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Critique de gruz


Il faut lui construire de sacrées épaules au personnage porteur du monde fictionnel d'un auteur. Non pas qu'il soit seul au monde, loin s'en faut, mais Hugo Boloren est tellement hors des normes que beaucoup repose bel et bien sur lui.

Il faut dire qu'il a la bille. Sorte de don de déduction, qui bosse en arrière-plan sans que l'inspecteur ne semble maîtriser grand-chose du processus.

Enfin, pour être précis, il ne l'a plus, la bille… Elle s'est égarée quelque part dans sa tête suite à sa précédente enquête (voir Douve).

Tous les auteurs de polar cherchent à créer un personnage principal qui attire l'attention. Dans la foultitude de romans du genre, il faut un vrai caractère pour qu'il reste en mémoire du lecteur. Visiblement, Hugo Boloren coche toutes les cases.

Malgré son tempérament un brin neurasthénique et ses méthodes qui semblent échapper à tous y compris à lui-même, voilà bien un flic de papier qui marque les esprits. D'autant plus qu'il est soutenu par une plume pleine d'humour et d'humanité.

Victor Guilbert a su créer des particularités qui le singularisent réellement. Dans sa manière de mener ses enquêtes, appelons ça l'intuition (même si certains penchent plutôt vers des pathologies plus psychiatriques). Par ses valeurs et ses comportements incontrôlables, entre cette incapacité totale à mentir et la propension à être totalement accro au contenu de son étui à cigarettes. Ledit étui rempli de carrés de chocolat noir grand cru, ce qui en dit long sur son excentricité (non recherchée) autant que sur sa nature propre.

Un roman noir sans histoire ne tient pas la distance. Mais sans vrais bons personnages, une bonne histoire ne sert à rien. Avec Terra Nullius, le lecteur est servi en matière de protagonistes attachants, et pas seulement l'inspecteur en chef (même si sans lui le livre n'existerait pas).

La bonne idée est d'avoir placé l'affaire criminelle dans une décharge, où vivent des femmes et des hommes en marge. Bien à l'image de notre société actuelle où on relègue l'indigence loin des regards. Sauf qu'à force de la voir s'accumuler, il devient impossible de ne plus la voir, même de loin.

L'intrigue policière sert donc un propos plus sociétal, tout en profitant de cet environnement atypique pour y placer des personnages qui le sont tout autant. Chez Guilbert, rien n'est trop banal, plutôt insolite, sans qu'il ne tombe dans l'excès.

Pour la conclusion de l'affaire, l'écrivain ne réinvente pas le processus, échafaudant ses conclusions dans le plus pur style d'un Hercule Poirot. En version névrosé et bien ancré dans son temps et ses problématiques.

Terra Nullius est un polar avant tout attachant, qui sort de la routine par la grâce de celles de son inspecteur, qui est à classer dans les originaux.

Victor Guilbert a trouvé sa voix, empreinte de mélancolie, au plus près de l'humain.

Le roman s'est vu décerner le prix « le Point » du Polar européen lors de l'édition 2022 des Quais du polar. Ce qui n'est pas rien, c'est une distinction qui compte dans le monde du Noir.
Lien : https://gruznamur.com/2022/0..
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