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Critique de Lastryge


Le tome deux des aventures d'Hippolyte Salvignac renforce, mais contredit aussi, l'impression laissée par le volume un. le style gagne en aisance et en fluidité, là où l'intrigue semble perdre en densité

De fait, le titre alléchant le Faubourg des diaboliques surprend. Si on voit bien le faubourg, l'attente de voir se dévélopper sous nos yeux un foyer du crime organisé ou un couple diabolique d'« amants rouges » est pour ainsi dire déçue, car malgré ses rebondissements, la mystérieuse mort de l'insipide Sérandie est souvent laissée en suspens et ne redevient le moteur de l'intrigue que dans la dernière partie.

En effet, ce meurtre est d'abord pour l'auteur l'occasion d'un terrible et fin portrait de femme : Eugénie, veuve de Sérandie et ancienne maîtresse d'Hippolyte. Découverte accorte par le lecteur dans le volume un, mais sans passion par notre héros, sa rancoeur à l'égard d'un Hippolyte qui l'a quittée la rend prête à laisser accuser un innocent afin de manifester aux yeux du monde qu'elle pût inspirer un crime passionnel. Serait-ce elle, la diabolique ?

Cette intrigue de meurtre est aussi l'occasion de la sordide découverte de l'enfer carcéral et de la partialité d'une justice très politisée, d'une amusante incursion dans le milieu de la Poste et d'une plus aiguisée dans le monde finissant de la noblesse royaliste et antirépublicaine.

Par opposition, Philippe Grandcoing nous offre un très beau contrepoint avec l'altière et subtile comtesse de Bonnaygue, Adélaïde, pour laquelle Hippolyte s'était détaché de la banale Eugénie. Et c'est grâce à elle qu'apparaît le fil rouge du roman : le travail de rédaction sur la mise en valeur du patrimoine du Quercy, tant par intérêt personnel que pour créer un lien fort avec Adélaïde, lequel fil se noue adroitement avec celui, de plus longue haleine, de la recherche de la paternité de Lerouet.

A plusieurs égards, il y a de la Fortune des Rougon de Zola dans ce roman, la géographie des lieux, régions et des quartiers marquant une frontière étanche entre les groupes sociaux, comme le montre l'enclave du Bateau-Lavoir à Montmartre et sa bohème artistique avant-gardiste, mais alors coupée des codes de l'époque. Cette sectorisation de l'espace est véritablement un personnage et par ailleurs la clé de la résolution de l'intrigue première, le meurtre de Sérandie.
De même que les quartiers de Paris prennent vie sous nos yeux avec leur monde et leurs codes, la France d'un Paris qui centralise tout pouvoir s'oppose à un Midi qui garde en son essence une autonomie et un souvenir d'indépendance, peu prêt à se plier à l'arbitraire. La « révolte des vignerons » menée par Lo Cigal s'opposant au Tigre, grand passage du roman, rappelle les scènes de la conquête de Plassans lors du coup d'État de 1851 telle que la peint Zola.

Ainsi, dévoyant son lecteur et l'emmenant là où rien ne semble l'y prédestiner, comme à son habitude, Philippe Grandcoing offre avec un style enlevé un voyage dans les différents lieux et mentalités de la France à ce tournant du XXème siècle.
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