Une petite nouvelle surréaliste mélangeant le fantastique et le burlesque, l'humour noir et le gothique, sur le thème de la maternité. Quarante-huit pages savoureuses ressemblant à un conte pour une métamorphose…celle de devenir mère…ou pas.
A priori rien de bien original : un jeune couple de latinistes un peu perchés vit dans un appartement poussiéreux encombré de bric et de broc. La femme tombe enceinte, une grossesse gémellaire qui fait fuir Peter. La femme se retrouve seule à élever ses deux garçons dans le plus grand dénuement. Banal…oui sauf que avant la fuite de Peter déjà certains indices nous ont fait tiquer, des détails grâce auxquels (ou à cause desquels) on se demande bien ce que nous lisons…La plume de la canadienne
Camilla Grudova dérape, parfois légèrement, parfois étonnamment. Quelques petits exemples : lui sent la pierre froide et les fleurs pourries ; elle, devenue enceinte, ne peut plus exercer son petit boulot dans une boutique de maison de poupées car elle avait elle-même « l'impression d'être une maison de poupées, avec une personne miniature à l'intérieur, et je m'imaginais avalant de minuscules chaises et casseroles pour qu'elle soit plus à l'aise ». Et des choses encore plus étonnantes qu'il ne faut surtout pas dévoiler. Des bribes surréalistes distillées ici et là, nous arrachant un sourire ou nous faisant froncer les sourcils.
Ce burlesque, soit touchant soit étonnant, va se transformer peu à peu en gothique pour exprimer les difficultés de devenir mère, de se métamorphoser en mère, le mythe de Romulus et Rémus revisité à la sauce kafkaïenne.
« Aucun de nous deux n'avaient de jumeaux dans la famille. C'était le latin qui avait fait ça, décréta Peter, des cygnes ou des dieux barbus me rendaient-ils visite dans mes rêves ? Il se comporta comme si je l'avais trahi de manière mythologique ».
L'écriture sera la voie de rédemption pour notre narratrice.
J'ai aimé cette nouvelle, parue dans la collection La nonpareille des éditions La Table Ronde (dédiée spécifiquement aux nouvelles comme expliqué en préambule), mais prise isolément je reste quelque peu sur ma faim quant au style de cette auteure qui, après ce récit m'interpelle grandement et m'attire irrésistiblement…Très envie de lire le recueil duquel cette nouvelle est tirée, c'est certain, afin de pouvoir apprécier un ensemble dans lequel les nouvelles ont certainement des liens entre elles et forment un tout.