Citations sur Pour l'amour d'une île (60)
Elle pouvait rester des heures à observer l'horizon, à goûter le vent sur son visage. Elle aimait aussi la pluie. Lors des grosses averses, les quais étaient déserts et elle s'accoudait au parapet pour contempler les gouttes rebondir sur la surface de la mer. Cela faisait comme un voile de perles qui s'élevait au dessus de l'écume des vagues.
J'ai une préférence pour les mains d'homme, carrées, solides, celles que l'on aspire à serrer dans le doute ou le chagrin. (p.46)
Je m'appelle Marine. C'est un prénom qui évoque la mer. J'aime mon prénom. C'est grand-père qui me l'a choisi, sans se douter que la mer serait ma passion; à moins que la mer ne soit devenue ma passion à cause de mon prénom. Qui peut le dire ?
Grand-père prétend que la mer et moi, nous sommes pareilles. Comme elle, j'ai des moments de calme souverain. (...)
Je suis la mer , légère, enjôleuse, mais également fougueuse et parfois déchaînée. Seul grand-père me comprend comme il comprend la mer. (p. 32)
... De toute façon, ajoute Jean-Noël avec aplomb, ici vous n'aurez jamais de copain.
- Et pourquoi, je te prie ?
- Parce que sur l'île, les garçons ne sont pas comme vous. Personne n'est comme vous, sauf "l'artiste".
-explique-toi
-Ben... Vous êtes belle et savante et tout...
- Et les garçons ici ne sont ni beaux ni savants ?
- Quand ils sont beaux et savants, ils restent pas sur l'île.
-Et où vont-ils ?
- Ils vont là où les filles sont belles et savantes : à la ville (p. 327)
- Parfois aussi, elle (la violence) sert à expulser sa propre souffrance, celle que l'on a en soi depuis longtemps, celle que personne n'a daigné partager. La violence, n'est-ce pas le dernier recours pour conjurer les autres de vous écouter ? (p. 170)
Malgré l'obscurité, je distinguais les larmes qui brillaient au bord de ses yeux. On aurait dit deux perles irisées, enserrées dans leur prison de cils...
Petite Marie-Anne, si démunie devant les obstacles semés par la vie. J'aurais voulu alléger sa souffrance mais comment?
Je n'acceptais pas cette aisance qu'elle avait d'amener les gens là où elle le désirait, sans cris, sans scènes, sans minauderies, sa timidité cachant une volonté sans faille, sa réserve de bon aloi masquant un aplomb qu'on ne mesurait qu'après coup, sa politesse presque excessive voilant une fermeté inébranlable. Une rouée en somme et de la pire espèce.
Tous les ports se ressemblent, l'océan est le même partout, tantôt rieur, tantôt chagrin. Pourtant je reconnaîtrais mon île entre toutes. Il y règne une atmosphère que je ne saurais définir mais qui la singularise, qui la rend unique. (p. 76)
Avec Eileen, Marine pénétrait dans un univers inconnu et elle réalisait que jusqu'à présent son horizon s'était circonscrit à son proche environnement (familial et géographique) et à ses études, la reléguant dans un espace qui se voulait rassurant mais qui n'avait empêché aucune blessure. (p. 329)
J'allais ainsi chaque jour, à la nuit tombée, au-devant de ma ration de rêve. Dans une nature dépouillée, propice aux retours en soi, je ressassais ma journée, m'attardant surtout sur les moments de bonheur, moments si rares qu'il est parfois utile de les remâcher jusqu'à n'en plus pouvoir.