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Critique de thedoc


Beaux, sophistiqués, brillants et charmants… Dans les années cinquante, les Goolrick ne plaisantent pas avec l'art du paraître. Appartenant à la bourgeoisie sudiste, ils sont pour beaucoup le couple idéal et les parents dont tout le monde rêve. le narrateur – l'auteur Robert Goolrick – le reconnaît lui-même : ses parents avaient tout pour séduire. Un père tout droit sorti d'un roman de Dickens ; une mère belle et spirituelle. A cette époque, dans leur maison de Virginie, ils reçoivent beaucoup. S'il est quelque chose de sacrée dans leur journée, c'est bien l'heure du cocktail. On s'apprête, on prépare les boissons, et ensuite, on accueille ses invités en tenant la conversation. Tout respire le chic, le bon mot et la bienséance. On boit aussi beaucoup, souvent trop. le jeune Robert, son frère et sa soeur ne sont pas dupes de cette mise en scène. Une fois les invités partis, la réalité reprend ses droits : le manque d'argent, les frustrations, les disputes, l'alcoolisme des parent. Et pour Robert, un crime inavouable, qui le hantera toute sa vie.

A partir de souvenirs marquants et le plus souvent bouleversants, Robert Goolrick nous dévoile dans « Féroces » son histoire familiale. Avec lui, nous plongeons dans un monde d'égoïsme, de cruauté et d'infinie tristesse. Car « Féroces » nous fera légèrement sourire à l'évocation d'anecdotes racontées avec humour, mais ce sera tout. Souvenirs d'école, vie à la campagne, réunions familiales… le petit Robert avait tout pour vivre une jeunesse dorée. Mais c'est sans compter les adultes et leurs fêtes trop alcoolisées qui les mènent aux excès les plus atroces.
La fin de l'enfance et de l'innocence a sonné très tôt pour Robert Goolrick, lié à ses parents par un secret infâme. Son adolescence et sa vie d'adulte ensuite sont un long chemin de solitude et de souffrance : le dégoût de soi, le refus d'aimer et d'être aimé, les scarifications, les tentatives de suicide, le séjour en asile psychiatrique… Petit garçon, il a subi le pire. Mais finalement était-ce le pire ? le crime commis n'était en fait que le commencement de son chemin de croix. « Ce n'est pas tant ce qui est arrivé. C'était déjà terrible. C'est ce qui se passa après. Ce fut encore pire. » (p.209). Dans l'innocence de ses quatre ans, il devient pour ses parents la personnification de la faute, le responsable du crime. Il leur renvoie au visage leur honte, leur folie et la peur que tout soit dévoilé. Car chez les Goolrick, une seule loi prévaut : on ne parle jamais à l'extérieur de ce qui se passe à la maison.
Plus tard pourtant, Robert n'aura de cesse de se faire aimer d'eux, de les gâter. Mais rien, jamais de remerciement ou de gratitude. Juste des occasions pour ses parents de lui cracher leur haine. Jamais ils ne lui pardonneront ce crime inavouable dont ils sont les propres auteurs et qui entacherait leur réputation s'il était divulgué.

Choquant, révoltant et perturbant, le lecteur ressort exsangue de « Féroces ». Récit d'une Amérique aujourd'hui révolue, ce roman coup de poing nous révèle des vies gâchées par le secret, le silence et les mensonges, les reproches et l'aigreur. Robert Goolrick en est bien sûr la principale victime. Alors qu'il aurait pu, comme un autre enfant dans son cas, se reconstruire à force de soutien et d'écoute, il n'en a pas eu le droit.
« Je donnerais tout, n'importe quoi, pour être l'homme à qui cela n'est pas arrivé. Je ne peux m'y résoudre. J'ai essayé toute ma vie, et je ne peux pas m'y faire. »

C'est avec ce livre, au style direct et incisif, que l'auteur libère enfin sa parole : « Je la raconte [cette histoire] parce que j'ai dans le coeur une douleur poignante en imaginant la beauté d'une vie que je n'ai pas eue, de laquelle j'ai été exclu, et cette douleur ne s'estompe pas une seconde ».
On ne souhaite qu'une chose à Robert Goolrick : c'est qu'en mettant par écrit ses sombres démons, il ait pu trouver une seconde d'apaisement.







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