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Critique de Aela


David Goodhart avait déjà écrit un livre passionnant « Les deux clans », dans lequel il décrit la scission croissante, dans les sociétés occidentales (surtout l'Angleterre, les USA, l'Allemagne et la France) entre une population très mondialisée, performante et internationalisée les « Anywhere » et une population moins diplômée, moins rémunérée et attachée au territoire, les « somewhere », ou encore ceux opposés à la mondialisation.

Dans ce livre « La tête la main le coeur », l'auteur explore les différences de statut et leur évolution entre les métiers relevant de la tête (ceux marqués par l'intelligence cognitive) , les métiers manuels et les métiers « de coeur » (le soin, l' éducation).

Il se trouve que le statut des métiers de main ou de coeur s'est plutôt dégradé dans les pays occidentaux comme les USA, la GB et la France. Différentes raisons sont analysées ici, comme par exemple la délocalisation des activités de production dans les pays émergents.

Le discours de Goodhart est simple : nous surpayons et survalorisons les travailleurs de la tête au détriment des autres, ce qui aboutit à une inflation des diplômes avec de jeunes diplômés qui ne trouvent pas toujours de débouchés et cela aboutit aussi à un ressentiment dans les classes populaires qui n'ont pas bénéficié d'études supérieures.

D'autre part certaines professions de la main et du coeur peuvent se complexifier et faire appel de plus en plus à l'intelligence cognitive. de l'autre côté la mondialisation peut maintenant mettre en concurrence des diplômés philippins, maghrébins ou autre avec des diplômés occidentaux. L'arrivée de l'Intelligence Artificielle va aussi bouleverser la donne et enlever du travail à de nombreux diplômés.

Illustration de ce malaise croissant : le Brexit et l'élection de Trump. A cet égard Goodhart rappelle qu'on pourrait voir le Brexit comme une conséquence de la politique mondialiste de Tony Blair, pourtant travailliste, notamment en matière d'immigration, les Européens de l'Est ayant été incités à venir travailler en Angleterre à cette époque.

La nécessité de rééquilibrage va être rendue plus forte avec la crise du Covid.
D'autre part, dans nos sociétés vieillissantes qui valorisent l'égalité des sexes, nous allons très probablement accorder une plus grande place à ceux qui prennent soin des autres.
Les impératifs écologiques qui se font de plus en plus sentir vont aussi nécessairement amener à réévaluer les métiers de la main : fini l'ère du « je jette, je rachète », nous entrons dans l'ère du « je répare ou je fais réparer »…

J'ai beaucoup aimé ce livre qui montre les limites de la méritocratie cognitive. Il devrait être lu par nos dirigeants politiques ! D'autant plus que la classe « cognitive » qui est au pouvoir de plus en plus depuis l'avènement de la mondialisation, tend à suivre ses propres intérêts tout en étant convaincue de servir le bien commun.

David Goodhart a un parcours intéressant : il a été journaliste au Financial Times. Il a travaillé sur l'anxiété des classes ouvrières britanniques devant l'immigration.
Son titre est un clin d'oeil à une école privée anglaise très chic, Bedales, fréquentée par certains des enfants de Boris Johnson et dont la devise est justement « la tête la main le coeur ».
Le titre anglais est d'ailleurs plus explicite : « Head Hand Heart. The struggle for Dignity and Status. »

David Goodhart illustre encore ici sa capacité à nous expliquer les grands chamboulements de notre époque avec un travail de synthèse étonnant, qui nous fait penser aux travaux de son confrère israélien Harari. Il met à nu les tensions sociales et politiques avec leurs conséquences. Un livre passionnant !
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