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Critique de Eric75


Poursuivant ma lecture (ou plutôt ma relecture) des albums par ordre de parution, je ne cesse de me régaler et de constater le très bon niveau des albums de l'époque Goscinny & Uderzo du milieu des années 60. Cette 8ème aventure est prépubliée dans Pilote à partir de 1965 et sort en album cartonné en 1966. Se référer aux dates est important, car il convient de contextualiser les gags, notamment pour éviter tout anachronisme dans leur compréhension (identification des personnages caricaturés connus au moment de la parution, ou allusion au Tunnel sous la Manche dont les travaux ne démarreront qu'en 1987 et qui ouvrira en 1994, et pourtant, « on a même commencé à le creuser mais ça risque d'être assez long » précise Jolitorax page 14).

Je dis, c'est un réel morceau de chance que de pouvoir me replonger dans cet album plein de désopilants effets et, bonté gracieuse, aussi revigorant qu'une magique potion ! Une fois de plus, nos deux auteurs font mouche (« musca » dirait le romain habile au maniement de la catapulte de la page 43) à tous les coups.

Les références à nos amis britanniques sont of course les plus funs, on frôle ici le high-level voire le too much ! J'arrête là les anglicismes pour plus de compréhension. Tout le monde aura noté leur manière de s'exprimer, toujours hilarante, avec la position des adjectifs et les expressions traduites mot à mot : « Bonté divine ! », « C'est un morceau de chance ! », « Combien étrange ! », « Je demande votre pardon ! », « C'est un joyeux bon garçon ! », « Ce ne sont pas des gentils hommes », « Bonne chance, et toute cette sorte de choses », « Secouons-nous les mains ! », « Gardez votre lèvre supérieure rigide ! », « Il est devenu absolument noix ! », « J'étais en dehors de mes esprits avec l'inquiétude ! », etc. Quelques allusions au style Méthode Assimil complètent le tout (« Mon tailleur est riche », « Il est plus petit que le jardin de mon oncle », etc.).

D'autres évocations assez subtiles, parsemées dans le décor, méritent d'être signalées : Une collection de souvenirs des précédents voyages sur une étagère dans la demeure d'Astérix, page 9. Les premières notes de la 5ème symphonie de Beethoven, utilisées par Radio-Londres pour la Résistance, page 20. La statue de Diane Chasseresse écrasant un pauvre cerf est la version très « Botero » d'une statue de la Diane d'Anet par Jean Goujon, page 25. le célèbre Tower Bridge (Pont de la Tour) est représenté sous sa forme antique, page 22 et page 26. de même la redoutable Tour de Londres est un lieu de passage obligé, page 29 et suivantes. La célèbre avenue Park Lane, aux maisons identiques, où habitent un couple flegmatique au n°LVIII et un voleur de charrettes au n°LVII devient l'Allée du Parc, page 32 et suivantes. Enfin, parmi les auberges visitées page 35, se trouve à l'angle de la rue l'Auberge de l'Angle – du nom d'un peuple qui donnera son nom à l'Angleterre. Page 36, l'aubergiste de Chez l'Ami Bidax est sans doute, en plus d'être un amateur de Rugby, un fan des chansons de Fernandel.

Une erreur est à signaler sur la dernière vignette de la page 33. Astérix aurait dû dire (au lieu de LVIII) : « C'est bien le LVII, ici, il ne vous manque pas de I ? » en apostrophant le voleur de charrettes. Après vérification, cette erreur a pu être corrigée dans certaines versions.

Le scénario est dense et consistant, avec une vraie intrigue et des personnages secondaires qui relancent l'action et ne sont pas seulement là pour faire de la figuration (par exemple Relax, l'aubergiste de la Gauloise Amphore ou encore le voleur de charrettes, qui habite au LVII allée du Parc). L'épaisseur du scénario s'est totalement perdue de nos jours avec la nouvelle équipe qui sous-exploite totalement ses personnages secondaires, quand ce n'est pas Astérix et Obélix eux-mêmes qui font office de touristes, en voyage chez les Pictes ou chez les Sarmates.

Les nouvelles caricatures/célébrités qui apparaissent en « guest-star » sont : Les Beatles au grand complet, signant des autographes page 19, quel morceau de chance ! Et, plus discret mais bien présent, Achille Talon, en légionnaire romain fataliste page 14, identifiable par son « hop ». Enfin, Harold Wilson, premier ministre du Royaume-Uni lors de la parution de l'album en 1966, ressemble furieusement au chef de village breton Zebigbos et ce n'est sans doute pas un hasard.

Les personnages féminins sont une fois de plus sous-représentés (après un léger sursaut lors du précédent album). J'ai identifié cette fois : Deux bretonnes à l'heure du thé, page 6 ; des groupies des Beatles qui s'arrachent des autographes, page 19 ; une voisine de l'auberge La Gauloise amphore qui balaye devant sa porte, page 29 ; La voisine du voleur de charrettes, Pétula (comme Pétula Clark), qui sert l'eau chaude et manie le tricot, pages 33 et 34 ; aucune villageoise n'est présente dans la foule gauloise saluant le départ de nos héros page 11, ni dans la foule bretonne saluant l'arrivée de nos héros page 44, ni au moment du banquet final page 48.

Le barde Assurancetourix, comme il se doit, se retrouve ligoté et bâillonné, sur la dernière image, tandis qu'Idéfix qui n'était pas du voyage, participe cette fois au banquet. le petit animal d'illustration au premier plan est un lapin curieux dressant ses oreilles, rappelant la fascination qu'avait Uderzo pour les dessins de Walt Disney. Je reviendrai plus tard sur ce sujet, que j'identifie comme un autre thème récurrent des albums d'Astérix. Amo bellus bestiolae…
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