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Critique de Polomarco


Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le pape François sans avoir jamais osé le demander. Jean-Marie Guénois, journaliste au Figaro, suit l'actualité religieuse depuis plus de trente ans. Sa connaissance des arcanes du Vatican lui permet ici de prendre le recul qui manque au journaliste. En analysant les dix années écoulées depuis l'élection du cardinal Bergoglio en tant que pape, il fait en effet, ici, oeuvre d'historien, autant que de journaliste.

Premier pape à n'avoir pas connu le Concile Vatican II (1962-1965) puisque ordonné prêtre en 1969, premier pape issu de la "Compagnie de Jésus", premier pape argentin, petit-fils d'immigrés italiens, François déroute par son action. Même s'il a la responsabilité de la préservation de la foi et de sa transmission au plus grand nombre, il vise en effet une profonde réforme culturelle de l'Église catholique : passer d'une culture du pouvoir à une culture du service. Réforme : le mot est faible ; le sous-titre de l'ouvrage est d'ailleurs "la révolution". Une révolution mentale qui "vise à ne plus mettre en avant, dans l'enseignement de l'Église, le dogme mais sa faisabilité. le pape ne définit pas ce qu'il faut croire, il cherche d'abord, en bon jésuite, la voie d'accès la plus adaptée pour parvenir à ce dogme (...). Au lieu de s'appuyer sur des livres et des dogmes définis par des siècles de réflexions et de débats, il part des gens tels qu'ils sont" (pages 191-192).

Jean-Marie Guénois présente ainsi les quatre principes qui guident l'action de François : 1. le temps est supérieur à l'espace ; 2. l'unité prévaut sur le conflit ; 3. la réalité est supérieure à l'idée ; 4. le tout est supérieur à la partie. L'ouvrage montre ensuite comment ces principes ont trouvé à s'appliquer en matière d'égalité, de fraternité et de liberté, domaines où François bouscule l'ordre établi.
L'égalité. D'une part, il veut réduire la supériorité du Saint-Siège sur les églises catholiques locales pour aller vers davantage de collégialité, ou selon l'expression vaticane, de "synodalité". François ne se cache pas de vouloir "une Église moins hiérarchique et plus égalitaire" (page 132), mais, paradoxalement, il dirige le Vatican en autocrate, comme aucun de ses prédécesseurs. D'autre part, il réforme, frontalement et courageusement, la Curie romaine "qui avait réussi à étouffer Benoît XVI jusqu'à le conduire à la démission" (page 202). Tandis que les papes passent, la Curie incarne en effet la continuité d'un appareil d'État qui demeure le gouvernement du Vatican, et dont la tendance est d'exercer le pouvoir à la place du pape.
La fraternité. Auteur d'une encyclique remarquée, "Fratelli tutti", François a comme priorités la défense des pauvres, des exclus et de ceux qui sont aux périphéries, la main tendue envers l'islam, et surtout l'accueil inconditionnel des migrants. Jean-Marie Guénois analyse ainsi les tenants et aboutissants du premier déplacement pontifical en juillet 2013 à l'île de Lampedusa où, face à la "mer-cimetière", il dénonce "la mondialisation de l'indifférence".
La liberté. En vertu de son principe "la réalité avant l'idée", François prend ses distances avec l'héritage de Jean-Paul II sur les sujets de morale sexuelle, qu'il choisit d'éviter. Il tend aussi la main aux divorcés-remariés, auxquels il permet, par une petite note de bas de page de l'exhortation apostolique Amoris laetitia, d'accéder, sous conditions, aux sacrements de confession et de communion. Il porte enfin une attention bienveillante aux personnes homosexuelles, à propos desquelles il déclare "Qui suis-je pour les juger ?".

L'ouvrage nous offre un éclairage très instructif sur le mode de pensée et d'action de François, soucieux de faire perdurer dans le monde d'aujourd'hui l'héritage de la foi catholique reçue des Apôtres. Un pape à "l'habileté madrée", ayant placé ses frères jésuites aux postes-clés du Vatican, et qui avance au large, en s'écartant parfois de ses prédécesseurs, tout en oeuvrant à la construction d'un même et unique Royaume.
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