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Critique de Fandol


Fandol
22 septembre 2020
Passionnante découverte que cette histoire de l'alpinisme soviétique réalisée par Cédric Gras qui fut compagnon de Sylvain Tesson lors de sa fameuse Bérézina à moto !

Il lui a fallu des recherches longues et assidues pour mettre enfin en lumière toute une histoire et surtout deux frères, Vitali et Evgueni Abalakov, qui ont grandi à Krasnoïarsk, près du fleuve Ienisseï, en Sibérie. Ils étaient nés en 1906 et 1907 et leur passion pour l'escalade et la montagne à profondément marqué leur vie placée sous le sceau terrible du stalinisme.
Cédric Gras raconte tout cela avec précision, humour parfois, critique souvent. Comment ne pas être touché, ému par la destinée de deux hommes qui ont tenté de réaliser leurs rêves d'escalade avec des moyens très rudimentaires dans un contexte politique des plus horribles ?
Dans cet excellent livre, l'auteur déroule un panorama des plus complets de la conquête des sommets, en URSS. Si cet empire soviétique a éclaté, il ne faut pas oublier son importance tout au long du XXe siècle. Vitali et Evgueni sont adolescents quand on vient arrêter Ivan Abalakov, leur oncle paternel qui a recueilli ces deux orphelins. Les voilà déjà marqués par l'arbitraire. Leur père était un négociant prospère et leur oncle un bourgeois.
Vitali et Evgueni sont à Moscou en 1925. L'un étudie la mécanique et l'autre préfère les beaux-arts. Avec leurs études, ils développent leur passion pour la montagne dans le Caucase, cette chaîne qui s'étend sur 1 200 km entre la mer Noire et la mer Caspienne.
Vitali rencontre Valentina Tcheredova qui aime aussi l'escalade alors qu'Anna Kazkova se lie à Evgueni. C'est donc parti pour des expéditions toujours plus lointaines et toujours plus élevées. Les sommets du Pamir, énorme massif d'Asie centrale que se partagent aujourd'hui la Chine, le Tadjikistan et le Kirghizistan, attire encore plus car ses sommets dépassent les 7 000 mètres dont le pic Staline devenu pic du Communisme et appelé aujourd'hui pic Ismail Samani (7 495 m).
1933 voit la collectivisation des terres et d'horrible famines mais cela n'empêche pas Evgueni de se distinguer. Des deux frères, c'est nettement le plus brillant. Tous les deux, ils forment des militaires à la montagne mais, en 1934, le goulag se met en place.
Lorenz Saladin, un photographe suisse, se joint aux exploits des Abalakov. En 1936, ils arrivent au sommet du Khan Tengri (7 010 m) mais la descente est effroyable. Vitali doit être amputé de plusieurs phalanges et d'un tiers du pied gauche. Cela le poussera à inventer des appareils pour les sportifs handicapés et il pourra renouer avec la montagne, sa passion.
Hélas, l'URSS vit sous le joug de Staline et l'on arrête, torture, emprisonne, fusille des innocents par centaines. Les alpinistes, comme les poètes, ne sont pas épargnés. le 4 février 1938, Vitali est arrêté chez lui alors qu'il est avec Valentina et leur fils, Oleg. Comme tant d'autres, il vit un cauchemar abominable, un enfer dont il sort par miracle.
Puis, c'est la seconde guerre mondiale. Les rangs des alpinistes ayant été décimés par les arrestations, l'URSS ne possède pas de troupes de montagne. Si Vitali a été réformé pour invalidité, Evgueni est dans l'armée. Anna a accouché, en 1941, d'un fils, Alexei.
L'URSS compte vingt millions de morts à la fin de la guerre mais l'alpinisme reprend un peu. Alors que Valentina met au monde une fille, Galina, en 1946, la vie d'Evgueni bascule brutalement deux ans plus tard. Lui qui sculptait beaucoup laisse ses oeuvres mais son rêve était d'escalader l'Himalaya.
La troisième partie du livre est consacrée à Vitali qui étonne de plus en plus même s'il peine à être réhabilité. Il grimpe toujours et Cédric Gras raconte tout cela avec vivacité et précision. J'aurais voulu retenir tous ces noms qu'il sort de l'ombre, tous ces drames de la montagne, ces joies aussi lorsque le succès est au bout.
Avec la vie de ces alpinistes hors pair, j'ai bien compris toute l'évolution de ce sport développé dans le cadre soviétique malgré des moyens limités et un carcan idéologique très contraignant.

Alpinistes de Staline m'a été offert par Simon pour mon anniversaire et ce fut une lecture passionnante et fort instructive. Merci !


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