Citations sur Dire son nom (19)
Serrez-la fort, si vous l’avez, serrez-la fort, tel est mon conseil à tous les vivants. Respirez-la, mettez le nez dans ses cheveux, respirez profondément. Dites son nom. Ce sera toujours son nom. Même la mort ne peut le voler. Le même, vivante ou morte, toujours. Aura Estrada.
C’était entièrement nouveau pour moi, ce degré d’intimité et de confiance, accompagné de ce qu’il exigeait : une attention exacerbée ainsi qu’une mise au point plus fine du regard qui me permettaient de rassembler tout ce que je pourrais, passé et présent, dans le rayon de la vie d’Aura ; d’essayer de comprendre du moins autant qu’elle m’en donnerait la possibilité ; d’être capable d’anticiper et protéger, d’être toujours prêt. L’amour était nouveau pour moi, croyez-le ou non. Comment avais-je pu dépasser la quarantaine sans avoir jamais appris ou découvert cela ?
Et plus tard, un peu plus d’un an après la mort d’Aura, je paniquais déjà à l’idée que j’étais en train de perdre ou que j’avais déjà perdu cette capacité de chérir quelqu’un de cette manière.
Plus personne n'est surpris de voir les gens parler tout seuls dans la rue, pensant qu'ils sont au téléphone.
Peut-être qu'on surestime le souvenir. Peut-être vaut-il mieux oublier.
( Montrez-moi le Proust de l'oubli, et je le lis demain. ) Parfois c'est comme de jongler avec cent mille boules de cristal à la fois, de tâcher de conserver tous ces souvenirs.
« Chère disparue! depuis ta mort précoce
Ma tâche a été de méditer
Sur toi, sur toi; tu es le livre
La bibliothèque où j’étudie
Bien que je sois presque aveugle. »
——- Henry King, évêque de Chichester ,
« Oraison funèbre de sa femme ».
L’amour est une religion. On ne peut le croire que quand on l’a vécu.
Il y avait environ une douzaine de gants dépareillés, les siens et les miens, éparpillés dans notre dressing tels des oiseaux privés de compagnon dans une volière abandonnée .
Tu as toujours senti que tu étais destinée à la célébrité d' une manière ou d'une autre. Mais la crainte de t' illusionner ne te quittait pas.
De n'être rien d'autre que les cours que tu avais suivis, les écoles ou tu avais été, les livres que tu avais lus, les langues que tu parlais, tes bourses, ton Master sur Borges et les écrivains anglais, et ainsi de suite, mais personne d'unique, avec un talent à soi. Tu recherchais désespérément quelque chose qui fût a toi seule. J'étais à toi seule, mais ce n'était pas ça que tu voulais dire.
Je suis dans une montgolfière qui fait le tour de la terre sans quasiment jamais redescendre, et personne ne saisit ma corde pour l'attirer au sol. C'est difficile pour moi, écoute, c'est si difficile, ça me coûte tant, de toucher terre.
« Une affaire en cours, me dit- il , est comme un animal vivant » ...p56.
Serrez-la fort, si vous l’avez, serrez-la fort, pensai-je, tel est mon conseil à tous les vivants. Respirez-la, mettez le nez dans ses cheveux, respirez profondément. Dites son nom. Ce sera toujours son nom. Même la mort ne peut le voler. Le même, vivante ou morte, toujours. Aura Estrada.