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Critique de Marie987654321


Pour le meunier Domenico Scandella, surnommé Menocchio, "Tout était chaos, c'est-à-dire terre, air, eau et feu ensemble ; et que ce volume fit une masse, comme se fait le fromage dans le lait et les vers y apparurent et ce furent les anges..." L'univers est né de la putréfaction. Dieu n'a pas créé le monde. Ce sont ses ouvriers. Tout est Dieu dans l'univers. Les sacrements n'ont aucune valeur, ils sont une création des hommes et un moyen d'oppression du Clergé. "Jésus-Christ s'il était Dieu éternel ne devait pas se laisser prendre et crucifier". Il suffit de bien se comporter pour gagner son salut quelle que soit sa religion. L'Église utilise le latin pour ne pas être comprise du peuple. Ces idées, et d'autres, dont il est fier et dont il connait l'originalité, Menocchio les a défendues et expliquées devant l'Inquisition en 1583 (même s'il a reconnu ses erreurs pour éviter une condamnation trop lourde) puis en 1590 lors d'un second procès au terme duquel il sera exécuté.

L'historien Carlo Ginzburg, père de la micro histoire, décrypte les minutes de ces deux procès.
Comment Menocchio a-t-il forgé ses idées et ses convictions? Elles sont le résultat d'une alchimie entre la culture populaire de ce temps et la découverte et l'appropriation par un homme intelligent et autodidacte de quelques lectures auxquelles il a pu accéder à cette époque où les livres commençaient à circuler grâce à l'imprimerie. Un homme du peuple qui a lu des livres qui ne lui étaient pas destinés : le Decameron, la Vulgate, une traduction de la Légende dorée, des évangiles Apocryphes, peut être le Coran ... Essentiellement des ouvrages religieux dont il a fait une lecture active et ouverte. Menocchio n'était en rien un illuminé. Ses juges sont parfois surpris par ses propos et prolongent le débat. Mais les lectures n'expliquent pas complètement les idées de Menocchio : elles font émerger un fond de croyances orales paysannes que l'histoire ne permet pas d'habitude de saisir. L'étude du procès de Menocchio est la chance de le comprendre.

Ginzburg veut dans sa démarche d'historien mettre en lumière la culture des humbles alors que l'histoire est écrit par les dominants. Comment connaitre la vie réelle des hommes du passé ? "Qui a construit la Thèbes aux sept portes ?" demande Brecht.

Enfin Ginzburg construit un récit d'enquête dont il nous fait partager les étapes, les hypothèses et les avancées de l'interprétation, décryptant comment il a fait son travail d'historien.

Une référence.
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