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Critique de kuroineko


L'enthousiasme de ma libraire pour ce livre m'a incitée à l'acheter. Quelle bonne idée! Voilà un roman passionnant et de grande qualité. Classé jeunesse, à partir de 12 ans, il peut en remontrer à bon nombre d'auteurs catégorie "adultes" qui n'arriveraient pas à ses chevilles.
Frances Hardinge a en effet travaillé son histoire et les contextes dans lesquelles elle se déroule avec une minutie et une grande rigueur.

L'héroïne, Faith, est une jeune fille de 14 ans, en 1860, fille d'un pasteur anglican et naturaliste renommé. Suite à des accusations de tromperie et de falsification de fossiles, lui et sa famille sont obligés de quitter le Kent et une position aisée et reconnue pour échapper au scandale. Direction l'île de Vane, où un chantier de fouilles s'est ouvert et où les nouvelles infamantes sur le pasteur ne sont pas encore arrivées.
Faith, son petit frère de six ans Howard, sa mère la sémillante Myrtle et l'oncle Miles, le frère de cette dernière, se retrouvent donc dans un presbytère isolé, loin de leurs habitudes, et une épée de Damoclès au-dessus de la tête.

Voilà pour le point de départ. J'en viens à Faith elle-même. Frances Hardinge a créé un personnage tout à la fois fascinant, sympathique et très complexe. La jeune fille est bien sûr élevée selon les codes victoriens concernant l'éducation des filles. Sa mère en est un parfait exemple. Mais voilà, Faith est dotée d'une grande intelligence doublée d'une soif inextinguible d'apprendre. Son modèle est son père, naturaliste renommé qui a parcouru nombre de colonies britanniques à la recherche de spécimens exceptionnels. Elle donnerait tout pour être reconnue par cet homme froid, sévère et aux jugements peu amènes sur la gente féminine.
Ne pouvant librement suivre ses envies, Faith construit sa propre éducation scientifique seule, sachant ce que la société pense d'une femme aux prétentions intellectuelles.
Quand le sort de son père est mis en question peu de temps après leur arrivée sur l'île, elle met tout son dévouement filiale à prouver l'innocence du pasteur.

Avec le personnage de Faith et celui de sa mère, Frances Hardinge dresse un portrait saisissant de la condition féminine à l'époque victorienne. La femme se doit d'être pure, humble, et surtout obéissante. Elle peut être spirituelle, mais surtout pas intelligente. D'ailleurs, selon le médecin de l'île, il est reconnu par la science que le crâne plus petit chez la femme que chez l'homme ne permet pas à un quelconque intellect de se développer. D'où la supériorité de l'homme et son droit à commander et à être obéi du sexe faible.

L'univers féminin est donc remisé dans l'ombre et dans l'ambivalence. Lors de ces semaines sur l'île, Faith va apprendre avec une douloureuse acuité les limites et les conditions de vie d'une femme de son temps. Habituée à passer pour une jeune fille obéissante, timide et terne, elle va se servir des préjugés pour agir à sa guise.

Frances Hardinge signe un roman à la trame palpitante, riche en rebondissements mais également en réflexions sur les préjugés, les us et coutumes victoriens. de plus, sur la petite île de Vane, la communauté restreinte forme un personnage à part entière, au-delà de chaque individualité, mue par les rumeurs, la prévention envers ces étrangers à l'île et les superstitions. Qu'il est dur d'en souffrir mais comme il peut être aisé et jouissif de les utiliser... Faith le découvre et utilise ses capacités pour en jouer.

J'ai hâte de lire d'autres oeuvres de Frances Hardinge et d'y retrouver, outre une passionnante histoire, un style d'une grande qualité.
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