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Critique de Enroute


Parents je vous hais. C'est ce que le narrateur ne cesse de répéter tout au long de son autobiographie orientée. Et pourtant, au travers de l'évocation incessante de ces parents détestés se révèle un attachement profond pour eux qui dépasse peut-être la situation particulière du personnage et relèverait davantage de la relation universelle que les enfants entretiennent avec ceux qui les ont mis au monde.
Car d'abord qu'a-t-il à leurs reprocher à ces parents ? Son père le battait dit-il (….). Oui, mais la violence du père pourrait bien n'avoir été que passagère puisque évoquée une fois seulement. le lecteur sachant que le narrateur hait ses parents (…) la phrase « mon père nous battait », avec cet imparfait qui sous-entend la répétition pour un évènement relaté une seule fois, pourrait bien n'être qu'une manière de se venger du souvenir cuisant d'un dérapage isolé plutôt que la relation d'une violente habitude. Ils ont manqué de psychologie (pour nous faire peur dit sa mère ) (… dit son père), ce qui fait dire au narrateur toujours dans le même état d'esprit « quand vous serez morts « ). Il a souffert de ces mots c'est certain. de même, il semble souffrir de ne rien avoir à leur dire (nombreuses mentions). Sans doute. Mais un homme adulte qui intègre dans ses souvenirs les départs en vacances, les billes à la cour de récréation et comment il badigeonnait le crâne de son père pour faire repousser les cheveux semble garder au fond de lui beaucoup de tendresse pour les moments vécus - à défaut d'en garder pour les personnes elles-mêmes. Et puis il n'y a pas vraiment d'opposition dans sa vie avec la leur. Il les méprise, ils sont radins, leur vie est inutile, mais la sienne se déroule sans qu'il semble lui chercher d'utilité, sans qu'il semble chercher à la rendre supérieure à celle de ses parents. Hervé Guibert se contente de nous dire comment ceux-ci le perçoive, une fois adulte (« tu n'es pas aussi loqueteux que d'habitude « ).
Le personnage rétorque : « le pire est d'avoir un enfant ». Au final n'est-ce pas cela que l'enfant devenu adulte reproche à ses parents : l'avoir mis au monde, être responsable de la vie qu'ils lui ont « infligée ». Car l'enfant du début de l'ouvrage grandit au fur et à mesure et sa lucidité sur le monde s'affine. Il comprend qu'il lui revient, à lui désormais, de prendre la responsabilité de sa vie, de décider de l'influence qu'il aura dans le monde. Et cette responsabilité, il semble la reprocher à ses parents de la lui avoir donnée. Il cherche un père chez ses amants, il mène une vie qui ne semble pas lui déplaire, mais ne lui donne pas de responsabilité vis à vis des autres.
Cet ensemble de souvenirs est émouvant. La simplicité de la narration, parfois crue, d'une enfance des années soixante, avec cet attendrissement envers une époque kitsch et mythifiée, rend avec une étonnante proximité la réalité des rapports familiaux. On se prend pour un frère (une soeur) qui aurait connu ces parents, cet enfant, qui aurait aussi son mot à dire de cette famille dont pourtant il ne sait rien. Et il reste cette haine et cette tendresse. La haine envers ceux qui ont décidé à votre place de vous faire naître et cet attachement nécessaire que vous éprouvez pour eux (les souvenirs d'enfance, la maladie de sa mère le révèle). La vérité de ce livre, c'est peut-être le regard de tous les enfants envers leurs parents, qui ne peuvent leur pardonner de les abandonner lorsqu'ils doivent prendre la responsabilité de mener leur vie, sans eux.
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