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Critique de oblo


oblo
30 décembre 2017
Sur le tarmac de l'aéroport Charles-de-Gaulle, en novembre 1986, ce sont des cercueils qui descendent de l'avion. Enfermés entre quatre planches de bois, des corps de soldats attendent depuis 35 ans d'être rendus à leurs familles. Sur le tarmac de l'aéroport Charles-de-Gaulle, une femme attend. Parmi la liste des soldats rendus à la France, elle n'a pas vu figurer son fils : Henri Joubert, ancien maquisard, disparu assurément, mais pas mort selon l'armée. Et pour cause : comme d'anciens résistants, Henri Joubert est passé à l'ennemi. Pour l'armée française, il a trahi. Mais Henri Joubert a rejoint, selon lui, ses compagnons d'armes, ses compagnons de lutte, ses frères en idées et en idéologies : il a rejoint le Viet-Minh.

Frank Giroud, le scénariste, et Lax, le dessinateur, ont choisi de donner vie à une histoire vraie, mais oubliée. Ou plutôt : cachée. Car les ralliés, ces Français qui, par idéal communiste, ont rejoint les lignes indépendantistes indochinoises, sont l'un de ces secrets que la IVème et la Vème République ont longtemps entretenus. Pour cette enquête, Frank Giroud a imaginé le personnage de Nicolas Valone, un journaliste et un fin limier qui veut retracer le parcours d'Henri Joubert et, peut-être, le retrouver. Bien vite, Valone comprend que cette histoire est toujours sensible pour certaines personnes ; à plusieurs reprises, il est averti du danger qu'il encourt. Mais, faisant fi des menaces, Valone parcourt la France, se rend à Berlin et même à Saïgon pour retrouver les traces d'Henri Joubert. Jusqu'à découvrir la vérité.

Servi par un dessin très détaillé et très réussi de Lax, l'album est bien sûr une réussite. En choisissant de traiter cette recherche par un travail journalistique, Giroud ménage le suspense. C'est un jeu de pistes où les portes se ferment parfois brutalement. Valone, le personnage principal, tient là probablement l'affaire de sa vie. S'il se prend au jeu, il est bientôt dépassé par les enjeux qui, trente-cinq ans après les faits, demeurent importants. Il n'y a qu'à voir les réactions que provoqua, en 1991, l'affaire Boudarel, accusé d'avoir été commissaire politique d'un camp de prisonniers pour le Viêt-Minh : les événements décrits dans Les oubliés d'Annam sont donc crédibles. Cela explique aussi le pessimisme ambiant de la bande-dessinée.

Ce qui renforce encore l'importance de cette bande-dessinée réside dans les réactions qu'elle suscita. Primée à Angoulême, l'oeuvre libéra aussi, à un niveau individuel, des paroles jusque là bloquées par les secrets de famille, par un refus de l'entourage d'entendre dire ces vérités-là. Elle mit en lumière des hommes (quelques centaines au plus, selon les historiens) qui, par éthique, choisirent de sacrifier leur pays mais, surtout, leurs familles. Les oubliés d'Annam, au plaisir de la lecture et de l'admiration des paysages du Vietnam, ajoutent la puissance d'une vérité qui, à coup de crayons et de mots écrits, se défait des ténèbres dont L Histoire officielle l'avait recouverte.
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