Quel choix peut-on avoir si, finalement , la liberté n’est possible qu’au niveau de la conscience individuelle ? Il n’y a pas de liberté hors de la conscience.
Sans doute l'homme a-t-il besoin de temps à autre de pénétrer dans d'autres mondes pour ne pas se sentir prisonnier de sa vallée de larmes.
Comme un nuage de pluie au-dessus de l’océan , mets-toi en route. Car sans voyage jamais homme tu ne seras.
(Farid Eddine Attar)
J'ai toujours été surpris par le sentiment de plénitude que me procure immanquablement la vision des confins désertés du monde. A quoi comparer le sentiment débordant de paix qui emplit l'âme devant ces vagues de sable ? Il y a l'éternité et il y a soi. Le désert et l'homme. Aucun "problème de civilisation".
C'était un matin blanc. Coupant le pacage en direction du lac, seule la trace noire laissée par les pas d'un pêcheur de l'aube serpentait entre les roseaux secs couverts de givre qui fondait en gouttelettes limpides. Avec le lever du soleil, le ciel au-dessus du lac virait au bleu, un bleu d'automne, étincelant. Sur le versant éclairé, entre les sombres broussailles, un incendie rose tourbillonnait, et les feuillages des arbres déjà clairsemés flamboyaient. Les toiles d'araignées planaient en parachute, les feuilles une à une glissaient au sol, dans un silence absolu que rompait, au plus profond de la forêt, le cri brusque du geai ou celui en écho de la corneille : tout ici relevait du prodige.
La terre natale appartient toujours à une géographie du sacré. Pour moi, elle est au centre d’une mythologie inépuisable. C’est grâce à cette mythologie que j’ai réussi à connaître sa véritable histoire. La mienne aussi, peut-être.
Mircea Eliade ( L’épreuve du labyrinthe )
Là où il y a la force, il n’y a pas de liberté ; la liberté est là où est la conscience et où l’on a pas honte devant soi-même de ce que l’on fait.
( Platonov )
Il me semblait être l'homme le plus heureux au monde, il ne possédait rien. Rien de superflu, seulement ce qui pour lui était l'essentiel. Alors que moi je n'avais que du superflu : des relations inutiles, un travail inutile, une maison inutile où je vivais de façon inutile, sans dieu et sans espoir. Soudain, dans le jardin de l'église, le vent fit tanguer les tilleuls de mars, un vol de choucas tournoya au-dessus des coupoles, et j'eus l'intuition que cette source de vie m'était connue, qu'il suffisait que j'arrive à me souvenir de l'endroit où elle se trouve pour savoir comment vivre !
Nous avons dilapidé l'image poétique de notre terre. Sans mythe, la terre est inerte, muette, vouée à l'oubli. Aucun mythe, jamais, ne pourra pousser par décret. Il ne peut naitre que d'efforts fervents pour survivre, pour se "sauver", d'espoirs et de pèlerinages, de folles prophéties, de photographies, de cartes, de films, d'hommages au labeur du paysan sur sa terre, et d'un acharnement à lire tous les livres oubliés et les écrits d'improbables géographes métaphysiques à travers lesquels progressivement prendre forme un nouveau visage de la Russie du troisième millénaire...
Les herbes folles du passé ne frémissent pas sans raison.