Citations sur Ecrits de nature (12)
Au fond, connaître l’animal, c’est penser dans sa peau, voir par ses yeux, substituer ses intérêts aux nôtres, ce qui, en retour, vient à nous modifier. (p. 59)
Sur la gare vole un dôme d’hirondelles.
Elles mènent en arrière de leurs corps un flamboiement d’ailes. Et leur rapidité est celle du vertige… Parfois elle s’arrête presque pour saisir l’insecte que l’on voit voler comme une cendre pelucheuse au-dessus d’un feu. Puis, d’un revers de rectrices, leur vol décapite la montagne, leurs tourbillons la débitent en lanières et mêlent le bleu à la terre… (p. 96)
Les vagues approchent, silencieuses, avant de s’affaisser et de lancer leur assaut, arrachant la peau des galets… La marée… monte en clameur grave et se retire en vrilles aiguës. Elle lance alentour ses griffes d’écume, lacets qui… serrent l’esprit d’une panique. (p. 141)
L’extase du vent est sans objet…
Extrait 2
Le monde recoupe ce que nous attendions sans le savoir.
Il ferme l’agonie de nos yeux en les maintenant ouverts.
Il nous console et vole sur nos paupières à la manière du
busard des roseaux sur le disque du soleil. C’est l’heure
où germe et s’élève cette bulle énorme où luisent deux
taches proches comme les trous d’une morsure de vipère.
La douceur du vent donne parfois l’illusion d’une autre
vie, d’une autre situation, et c’est brusquement qu’on
se réveille dans la sienne.
L’extase du vent est sans objet…
Extrait 1
L’extase du vent est sans objet : c’est une joie d’absence,
la syncope des désagréments. C’est l’ébullition qui, sur l’eau,
accompagne la frénésie des mouches et les risées de crevet-
tes. Il est des instants où le miracle atteint sa pleine évidence.
Ce matin, lorsque l’air glisse sur ma peau urtiquée, comme un
parfum de chèvrefeuille, je me fie à une vision de plaisir pur.
…
La richesse véritable est seulement celle de vivre. (p. 94)
Ainsi nous attendons la nuit. L’obscurité fait voir plus loin. Et ce sont les musiques les plus proches du silence qui donnent le plus à entendre. (p. 56)
Si les éphémères, en leurs quelques heures de vie solaire, ont une conscience confuse, ce ne peut être que celle du miracle. Entre le haut et le bas leur balancement hésite. Il nous rappelle que la surface de l’eau est le ciel d’une faune aquatique ; et que notre ciel marque la lisière d’un autre abîme où nous vivons. (p. 55)
Nous pouvons rire des éphémères et paternaliser à leur égard mais il y aura des éphémères après nous. C’est cela qu’ils disent, ces insectes, dans leur extase de suspens et d’idéogrammes vivants, au crépuscule. (p. 26)
Les reflets ferment sur le mystère des eaux noires une taie définitive, un silence qui est un son infiniment négatif.
[…] Seuls les moucherons, englués à la surface où la permanence de l’ivresse les a fait trébucher, signent en lignes tétanisées, en décollages impuissants d’hydravions, des appels cryptographiques.
Les gobages des poissons et leurs ondes encerclées sont l’unique réponse des profondeurs. (p. 19)