AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de SeriallectriceSV


«... m'est venu le désir de comprendre, au-delà de ma pure sensation de lecture et à travers ses mots à elle, son geste d'écriture. Sa nécessité profonde et sa genèse. Sa singularité dans le testament collectif des rescapés et témoins. Son choix de la littérature pour revenir d'entre les morts, des ces territoires où « la vie est bien plus terrifiante que la mort », elle qui a préféré la vie. »
Valentine Goby nous propose d' entrer à Auschwitz par la puissance de la langue, et nous donne à voir, à comprendre comment Charlotte Delbo, figure féminine de la Résistance et de la déportation et écrivaine, a quant à elle, tenté de quitter Auschwitz par l'écriture. Elle met des mots sur l'oeuvre de Charlotte Delbo avec beaucoup de pudeur, de tendresse, d'admiration et lui rend ainsi un très bel hommage. « Une rescapée et une femme, aussi, jusqu'à sa mort. »

La plume de Valentine Goby absorbe, défait la marque du temps sur le témoignage, [revient] au présent de l'expérience, à l'instant perdu qui nous fait peu, muscles, organes vivants. Dans Kinderzimmer, elle m'avait impressionnée par le réalisme saisissant de ces descriptions. Pas étonnant qu'une rencontre ait eu lieu entre ces deux femmes, fut elle à titre posthume.

J'ai beaucoup aimé le chapitre qui porte d'ailleurs un très joli titre « le corps est une langue » dans lequel Valentine Goby évoque notamment sa lecture de deux textes de Charlotte Delbo « La soif » et « Boire » faite à des adolescentes en lycée professionnelle. D'aucuns pensaient que ces lectures décourageraient ces jeunes filles de quinze ans, qu'elles n'y prêteraient aucune attention. Valentine Goby n'a pas reculé; il ne faut pas sous-estimer Charlotte Delbo.

« ... il n'y avait pas besoin de citer Auschwitz ou d'évoquer la guerre, ni même la biographie de Charlotte Delbo ; ce qui se jouait là dépassait la leçon d'histoire et de géographie. »

Ces jeunes filles ont été touchées par les mots, les images de Charlotte Delbo qui se sont superposées aux leurs et ont colonisé leur imagination... Un passage vibrant d'émotions qui m'accompagne encore quelques semaines après ma lecture. Merci Valentine, Merci Charlotte !

« J'aurais voulu lire encore, à la faveur de la pluie qui tombait dru dehors, partager ces images et sensations qui soulèvent la langue, rendent audible et palpable l'expérience du camp, sortent le lecteur de son habituelle sidération. La boue qui n'est pas boue mais « pieuvres [qui] nous étreignaient de leurs muscles visqueux ». le froid qui n'est pas froid fait les étoiles coupantes et « les poumons claquent dans le vent de glace. du linge sur une corde » ; on est un « squelette de froid avec le froid qui souffle dans tous ces gouffres que font les côtes à un squelette », les commissures des lèvres s'arrachent ....»

Pour ceux qui ne l'ont pas encore lu, je conseille vivement de découvrir Kinderzimmer, si le sujet vous tente bien entendu !
Et pour ma part, il y a de fortes chances que les écrits de Charlotte Delbo me tiennent vite compagnie. Je me suis également notée de lire La Traversée de la nuit de Geneviève Anthonioz-de Gaulle (la nièce du général) et de découvrir les écrits de Germaine Tillion.

« Cette tache noire au centre de l'Europe
cette tache rouge
cette tache de feu cette tache de suie
cette tache de sang cette tache de cendres [...] »
Charlotte Delbo, Une connaissance inutile

« ...une gare où ceux-là qui arrivent sont justement ceux-là qui partent [...]
la plus grande gare du monde »
Charlotte Delbo, Aucun de nous ne reviendra

« [...] l'aube était livideaux matins des mont-Valérienet maintenantcela s'appelle l'aurore [...] »
Charlotte Delbo, Mesure de nos jours

« [...] la vie m'a été rendueet je suis là devant la viecomme devant une robequ'on ne peut plus mettre. »
Charlotte Delbo, Mesure de nos jours
Lien : https://seriallectrice.blogs..
Commenter  J’apprécie          200



Ont apprécié cette critique (18)voir plus




{* *}