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Critique de Apoapo


Apoapo
18 septembre 2022
Voici une longue nouvelle ou un court roman de Louis Guilloux qui me fait penser très fort à Dostoïevski. Il s'ouvre, la nuit de Noël, sur la scène de l'évasion de prison du narrateur, agressant le gardien-chef qu'il tient pour mort : un geste violent qui n'incite pas à éveiller l'empathie du lecteur. Pourtant d'emblée, et sur fond des bouleversements éthiques produits pas l'Occupation, on commence à se demander qui, du truand ou du détenteur du pouvoir légitime, est le véritable salaud. Dans sa cavale, le protagoniste fait différentes rencontres : en particulier, pendu à un arbre dans un bois, celle du juge d'instruction qui n'a pas cru à son innocence et a requis sa condamnation. Il lui retire ses chaussures pour continuer sa marche dans la neige. En parallèle avec ce récit, le fugitif fait resurgir de sa mémoire les circonstances du crime qui a provoqué son emprisonnement, le lendemain de la Libération. Bien que cette autre narration soit caractérisée par l'ellipse et la fragmentation de souvenirs évoqués au compte-gouttes au fil d'associations mentales impromptues, elle entretient et développe la problématique du renversement des valeurs morales en temps de guerre : finalement le protagoniste apparaît sous les traits sinon d'un héros, de la victime d'une série de malheureuses coïncidences, d'une intrigue amoureuse et de sentiments complexes, mais très certainement d'un innocent, alors que le procureur suicidé était une authentique crapule et les deux personnages féminins ne ressortent pas grandies d'avoir abandonné le condamné...
Enfin, le point fort du récit de la fugue consiste dans la rencontre avec Grégoire Cantin, personnage très attachant d'un anarchiste poitrinaire, ancien égoutier qui vit en ermite dans un « gourbi » souterrain à la croisée des quatre créneaux transversaux d'une ancienne fortification militaire qui constituent son principal point d'observation du monde extérieur.
La fin ouverte et quelque peu abrupte du récit a fait penser à la postfacière Yvonne Besson que Labyrinthe constituait la première partie d'un grand roman qui aurait dû s'intituler La Délivrance, sur lequel Guilloux aurait travaillé en 1950-51, partie qu'il aurait fait paraître après avoir renoncé à terminer le roman, dont 256 pages auraient cependant été écrites, conservées dans les archives déposées à la bibliothèque de Saint-Brieuc qui ne sont pas encore accessibles. Ces années où l'auteur s'était écarté de l'écriture autobiographiques seraient marquées par une certaine quête spirituelle dans laquelle s'inscrirait donc logiquement cette problématique de la culpabilité et peut-être de l'impossibilité de la foi.
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