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Critique de ktylauney


Année 1982, aéroport de Roissy. Sarah, vingt-deux ans s'apprête à partir seule pour le Groenland. Sa soeur de quatorze ans, Lisa, et leur mère l'accompagnent avant son départ.

Six semaines plus tard la famille est réunie pour venir chercher Sarah. Ils attendent le vol en provenance de Copenhague. Tout le monde a débarqué mais Sarah n'est pas là.
Sarah ne reviendra plus jamais.

Nous voilà ainsi emportés dans le tourbillon de la vie d'une famille dévastée, ravagée par la souffrance de l'absence.

C'est un récit sans répit, noir et glacial, où l'auteure écrit de longues tirades déstabilisantes qui au début, m'ont gênée. Tout s'enchaîne, tout va vite, trop vite. Chaque mot et chaque phrase sont percutants.

Je me suis demandé au bout d'un moment... et l'émotion dans tout ça? Jusqu'au moment où les larmes ont brusquement coulé le long de mes joues tellement certaines scènes sont brutalement émouvantes à en faire mal.

Je me suis sentie triste pour Lisa qui est en vie mais devient transparente aux yeux de ses parents. Elle survit dans l'ombre de sa soeur disparue, très certainement morte, mais omniprésente dans leur vie de tous les jours et de chaque jour des mois et des années qui vont suivre.

Les parents ne s'en soucient plus au point que la jeune fille se voit obligée d'attirer leur attention délibérément d'une façon bien douloureuse.

Ses parents n'abandonneront jamais leur quête. Sarah va revenir, elle doit être quelque part mais elle n'est pas morte. Sa mère ne veut pas accepter cette éventualité et se réfugie dans le déni et dans ses certitudes.

La mère va passer des jours dans l'aéroport à guetter les passagers en provenance de Copenhague.
A partir du moment où Sarah a disparu elle abandonne son statut de femme, fait l'impasse sur sa vie intime pour ne plus devenir qu'une mère gravement atteinte par la perte. Appuyée par un mari qui souffre autant et aura tendance à culpabiliser de se sentir à nouveau heureux en de rares occasions.

Le récit est axé sur la vie de la famille et surtout sur Sarah qui monopolise toutes les pensées de sa mère de manière exagérément obsessionnelle. Nous suivrons aussi les recherches qui n'aboutissent pas, les illusions perdues.

Quand vingt-sept années plus tard Lisa va au Groenland pour suivre les traces de sa soeur c'est pour y découvrir un monde dévasté, triste, glauque et sans espoir. La banquise se fragilise et disparaît suite au réchauffement des eaux, les pêcheurs crèvent de faim et beaucoup d'entre eux se suicident. le poisson n'est plus présent. Certaines scènes finales du livre sont vraiment cruelles, inhumaines et tristes à en pleurer.

"Banquises" de Valentine Goby n'est pas un livre coup de coeur à cause du style et de l'écriture de l'auteure donc je peux aisément comprendre que certains ne l'aient pas aimé.

C'est un roman noir, pessimiste et déprimant qui montre une structure familiale aussi soudée que disloquée.
La mère n'arrivera jamais à faire son deuil, trop obnubilée par Sarah.

"Banquises" est bien loin du paradis blanc ancré dans les esprits. Celui d'une époque révolue.
Le rêve est brisé en même temps que la glace qui fond et se transforme en une bouillie souillée et noire.
Ce nouveau monde est en équilibre précaire.

On fait malheureusement face à la triste réalité de la fragilité de la vie et de la finitude.

Des vies brisées et un paradis perdu aussi pour une famille.
Roman de la perte, de l'attente sans espoir et de la douleur qui ne peut en tout cas laisser une personne sensible indifférente.



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