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Citations sur Banquises (51)

Dans les livres elle cherche des lieux pour elle. Pour se défaire, pour se trouver, fenêtres et miroirs. Elle casse le dos, corne les pages, trace des accolades, noircit de mots les marges, souligne au stylo-bille pour qu’il deviennent ses livres, singuliers, pas prêtables, qu’ils soient elle, elle y tient plus que tout. elle y note des dates, ses devoirs, les références d’un disque, un numéro de téléphone, constelle les pages de garde de petits signes tout droit issus du rêve, étoiles, spirales, sinuosités, lignes de chiffre, mots surgis de la torpeur d’un cours ou d’un trajet de bus, empreintes qui situent sa lecture dans le temps, l’espace, et réécrivent le livre à leur manière. p 128
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Au sous-sol, le niveau départ, sous chape de ciment brut, plafond traversé de bouquets de fils électriques à nu, de câbles et de néons en barres. On y est sans y être, à l'aéroport. Des portes automatiques trouent ça et là le béton, laissant voir des portions de la route circulaire, silhouettes floues, carrosseries de voitures et de cars Air France mal détourés dans l'obscurité - dehors, à vingt mètres de ce boyau, invisible, le plein jour. Au niveau supérieur, loin à hauteur de la piste de décollage, des vitres étroites taillent des triangles, des quadrilatères dans le ciel cru, dans les talus d'herbe fluo, les barbelés, les fuselages d'avions. Les yeux levés, on aperçoit parfois des carlingues traversant les vitres segment par segment, au pas sur le tarmac, puis ce sont les queues des avions comme des ailerons à la surface de l'eau. Dans l'abîme le niveau départ, privé du tricotage en fer et verre en forme de coupole par lequel, de Francfort à Bangkok, on amorce l'envol avant même le comptoir d'enregistrement. Ici, empilement de béton sur béton sur onze niveaux, départs, arrivées, parking rouge, parking bleu, parking vert, et au sommet, la délivrance, un chemin de ronde ceint de bureaux d'où la vue s'ouvre enfin sur le ciel, et champs après champs, après champs, noeuds d'autoroutes, hangars étincelants, un château d'eau pour seul obstacle en travers de l'horizon morne, et même, du vent.
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« La vie polaire permet aucun maquillage, aucun subterfuge, aucune tricherie. On se montre tel qu'on est : l'homme que l'on est au fond de soi et qu'on ignore soi-même. »
Paul-Émile VICTOR,
préface de Antarctique, désert de glace,
de Claude Lorius
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Respirer côte à côte. Ça suffit. Sans chercher à remplir, à combler, le silence est une masse pas un vide. Un lieu. Une halte. Un abri.
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... dans les cagettes, les tuniques des oignons se fendent, s’effritent en miettes dorées comme une peau de croissant. Voyez, les bulbes outrepassent leur état de dormance, dans les limbes pointent des hampes qui gonflent, verdissent, traversent les collets, renflées en leur centre, effilées aux extrémités. Elles portent une inflorescence parfaite, sphérique, une ombelle composée de dizaine de fleurs jaunes minuscules douces au toucher, pinceau à maquillage. La floraison devient poussière, dénude les capsules renfermant les graines noires, elles poudrent le bois stérile des cagettes. p 123
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Puisque ce silence presque pire que la mort - nous le savons, ils ne l'avoueront pas, saturés d'amour comme ils sont -, alors essayer de regarder dehors, peut-être à nouveau. Oh, tout doucement. Juste pour s'éprouver un peu vivant. Pour respirer. Tenter de parcourir un lieu autre que cette seule douleur - si vaste. Croire que l'existence tient à autre chose qu'à l'attente.
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Lisa a besoin que ça dure. Besoin de cette ride au milieu du front de sa mère, une ride pour elle, d'inquiétude, de souffrance, d'incompréhension et, surtout, de culpabilité. Cette ride, Lisa la cultive, la creuse en même temps que son corps, avec amour, obstination. Elle a tous les droits. L'amour maternel c'est où tu es libre, le seul endroit où tu peux tout être, tout demander sans risquer le désamour.
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Le détective payé pour enquêter au Groenland n’a rien trouvé. Sarah a quitté Uummannaq par bateau et n’a jamais atteint Ilulissat, c’est tout ce qu’il sait, ce qu’on savait déjà depuis le sac à dos. Il a tenté de laisser des affiches aux RG, à la police de l’air et des frontières, aux compagnies aériennes, en vain, ou plutôt si, ils les ont prises et les plieront en cocottes ou en petits avions, joueront au morpion au verso, c’est tout : la fille est majeure. Alors de minces frontières commencent à séparer le père, la mère, Lisa. De fines cloisons par lesquelles ils se préservent les uns des autres, de la contamination, délimitant des territoires distincts, et des espaces ténus pour se frôler.
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Elle n'aime pas nager, elle aime avoir nagé. Elle n'aime pas écrire, elle aime avoir écrit. La sensation de l'effort consumé.
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La mère n’a jamais changé de coiffure, ses cheveux tombent sur ses épaules, mais elle a fait une couleur hier, à cause des cheveux blancs. Un brushing ? Elle répond non, elle n’a jamais eu de brushing. Il pourrait parler à sa place, le père, il pourrait dire les mots qui cognent dans la tête de cette femme, il sent les vibrations de ses terminaisons nerveuses, devine le rythme de son cœur, il fait le compte, quarante-deux ans qu’ils se connaissent, il pense se connaissent plutôt que s’aiment non par manque d’amour, non parce qu’il doute, mais parce que à ce point de la vie ce n’est plus la question, l’amour, il est en elle, elle est en lui, distincts et soudés, bouturés, et ce qu’ils forment pourrait s’appeler chimère, du nom de ces organismes greffés l’un à l’autre, poire et coing, orange et mandarine, qui donnent un même plant mais conservent chacun leur patrimoine génétique. Mêmes, et différents.
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