Citations sur Le fromage et les vers : L'univers d'un meunier du XV.. (13)
tout était chaos, c’est-à-dire terre, air, eau et feu tout ensemble… ce volume peu à peu fit une masse, comme se fait le fromage dans le lait, et les vers y apparurent et ce furent les anges… au nombre de ces anges, il y avait aussi Dieu, créé lui aussi de cette masse en ce même temps
Un classique, oui, assurément : Le Fromage et les Vers l’est devenu. Aussi doit-on apprendre à le lire au présent, comme l’enseignait Italo Calvino, qui fut un ami de Carlo Ginzburg, et qui écrivait dans un texte justement célèbre : « Les classiques sont des livres que la lecture rend d’autant plus neufs, inattendus, inouïs, qu’on aura cru les connaître par ouï-dire. »
C’est une coïncidence qui pourrait symboliser la double bataille vers le haut et vers le bas, conduite par la hiérarchie catholique » au cours de la Contre-Réforme.
je crois que qui ne fait pas de mal au prochain ne commet pas de péché
En comparant un à un les passages des livres cités par Menocchio avec les conclusions qu'il en a tirées (...) on rencontre invariablement un hiatus (...) toutes tentative pour considérer ces livres comme des "sources" au sens immédiat et mécanique du terme, échoue devant l'originalité agressive de la lecture de Menocchio. Pus que le texte, ce qui apparaît alors important, c'est la clé de lecture, la grille que Menocchio interposait inconsciemment entre lui et la page imprimée, une grille qui mettait en lumière certains passages et en cachait d'autres, qui exaspérait la signification d'un mot isolé de son contexte, qui agissait dans la mémoire de Menocchio en déformant la lettre même du texte. Et cette grille, cette clé de lecture, renvoient continuellement à une culture différente de celle qui s'exprimait dans la page imprimée - une culture orale.
Ce qui ne signifie pas que le livre constitue pour Menocchio un prétexte. Il déclara (...) qu'un livre au moins l'avait profondément inquiété, et l'avait incité, par ses affirmations inattendues, à avoir des pensées neuves. Ce fut le heurt entre la page imprimée et la culture orale dont Menocchio était le dépositaire qui le poussa à formuler - d'abord à lui-même puis dans son village, et enfin au juges - les "opinions" tirées de son cerveau".
Pour que cette culture différente puisse voir le jour, il avait fallu la Réforme et la diffusion de l’imprimerie. Grâce à la première, un simple meunier avait pu penser à prendre la parole et à dire ses propres opinions sur l’Église et sur le monde. Grâce à la seconde, il avait eu des mots à sa disposition pour exprimer la vision obscure, inarticulée, du monde qui bouillonnait en lui. Dans les phrases ou les lambeaux de phrases arrachés aux livres, il trouva les instruments pour formuler et défendre ses idées pendant des années, d’abord devant les habitants de son village, ensuite contre des juges armés de doctrine et de pouvoir.
L’idée de la culture comme privilège avait été atteinte très gravement (mais certainement pas tuée) par l’invention de l’imprimerie.
Ce n’est pas le livre en tant que tel, mais la rencontre entre la page écrite et la culture orale qui formait, dans la tête de Menocchio, un mélange explosif.
Mais les termes du problème changent radicalement dès que l'on se propose d'étudier non plus la "culture produite par les classes populaires" mais "la culture imposée aux classes populaires"
aux inquisiteurs qui lui demandaient : « Croyez-vous qu’il y ait un paradis terrestre ? », il répondit par un aigre sarcasme : « Je crois que le paradis terrestre est là où il y a des gentilshommes qui ont pas mal de fortune et qui vivent sans se fatiguer. »