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Critique de mylena


mylena
25 septembre 2022
Avec ces six textes de longueurs diverses l'auteur, un peu à la manière de Nicolas Bouvier nous entraîne à la découverte de l'espace russe, voyage physique, métaphysique, culturel, littéraire, poétique voire à la lumière des événements de 2022, politique. Hélas, Vassili Golovanov nous a quitté l'an dernier.
Le premier voyage est un retour aux sources de la Volga, pour retrouver ses propres racines, « ce je-ne-sais-quoi qui pour moi fut et reste la substance de notre peuple, de notre vie, et sans lequel notre immense littérature (l'un de nos rares apports à la culture universelle) deviendra pour nos enfants, aussi illisible qu'une écriture cunéiforme. », loin du monde globalisé postmoderne, loin du triste réel actuel. L'auteur sait à merveille percevoir et communiquer la poésie des paysages et leur beauté.
Ensuite il nous emmène dans le delta de la Volga, au bord de la Caspienne, texte poétique et complexe. Puis nous voilà plongés dans la poésie de Velimir Khlebnikov dont le père, botaniste et ornithologue, fut fondateur du premier parc naturel russe, justement dans l'embouchure de la Volga. L'auteur parle d'oiseaux pour nous inconnus et nous plonge dans leur environnement. C'est somptueux.
Le troisième texte, toujours aussi poétique, assez énigmatique, nous transporte aux abords de la Caspienne, près du Bogdo, mont de toute beauté avec ses affleurements de grès rouges.
Suit un très long texte sur Bakounine, et sur le domaine de Priamoukhino transformé par son père en un parc où règne l'harmonie et ce qu'il appelait « la philosophie des jardins ». (Le fonds Bakounine existe toujours et depuis y organise chaque année « Les lectures de Bakounine à Primoukhino », petit événement international parfois sous forte surveillance policière ces derniers temps !).
Le plus long texte est consacré à l'Asie et aux steppes de l'Asie centrale, le lecteur part avec l'auteur à la recherche d'authentiques chamanes et passe avec lui une nuit inoubliable à la belle étoile en Mordovie. C'est aussi l'occasion de découvrir quelques mythes importants (le Grand Interdit de Gengis Khan, la Shamala, ...) et le personnage haut-en-couleurs du baron von Ungern-Sternberg, russe d'une famille d'origine allemande installée en Estonie et convertie au bouddhisme, qui se donna pour mission de créer un vaste empire asiatique (en lutte contre la culture matérialiste de l'Europe et contre la Russie soviétique) et conquit la Mongolie.
Les constats qu'il fait au passage ,au fil de ses pérégrinations, sur l'état de la Russie sont les mêmes que ceux que font la plupart des Russes et Poutine même, mais sa vision de solutions possibles est diamétralement opposée. La Russie a perdu de sa grandeur, elle va mal, mais visiblement il ne place pas la grandeur de la Russie dans les mêmes choses. Certaines phrases ont des allures prophétiques (le livre est paru en 2008) : « Chez nous, l'histoire est catastrophique : elle efface littéralement tous les projets de la surface de la terre et les rend au temps abyssal (à l'argile). » Il faut dire que le dernier texte, sur un voyage à la recherche du Tchevengour d'Andreï Platonov, est loin d'être mon préféré car, n'ayant pas lu ce livre, j'ai eu beaucoup de mal à suivre les réflexions métaphysiques de l'auteur, qui l'amènent à une conclusion amère sur l'absence d'issue des révolutions («  seule une révolution perdue porte un levain qui peut faire bouger la société » ) et à en déduire une issue alarmante : « C'est pourquoi nous sommes prêts à tout faire disjoncter, nous provoquons des catastrophes et des malheurs, des fractures du temps historique. » Terrible et douloureux avec le recul.
Un très bel ovni littéraire !
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