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Critique de 5Arabella


Ecrite à la fin de 1752, la pièce est créée en janvier 1753 au théâtre Saint-Ange de Venise par la troupe de Medebach. Goldoni arrive à la fin du contrat très contraignant qui le lie à la troupe et à son directeur, qu'il quittera bientôt pour rejoindre le théâtre San Luco, et la Locandiera est une des toutes dernières pièces qu'il donne à Saint-Ange. C'est l'arrivée dans la troupe de Saint-Ange en 1751 d'une nouvelle comédienne, Maddalena Raffi, spécialisée dans les rôles de soubrettes, qui permit à Goldoni d'écrire des pièces où ce type de personnage est mis en valeur. le rôle de Mirandolina de la Locandiera lui était destiné. Ce qui ne plaisait guère à la vedette féminine de la compagnie, Mme Medebach : les vapeurs de la dame ont eu pour conséquence la disparition de la pièce de l'affiche au bout de quatre représentations, malgré son succès.

Mirandolina, la Locandiera (ou l'aubergiste) du titre, est une jeune femme indépendante, qui se trouve sans mari ni père, gérant elle-même son bien. Comme elle est jolie et qu'elle a du charme et de l'esprit, elle ne manque pas de soupirants. Deux de ses clients, le marquis de Forlipopoli, de vieille noblesse mais pauvre, et le comte d'Albafiorita, nouveau riche qui vient de s'offrir son titre, en font partie. le premier, personnage comique, lui offre sa protection, le deuxième la couvre de cadeaux. Mais la jeune femme ne fait que s'en amuser. Arrive le chevalier de Ripafratta, qui dédaigne les femmes, et qui met en cause la qualité du service de l'auberge. Mirandolina décide de le rendre amoureux pour le punir. Un jeu de séduction s'engage entre les deux personnages, sous les yeux de Fabrice, le valet de l'auberge, que le père de Mirandolina lui a destiné comme époux avant son décès.

C'est peut être actuellement la pièce la plus jouée de Goldoni. Elle a beaucoup d'atouts : des personnages variés et plutôt complexes, des aspects comiques très efficaces, une peinture sociologique de son temps. le personnage principal, Mirandolina, est une jeune femme qui revendique son indépendance vis-à-vis des hommes, qui n'est absolument pas sentimentale. Certains lui ont reproché sa coquetterie et son désir de manipuler et d'utiliser les hommes grâce à son charme, mais il faut dire que les soupirants en lice ne sont pas tellement séduisants, sauf le chevalier rebelle à l'amour, et là il n'est pas sûr que Mirandolina ne succombe pas non plus à son charme. Seulement, d'une manière évidente, une liaison avec un noble et riche seigneur ne la mènerait pas très loin, et son bon sens lui interdit ce genre d'impasse. La pièce met malgré tout en évidence les limites qu'une femme trouvait à son désir de liberté à l'époque : Mirandolina se trouve à la fin de la pièce dans l'obligation d'épouser Fabrice pour se sortir de la situation dans laquelle elle s'est mise en réveillant le désir chez un homme jeune dans une position sociale dominante, bien loin de ses soupirants plus raisonnables et faciles à maintenir dans le respect.

La société de l'époque est en pleine recomposition, ce que la pièce montre. L'ancienne noblesse est en perte de vitesse, de nouveaux riches prennent le pouvoir, et de nouvelles couches industrieuses, comme Mirandolina, commencent à trouver leur place. D'une façon amusante, la pièce met en scène des femmes travaillant (Mirandolina et les deux actrices) et des hommes surtout oisifs, les trois nobles qui gravitent autour d'elle.

L'intrigue de la pièce est au final très sobre, très réaliste, dans un contexte historique et social précis. C'est très efficace ; la pièce et les personnages sont suffisamment riches pour donner lieu à des lectures très différentes, ce qui qui explique son succès et ses nombreuses reprises.
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