AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Gabrielle_Dubois


J'ai lu ce livre, parce qu'il fallait l'avoir lu. Les premières pages m'ont dérangées par le ton condescendant de l'auteur envers les gens de moindre qualité que lui. Mais j'ai persévéré et… j'ai bien fait ! Je comprends que ce livre ait passé les siècles.
C'est l'histoire d'un amour malheureux vécu par un jeune homme assez nanti pour n'avoir rien d'autre à faire qu'à soupirer après la femme de ses rêves, la femme parfaite, qui existerait, donc ! Cela manque totalement d'humour, mais…
Mais c'est aussi les racines du mouvement romantique en Europe, des réflexions très pertinentes sur la nature humaine, et une écriture — même si je l'ai lu en français, dans une jolie édition datant de 1926, illustrée de gravures charmantes et désuètes ! — une écriture, donc, simple et profonde ; une progression dans la pensée du personnage principal, Werther, subtile, raisonnée et implacable.

Voici quelques-unes des réflexions qui ont retenues mon attention :
Sur la destinée de l'Homme :
« C'est une chose bien uniforme que l'espèce humaine. La plupart passent la plus grande partie de leur temps à travailler pour vivre, et le petit peu de liberté qui leur reste les tourmente tellement qu'ils cherchent tous les moyens de s'en défaire. »

Sur la mauvaise humeur que l'on fait supporter aux personnes autour de soi :
« Parlons vrai ; la mauvaise humeur a sa source dans un secret dépit, un mécontentement de nous-mêmes que nourrissent l'envie et la vanité. Nous voyons des hommes heureux, sans partager leur bien-être, et cette image est insupportable. (…) Malheur à ceux qui abusent de leur empire sur un coeur pour lui voler les joies simples qui y germent d'elles-mêmes. Tous les présents, tous les trésors du monde ne remplacent pas un moment de cette félicité intime, empoisonnée par la jalousie fâcheuse de notre tyran. (…) » Chaque jour on devrait se dire : « Je ne peux rien de plus pour mes amis que leur laisser leur plaisir, et augmenter leur bonheur en le partageant avec eux. »

Cette demande de Werther à la femme qu'il aime, c'est le romantisme exprimé dans une délicatesse charmante oubliée de nos jours :
« Chère Lotte, je vous demande seulement une chose, ne mettez plus de poudre à sécher sur les petits billets que vous m'écrivez. Aujourd'hui, j'ai porté le vôtre tout de suite à mes lèvres, et j'en ai grincé des dents. »

Goethe était d'une grande clairvoyance : voici ce qu'il explique des maladies ou désordres mentaux, qu'il avait compris, bien avant la psychanalyse, la psychologie et toutes les notions récentes au sujet de l'esprit :
« C'est en vain que l'homme paisible et raisonnable considère la situation du malheureux, en vain qu'il lui donne de bons conseils ! Comme un homme en bonne santé qui est auprès du lit d'un malade, il ne peut faire passer en lui la moindre partie de ses forces. »

Je vous parlais de l'écriture de Goethe, en voici un exemple :
« J'ai soupiré souvent pour avoir les ailes de la grue qui passait en volant au-dessus de moi, et gagner les rives de l'océan sans limites, pour boire à la coupe écumante de l'infini les torrents de la joie de vivre, pour sentir, un moment seulement, dans la cage étroite de ma poitrine, une goutte de la félicité de l'Être qui engendre toutes choses en lui-même et par lui-même ! »
Et un autre :
« le calme de l'âme est une chose splendide, ainsi que la joie qu'on trouve en soi-même. Si seulement le joyau n'était pas aussi fragile qu'il est beau et précieux. »

Alors, oui, le jeune Werther se regarde un trop le nombril, la charmante Lotte, si elle avait pu raconter son histoire, aurait sans doute déploré sa place de femme qui l'obligeait à plus de devoir et moins de romantisme… mais replaçons-nous dans l'époque, et apprécions les belles proses et pensées d'où qu'elles viennent ! Et… la fin est bien plus intéressante qu'on ne peut l'imaginer, pour ceux qui ne la connaissent pas, bien entendu !

Allez, charmante Lotte, consolez-vous, le futur sera féminin !©
Gabrielle Dubois
Lien : https://www.gabrielle-dubois..
Commenter  J’apprécie          141



Ont apprécié cette critique (13)voir plus




{* *}