Les mots entre mes mains

Si Dieu voulait qu’on écrive, il nous permettrait d’aller à l’école.

Mon père, qui voyageait beaucoup, m'avait parlé de la France. Il embarquait régulièrement pour plusieurs semaines à bord d'un navire de commerce faisant voile vers Bordeaux, et avait rapporté à ma mère un châle jaune qu'il prétendait avoir fait tisser avec le soleil de la campagne française. C'était son préféré ; elle l'a porté jusqu'au jour où mon père n'est pas revenu. Ensuite, elle l'a replié et le soleil s'est éloigné.

"Madame Decartes ? C'est à çà,que tu rêvais ? Toi, une petite servante de rien du tout ? Deux ans à Amsterdam et tu crois savoir comment marche le monde ... Tu n'es rien de plus qu'une distraction. Je vais aller le lui dire. Il doit savoir.
- Non ! Je vous en supplie. "Je m'accroche à lui. Il se dégage brusquement.
" Il va falloir prendre des dispositions qui lui conviennent. Compris ?"
Il sort sans attendre ma réponse.

L'église commence à se vider; les travées se remplissent de bavardages, la piété se relâche aussi rapidement qu'une ceinture après un bon repas.

Je revois son sourire, son visage qui s'éclaire lorsque les mots deviennent des phrases, des paragraphes, des pages. Moi aussi, j ai ressenti cela. :-)

Qu’est ce qu’un livre ? Les élucu­bra­tions de mon cerveau. Des mots, écrits à la plume avant d’être impri­més. Des pages, assem­blées et reliées, diffu­sées. Lorsqu’il paraît, un livre est une chose incroya­ble, il a de la la force, des consé­quen­ces. Il peut remet­tre en cause d’anciens dogmes, désar­çon­ner les prêtres les plus convain­cus, mettre à bas des systè­mes de pensée.

La toile de lin qui entoure le petit objet ovale a été découpée dans une de ses chemises.En le soupes ant, je le reconnais tout de suite: son nocturlabe. Je dénoue le ruban; sur le papier il est écrit : pour
Justinus.
J'entends la pluie crépiter contre la fenêtre et couler en lignes brisées le long des carreaux; je l'avais sentie dans l'air ce matin.J'attire Justinus contre moi. 《 Viens ici, toi.》
On peut contempler le monde dans une seule goutte d'eau.Pour cela , il suffit d'observer.
MONSIEUR.MIJN LIEFDE. DE CELA JE SUIS CERTAINE.

Parfois, il est à son bureau et ses yeux se posent sur moi l'espace d'un instant; ce n'est pas à moi qu'il
pense, ni moi qu'il voit.En apparence, il n'a pas changé. Il ne me demande jamais de sortir, mais il a son travail et j'ai le mien.J'aimerais le retenir; comment m'y prendre? Qui Suis-je pour vouloir cela? Je voudrais lui parler; qu'ai-je à lui dire? Je fais en sorte de ne pas le déranger. Je travaille autour de lui en retirant mes pantoufles
Mais s' il ne remarque pas que je m'en vais, je ne sais plus dans quel monde je suis desormais: un monde qu'il a organisé pour son plaisir--à l'encontre des règles et de celles que je suivais jusqu'alors?
Serais-je surprise si je me réveillais un jour pour découvrir que finalement, la terre tourne et que Dieu
a disparu? -

Je pose la plume . J'aimerais lui répondre, mais les mots se sont enfuis.Que suis en train de faire? Apprendre? C'est tout? Non Monsieur, ce n'est pas tout.Il veut que je parle, je vais parler.
《 Je veux apprendre, comme mon frère, comme les hommes.
- j'ai pourtant connu bien des hommes stupides! Et pire que l'homme stupide : celui qui se croit intelligent et n'a appris que des fadaises. Ce qu'on m'a enseigné - est pour une grande part inutile.
- Je n'ai pas envie de d'être un homme stupide!
- Tu ne le seras jamais! 》
Mes joues rougissent quand je comprends ce que j'ai dit.Je me sens plus bête que jamais.Il inspire et expire lentement. 《 Moi, je le suis peut-être. Je ne me place au-dessus de personne.Je n'ai jamais considéré que mon esprit était autre qu'ordinaire. Nous devons nous montrer plus ouvert à la surprise - à l'émerveillement - moi y compris. C'est un apprentissage pour moi et pour toi.Voyons ce qui est possible pendant les jours qui viennent et ce que je pourrais apprendre de toi. 》

J’imagine ce que ce serait d’écrire sans cesse, de remplir mes journées de mots. Cela paraît si incroyable de passer son temps ainsi, de ne pas avoir à tirer de l’eau, à préparer le feu, les repas, nettoyer, balayer, récurer.