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Critique de JustAWord


Après Nos Futurs, excellente anthologie de textes et d'articles mêlant science et fiction, voici que les éditions La Volte nous offrent une anthologie SF autour de la santé. Une initiative plus qu'alléchante qui rassemble aussi bien des auteurs et autrices connu(e)s que des petits nouveaux en pagaille. Confectionnée par Stuart Calvo, 15 textes nous attendent de pied ferme…

Que conclure du point de vue littéraire de cette anthologie ?
D'abord, qu'il s'agit avant tout d'un recueil de révolte et d'indignation où les idées politiques de gauche (et notamment d'extrême-gauche) essaiment à tout-va. En soi, la chose n'a rien de négatif mais son emploi forcené dans la plupart des textes, au moins 10 des 15 présents, vient souvent occulter le sujet censément principal : la santé (mais nous en reparlerons après). Présentement, ce qui pose problème, c'est que les textes de l'anthologie sont soit des textes militants purs et durs soit des expérimentations littéraires dans le prolongement du style d'Alain Damasio. Et ces deux angles d'attaques annihilent le reste du texte à chaque fois ou presque (avec l'exception notable des nouvelles de Theodore Koshka, Tristan Bultiauw et Benno Maté). 
Et c'est bien dommage, car, si l'on en reste strictement au plan littéraire, les textes remarquables se comptent sur les doigts d'une main, le plus abouti semblant sans surprise être celui de Sabrina Calvo.
Le problème ici, c'est que cette anthologie s'attaque à la problématique de la santé et qu'il s'agit là d'un axe capital pour ne pas dites essentiel pour le lecteur qui s'intéresse au sujet de la fiction (voire de la science-fiction) et du médical. C'est ici que les choses se compliquent énormément…

Synthèse médicale :
Je quitte ici l'emploi de la troisième personne pour apporter mon point de vue médical puisque je suis également médecin généraliste exerçant en tant qu'urgentiste pédiatrique.
L'annonce de cette anthologie sur la santé de demain était pour moi une énorme attente, ravi de voir un éditeur sérieux s'emparer d'un sujet aussi pléthorique et divers. La déception est donc à l'avenant.
Sauve qui peut n'est pas une anthologie sur la santé. Elle est en réalité (et revendiquée dans la post-face comme telle) une anthologie sur la politique de santé et sur un certain militantisme, notamment LGBT+. Ce qui, encore une fois, n'a rien de négatif à priori mais voilà qui va grandement décevoir ceux qui, comme moi, s'attendaient à voir la santé traitée sous un angle prospectif ou, tout du moins, scientifique.
Ici, la science n'est jamais citée, du moins pas comme on l'attend. Ce qui saute aux yeux quand je lis les textes rassemblés dans cet ouvrage, c'est que sur 15 auteurs, aucun n'est une personne qui travaille dans le milieu médical.
C'est comme si on écrivait un livre sur la mécanique sans aucun mécanicien dedans. Jusque dans la post-face, Demain la Santé se réfère à la philosophie plus qu'à la science médicale. le lecteur se doit donc d'être prévenu, l'anthologie ne se penche que sur le système de santé (et cela de façon uni-dimensionnelle et orientée à gauche toute) et non sur le soin en lui-même.
De façon plus pragmatique, en tant que soignant, ce recueil a de quoi faire déprimer. Sur 15 textes, onze abordent la médecine actuelle comme néfaste pour le patient, 5 mettent en avant la médecine alternative et représente la médecine actuelle comme un danger, notamment les médicaments. Une constatation terrible pour moi en tant que praticien qui résulte de deux choses certainement : aucun ici n'est soignant et tous tissent donc des histoires à partir du « vécu patient » et donc l'interrogation, qu'est-ce qui coince tant pour que la médecine soit autant haïe ?
Préférant privilégier des réflexions sur le genre et l'inclusivité, l'anthologie zappe tout le reste. Tout. Et il y avait matière à faire dans le domaine médical !
Des exemples en vrac ? La montée en flèche du taux de BMR (Bactéries Multi-résistance) et l'abus des antibiotiques, la balance bénéfice-risque des traitements, la propagande anti-vax et le recours à une médecine de charlatans, l'IVG, le contenu et l'interprétation des études, l'euthanasie, les effets secondaires des médicaments, l'incertitude médicale dans la maladie, la relation médecin-malade, l'impact de la vieillesse de la population sur l'émergence des maladies dégénératives, le manque de moyens pour les maladies orphelines, la propagation des épidémies, les thérapies géniques, la neuromodulation et l'apport de technologies mécaniques au corps humain… et la liste serait encore très longue. Aucun de ces thèmes n'est abordé sérieusement ici, aucun. Tout reste superficiel et orienté pour correspondre davantage à un tract politique qu'à une réflexion sur la santé face à l'humain. On se consolera avec quelques éléments philosophiques chez Tristan Bultiauw ou Lauriane Dufant, mais c'est bien mince à l'arrivée. le tout en précisant que je suis absolument d'accord avec la vision du recueil quand au démantèlement de notre système de santé pour le profit pur et dur. Mais la vision simpliste de ce qu'il faut faire pour redresser la situation démontre simplement que les personnes qui en parlent ne se rendent pas compte que, oui, la médecine de qualité a un coût. La vraie question reste comment faire pour que cette médecine de qualité reste gratuite et strictement gratuite pour tous ?
Dernier point et non des moindres, j'ai été révolté de lire au sein de ces quinze nouvelles un texte ouvertement anti-vax. Ce qui n'est pas véritablement une surprise tant l'idéologie ici se veut anti-médicament et donc anti-science. Bien évidemment, les médicaments n'ont pas que des avantages, les laboratoires ne sont pas des saints du tout (il faudrait être bien naïf), mais tout se passe dans l'anthologie comme si la réponse de demain serait un retour au naturel. 
Un naturel qui donnait une espérance de vie de 30 ans par le passé. Merci bien, on vous le laisse.
La présence de ce seul texte suffit à déconseiller l'acquisition de cette anthologie de mon point de vue strictement médical. Il est absolument catastrophique de voir une partie militante de l'imaginaire glisser vers une philosophie anti-scientifique juste parce que cette partie militante assimile le riche à la technologie et à la science et, par ricochet, aux médicaments et aux vaccins.

Vous l'aurez compris, Sauve qui peut ne présente qu'un intérêt congru pour le lecteur de science-fiction. Il s'adresse avant tout à un milieu déjà acquis aux principes énumérés au fil des pages, et devrait donc plaire à tous ceux qui attendent quelque chose où la révolte et les idées politiques prennent le pas sur le reste. Si vous cherchez des textes sur la médecine, vous serez amèrement déçus. Pour ceux qui recherchent une anthologie d'anticipation mêlant rigueur et littérature, jetez-vous sur Nos Futurs. Vous voilà prévenus.

(Retrouvez en lien la critique complète, nouvelle par nouvelle)
Lien : https://justaword.fr/sauve-q..
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