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Critique de Bouteyalamer


Garcia Lorca nous prévient dans la préface de Robert Jammes : « Góngora, il ne faut pas le lire, il faut l'étudier ». de fait, le profane découvre à la première lecture un objet étrange, comme le vistamboir de Perret. Deux poèmes du 17e siècle, aussi hermétiques que le sonnet « A la nue accablante tu » (1914), mais de mille vers chacun. Góngora conserve la ponctuation dont Mallarmé s'abstient, mais il écartèle comme lui la syntaxe et, mieux encore, élimine les articles, juxtaposant les mots et les épithètes, ce qui fait de chaque phrase une suite d'appositions. le texte est envahi de mythologie — non pas explicite comme dans les Métamorphoses, mais allusive — et boursouflé de métaphores d'un déchiffrement ardu. Robert Jammes nous l'annonce : « Il fait parvenir [au] troisième niveau de lecture pour saisir l'essentiel, c'est-à-dire la poésie des Solitudes ». Il n'épargne pas sa peine pour nous y conduire : d'abord une traduction à peu près littérale, de vers à vers, face au texte original ; ensuite une transcription accessible au contemporain, au fil du texte, complétée par des notes signalant les allusions mythologiques ; enfin, dans la postface, un résumé qui permet de suivre l'action (il y a une action), et les personnages (il y a des personnages récurrents). Ce n'est pas encore le « troisième niveau », celui de la poésie — langue poétique et style — que Jammes commente avec prudence.

Une impression, une question et une supputation. La préciosité des Solitudes ne ressemble pas au portrait janséniste de l'auteur. Comment leur dédicataire, Alonso, sixième Duc de Béjar, chevalier de la Toison d'Or, que je me figure comme un fort spadassin, a-t-il reçu les Solitudes ? Un grand homme sûrement, qui connaissait les fous de génie : il est également dédicataire du Quichotte de Cervantès. Un aveu enfin. Je ne connais pas l'espagnol et je n'ai lu qu'une fois les Solitudes. Je reste à l'écoute, me rappelant mon professeur de lettres de troisième, un homme fin, impassible, qui m'a patiemment fait lire le sonnet de Mallarmé, me découvrant son espace, sa lumière, sa sonorité, ses images splendides et ambiguës. Je retrouve cette ambivalence dans Solitudes II.81-90 :

Avec largesse au désir des pêcheurs
l'estuaire répond,
sans que préserve l'huître lascive sa juste
cuirasse d'os, où elle
tient cachée une brève
mais incitante ouverture au plaisir :
contagion peut-être originelle
de celle qui (des flots
fille toujours belle) eut
pour berceau une conque.
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