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Critique de enjie77


« Les premiers jours que j'ai passé à l'école, je ne comprenais rien et ne pouvais communiquer avec personne. Les cours se donnaient en polonais et en russe, deux langues que j'étais incapable de distinguer l'une de l'autre. Mais, lorsque j'ai ouvert mon livre de mathématiques, je suis tombé en arrêt, comme sous le choc d'une musique céleste. C'étaient les premiers signes lisibles que je rencontrais depuis mon arrivée. La première fois que je me retrouvais en terrain connu. »

Edgard à douze ans lorsqu'il se retrouve en Pologne dans les années 1950. Sa mère, Rachel, aveuglée par son militantisme, l'a arraché à Bruxelles alors qu'il venait de se découvrir la vocation de comédien. A quoi cela tient une destinée ?

Elisa Brune alias Hélène, journaliste scientifique, se voit contactée par Edgar Gunzing, alias Edgard G., afin de mettre au point un ouvrage de vulgarisation sur la physique quantique. Au fil des entretiens hebdomadaires qui ont pour objet la physique, petit à petit, sous la direction des questions de la journaliste, ceux-ci se veulent plus personnels, plus en rapport avec la vie du physicien et ses motivations.

Exceptionnel, fascinant, passionnant, je n'ai pas suffisamment de qualificatifs pour désigner ce récit ! J'éprouve toujours un intérêt sincère pour la vie des autres comme les biographies mais l'histoire d'Edgard sort des sentiers battus. J'ai eu l'impression de lire la biographie de Kessel tant les aventures s'enchaînent les unes derrière les autres, que ce soit celles de ses parents Jacques et Rachel ou que ce soit celles d'Edgard, que ce soit les engagements des parents, communistes convaincus, ou que ce soit l'histoire personnelle d'Edgard, tout le récit est revisité, approfondi et mis en relation avec la mécanique quantique, c'est un coup de maître !

Tous les domaines s'interpénètrent, les auteurs ouvrent tellement de pistes de réflexion, que bien des matières sont abordées comme la métaphysique, la physique quantique, l'Histoire, le déterminisme. le principe d'incertitude ayant pour objectif de réduire l'incertitude, nos deux auteurs démontrent parfaitement que tout est dans tout, tout est relié.

Edgard est né le 21 juin 1938 à Mataro en Espagne de Jacques, juif tchèque et Rachel, juive belge au cours de la guerre civile espagnole. Edgard connaîtra très peu son père, disparu au cours de la seconde guerre mondiale.

Rachel, femme très engagée, résistante, vit toujours en quête du sens de son engagement. Elle est prête à tous les sacrifices pourvu qu'elle soit en accord avec son idéologie, que ce soit à son détriment comme au détriment de son fils. Son passé, ses sentiments, son histoire, elle les emmure dans le silence. Sa communication avec Edgard s'arrête à des banalités. Edgard se trouve ainsi amputé d'une partie de lui-même. Il faut ajouter à cela, qu'à travers toutes les épreuves que traverse Edgard depuis son plus âge, il n'a jamais la même identité, il vit dans une insécurité totale, il affronte la virulence de l'antisémitisme ainsi que le sentiment d'abandon.

Ce sont ces entretiens qui vont petit à petit lever le voile et par conséquent, lever toutes les barrières psychologiques qui handicapent le physicien depuis soixante ans. Et tout cela, sur fond de vulgarisation scientifique.

Dans cette démonstration qui se double d'une quête identitaire, un besoin de savoir « d'où on vient, qui on est, où on va » il y a des moments très intenses, très émouvants au travers de rencontres, de lettres.

Edgard et Hélène emploient le « Je » ce qui rend le récit plus proche, plus intime, avec la lectrice qui ne perd pas de vue qu'il s'agit de faits réels et c'est toute la puissance du récit.

Je rassure de suite : je suis une « brèle » en physique et cela ne m'a pas du tout gênée !

Et un grand merci à Cécile alias Latina pour sa chronique, sans son enthousiasme, je n'aurais pas eu l'idée de lire ce livre. Et de plus, si je pouvais mettre plus de cinq étoiles, je l'aurais fait tant ce livre m'a passionnée!

« le sel de cette histoire : j'étais parvenu à faire apparaître le visa, rien qu'en supposant qu'il existait déjà. Exactement comme dans un boostrap. Même si je ne connaissais pas encore le mot, j'étais déjà fasciné par ce principe. On peut créer quelque chose à partir de rien si on formule une hypothèse gratuite et cette hypothèse elle-même fait partie des conséquences produites en chaîne. On s'est soulevé sans avoir besoin du monde extérieur. On s'est soulevé en tirant sur ses bottes ».
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