Mon père, je gobe tout ce qu’il dit. Il est fort, il sait tout, il voit tout. On contemple les bateaux dans le port, il me les décrit, il me raconte des histoires de pêcheurs, des histoires avec le vent et il en connaît un rayon au sujet des vents debout, des vents de travers et des grands largues. Quand je suis un peu excité, il m’apprend à fermer les yeux pour sentir les embruns se déposer sur mes joues, et j’avoue que c’est un remède miracle pour me calmer. Bien mieux qu’une fessée de ma mère.
Avec mon père, tout est plus simple. L’ennui n’existe même pas. Déjà, il est géant et l’admirer comme une statue dans un musée suffit à m’occuper pendant des heures. En plus, il est coiffé d’un casque d’or. Des boucles blondes. Des yeux bleus. Sa peau est tannée par le soleil, et il trimballe toujours un léger sourire. On dirait Apollon mais avec ses fringues, on dirait plutôt le capitaine d’un bateau.
Je sais que j’ai merdé, les bonnes intentions ne suffisent pas à agir comme un juste. J’suis qu’un con, mais pas un meurtrier et j’aimerais que tout le monde l’entende.
T’es un héros. T’es un héros qui a raté. Parce que tu m’as jamais écouté. T’es méchant, t’es pas mieux que les policiers. Si tu m’avais écouté le jour de la fête de l’école, il y a trente ans, on n’en serait pas là, espèce de cloche. Mais t’en as fait qu’à ta tête.
Fermer les yeux, prendre une grande inspiration, j’ai mal, ma poitrine est enserrée dans une cage, retenir mon souffle, expirer pour me calmer, comme avant de descendre en apnée, et alors, comme en apnée, penser à autre chose. Rêver. Espérer. Je n’arrive plus à respirer, ni même à crier pour que les flics me sauvent.
Hier, les sourires, les moqueries ; aujourd’hui, les larmes et les migraines. La vie bascule si vite.