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Critique de Charybde2


D'une ligne à une page, des dizaines de variations comiques, poétiques, incongrues ou rusées autour de l'aube en métaphore totale : un somptueux échantillon de l'art des greguerías.


Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/08/22/note-de-lecture-laube-ramon-gomez-de-la-serna/

Ramon Gómez de la Serna (1888-1963) fut en son temps (long) un véritable enfant terrible des lettres espagnoles, brillant touche-à-tout, animateur de cercles de lecture madrilènes influents et renommés jusque loin à l'étranger (jusqu'à son exil en Argentine à partir de 1936 – à partir duquel rien ne fut plus comme avant, comme en témoigne sa monumentale autobiographie de 1948, « Automoribundia »), défricheur et créateur redoutable, souvent précurseur ou à la pointe des avant-gardes. Il reste néanmoins inscrit dans le patrimoine littéraire commun avant tout comme le créateur d'un genre littéraire quasiment à part entière, qu'il nomma les greguerías (littéralement : criailleries).

Ni simplement aphorismes (même si les exemples ci-dessous montrent que bon nombre pourraient s'inscrire dans une filiation souple qui mènerait à « L'autofictif » d'Éric Chevillard ou au travail incessant d'Olivier Hervy), ni pures flèches poétiques, ils doivent satisfaire à la formule joueuse inventée par leur auteur même (humour + métaphore ⇨ greguería), mais évoluent de facto aux frontières d'un terrain où se glisserait l'incongru (qui n'est pas tout à fait l'absurde !) analysé par Pierre Jourde dans son « Empailler le toréador » et où percolerait au fur et à mesure un certain surréalisme en devenir.

Au cours de sa carrière littéraire, Ramon Gómez de la Serna a écrit des centaines de greguerías, rassemblées en recueils ou glissées dans des articles de journaux, des chroniques ou des essais libres. Une grande partie d'entre eux a été traduite en français par Laurie-Anne Laget pour les Classiques Garnier en 2019, mais comme cet éditeur destine hélas plutôt ses ouvrages, de par leur prix, aux rayonnages des bibliothèques universitaires qu'aux étagères des simples amatrices et amateurs, il est particulièrement heureux (même si l'on n'oublie pas le joli petit recueil de textes choisis des éditions Cent Pages publié en 2005) que les éditions Vagabonde aient décidé de nous offrir en ce mois de mai 2022, dans une traduction de Jacques Ancet (qui signe aussi une belle introduction), l'un des recueils les plus emblématiques, publié à l'origine en 1923 et largement revu et amplifié en 1956, sous ce titre de « L'Aube ».

L'aube est bien ici un personnage à part entière, qu'il s'agira d'appréhender sous toutes ses facettes, réelles, irréelles, ou encore plus improbables. Donnant son unité au recueil par la magie d'un seul mot, certes hautement chargé de mythes et de significations, Ramon Gómez de la Serna joue des longueurs (d'une ligne à une page, de la formule sibylline à la véritable petite histoire) et des tonalités, à travers des formes d'humour et de poésie toujours variables. Sur une note beaucoup moins sérieuse que l'immense « Paroi » de Guillevic, il transforme l'aube en métaphore totale à explorer encore et encore (un peu comme Nicolas Richard le pratiquait à une époque, par interpolations, avec son Niccolo Ricardo pouvant prendre tant de formes à deviner).

Lien : https://charybde2.wordpress...
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