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Critique de michfred


Comment est-il possible qu'un livre de cette qualité, publié aux USA en 1987, n'ait été traduit en français qu'en 2015?

Comment est-il possible qu'un tel livre ait seulement une dizaine de critiques quand La Tresse -au hasard..- en a plus de 200?

Est-ce que nous ne sommes pas en train de passer à côté d'une Doris Lessing du Bronx, d'une Virginia Woolf new yorkaise ?

J'y allais pourtant à reculons: je redoutais la énième autobiographie romancée sur la relation fatale mère-fille, le ixième bouquin sur la yiddish mamma toxique -une version de la mère juive castratrice à l'usage des petites filles- , ou même la chronique -tellement-haute- en -couleurs des années 40-60, où l'immigration ashkénaze, souvent communiste, faisait les belles heures du Bronx...

Rien, rien, rien de tout cela! J'ai été cueillie par la surprise, de la première à la dernière ligne: rien de convenu, rien d'attendu, rien de stéreotypé -et pourtant tout sonne terriblement juste, tout fait mouche, tout ouvre à la réflexion, tout remue notre sensibilité, notre sensualité.

Tout est créateur de sens, forgeur de mythe. Et cette mère , cette fille touchent à l'universel à force d'être si authentiquement uniques, si puissamment originales- ce qui n'est pas le moindre des paradoxes!

Avec une langue affûtée, exempte de tout cliché, tantôt collant au plus près de la sensation, de l'émotion, tantôt prenant le recul de l'ironie, ou la froideur distanciée de l'analyse, Vivian Gornick traque, isole, retrouve, perd, compare, mêle les moments d'un passé toujours vivace et ceux d'un présent jamais serein, toujours un peu sur le qui-vive, deux temps étroitement mêlés comme le sont, indissolublement, pour le meilleur et pour le pire, la mère et la fille.

Sa mère et elle. Car il s'agit d'un récit autobiographique et non pas d'un roman, tissé au rythme des promenades inlassables que les deux femmes font ensemble dans un New York dont la forme change plus vite que le fond de leur coeur...

Structure proustienne, musicale, et analyse impitoyable, parfois virulente pour ce récit d'une émancipation difficile, douloureuse, mais sans rupture, sans mise à mort, sans reniement.

Naissance d'un écrivain, formation d'une intellectuelle qui reste la fille d'une maîtresse femme. Acquisition d'une liberté qui reste un dialogue. Prise de distance qui reste un face-à-face.

Il faut lire Attachement féroce pour toutes ces raisons, et aussi pour le plaisir de découvrir un Bronx d'après guerre, marqué par l'exil, l'holocauste, mais résolument tourné vers la vie, un Bronx populaire, où chacun se connaît, où tout se sait, se commente, se distille. Pour découvrir Nettie, la shiksa, jeune veuve ukrainienne et goy, à la sensualité envoûtante, qui tente de capter la jeune Vivian dans ses filets de sirène, face à madame Gornick mère, tranchante, autoritaire, incontestée.

Attachement féroce, férocement attachant...


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