strauss et Joseph Cropsey (PUF ; Quadrige, édition 1999 ; p 269 et suivantes).
Un article de Gilson publié en 1934 dans la revue Sept a pour thème « La démocratie en danger ». Cet écrit est à rapporter au contexte des ligues et des événements de février 1934, mais l'analyse du danger principal qui menace la démocratie républicaine me semble toujours d'actualité. Gilson critique l'anticléricalisme qui selon lui a constitué l'un des ferments de la contestation du régime mais au-delà de cette critique de circonstance c'est bien le délitement de la vertu qu'il met en cause. Ainsi écrit-il en introduction de son article : La seule chose surprenante est que les démocrates accusent tout le monde du danger que court la démocratie, sauf eux-mêmes. Ils ne voient pas ce dont la démocratie se meurt, c'est de ne plus être une démocratie et que leur crime est d'avoir tout fait pour briser son seul ressort : la vertu. Il rappelle opportunément Montesquieu qui déjà dans l'Esprit des lois (T1, livre 4, chapitre 5, écrivait : « sans la vertu un régime démocratique est incapable de vivre ».
Gilson est amer quand plus loin il nous dit que quand il n'y a plus honneur et vertu, il ne reste plus rien et il n'y a plus rien à aimer. Il termine l'article par : Ce qui monte de l'horizon comme une noire menace, ce qui va submerger le pays d'Abélard et de saint Bernard, de Descartes et Pascal, c'est le dernier fléau dont la France eût pu se croire menacée : le honteux déluge de la bêtise.

Lien : https://gerard-pardini.fr/
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