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Critique de karkarot


Ce premier tome des oeuvres romanesques de Giono contient ses romans dit "paniques". Au sens où ils se rattachent au dieu Pan, le grand dieu grec de la nature, d'une certaine folie, de la sauvagerie et du pastoralisme évidemment. L'ouvrage commence d'ailleurs par la Naissance de l'Odyssée, une sorte de farce où Giono se rit d'Ulysse et explique comment et pourquoi aurait été écrite l'Odyssée: le héros rentrant chez lui aurait longtemps découché et fréquenté d'autres lieux que le foyer conjugal, et convoquerait comme excuses ses aventures homériques à la manière d'un Reggiani dans L'Italien.
Il s'agit de la première oeuvre de l'auteur manosquin, bien qu'elle soit publiée après Colline. Il y fonde sa littérature, une littérature de mensonge à l'image de celle de cet Ulysse qui invente, fabule, brode, créé sa propre vérité et la partage à d'autres, les émerveillant. On songe ici à la réponse de Giono à une critique américaine ayant pris son récit de l'Homme qui plantait des arbres comme une vérité absolue . Mais c'est aller déjà vers un tome postérieur de l'auteur. Il conçoit ici comment seront ses romans: fabuleux, contés avec brio pour que ses lecteurs se repaissent de beauté pure, de paysages superbes et d'un vent épique, panique...

On retrouve cela dans Colline justement, dans un style qualifié de "réalisme merveilleux" (on convoquera ici Gabriel Garcia Marquez, autre conteur merveilleux) Giono raconte la vengeance de la nature contre un village niché au creux de la montagne de Lure. Quiconque a déjà parcouru ces sentiers sait que la vie doit y être rude, plus encore à l'époque relatée par l'auteur. Une poignée de paysans vivent sur ces coteaux et voient leur eau se tarir. Tous pensent à une malédiction et veulent la chasser en tuant le vieux du village, Janet. D'autres malheurs surviennent et l'on comprend que ce n'est que le juste retour des choses, la conséquence des actes humain à l'encontre de celle qui les nourrit. Loin d'être personnifiée, celle-ci n'est qu'évoquée par touches poétiques.
C'est l'homme qui est ici visé, l'homme qui fait la guerre, celui que Giono a vu à l'oeuvre lors de la première guerre mondiale, l'homme qui déjà détruit sa terre. C'est donc un roman d'anticipation pour nous qui le lisons aujourd'hui, à l'heure où l'impact humain sur la Terre est plus que manifeste. Une lecture passionnante et essentielle donc !

Un des Baumugnes, c'est au contraire l'histoire d'un monde paysan plus humain. C'est une histoire d'amour, une histoire de famille, un roman paysan. Toujours sur une Lure imaginaire, Giono fait vivre son Angèle (le film, c'est elle !) et deux ouvriers agricoles qui se louent de ferme en ferme. Une brute et un timide. La brute détourne la pauvre paysanne que l'autre voudra sauver. Il n'y parviendra qu'aidé et pousser par un ami rencontré dans une taverne où il cuve son malheur et son introspection. L'honneur d'une famille est en jeu et le bonheur de la jeune fille est tout prêt de passer à la trappe au profit de cet impalpable réputation, si importante dans le monde que dépeint l'auteur, connaisseur de la campagne des basses Alpes Tout ici ressemble à une tragédie (cela répond aussi peut être à la Naissance de l'Odyssée) mais ne finit pas si terriblement

Regain lui conte la renaissance. Et pas que du blé, mais aussi et surtout des hommes. Une femme, encore (dans la trilogie de Pan les femmes sont capitales, moteurs souvent, victimes aussi), sauve un hameau qui se meurt sur les flancs de Lure. ne cherchez pas, le village d'Aubignane cité ici n'existe pas, et les dimensions données aux espaces de la montagne sont imaginaires, fantastiques, à la dimension du conte. Ce qui est vrai c'est la volonté des hommes, la passion de faire sortir de terre de quoi nourrir l'Homme, de renouer avec la vie, la grande vie, celle ou une foi existe, une foi dans les arbres, les ruisseaux, la sueur et les champs, les animaux et le vent. C'est cette foi qui habite Regain et qui permet à Panturle et Arsule de vivre, et mieux que ça même.
Cette trilogie se clôt donc d'une fort belle façon, pleine d'espoir et d'envie, pleine de la force du monde paysan que l'on tue trop vite au goût de Giono, pleine de la beauté de la montagne de Lure et du bon goût de son pain.
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