Citations sur Les Innocents (16)
- Je suis Breton, moi.
- Comment ça breton ?
- Je suis breton, ma famille vient du Finistère, t'as vu.
- Et alors, les Bretons c'est des Français, non ?
- T'es fou. Nous aussi, on a été colonisé. C'est même pire que vous, on a eu interdiction de parler notre langue, et maintenant les Bretons ont même oublié qu'ils l'étaient.
Gabriel est tombé du ciel et il m'apporte la paix. je me détends. Je dors mieux.
p.83
Y'a pas à dire, je suis pas pote avec Gabriel pour rien, y'a un lien entre les Bretons et les Kurdes, quelque chose de magique, on peut pas se battre pour les mêmes raisons, conte le même genre de pays, jouer le même genre de musique et danser en ronde sans que le destin de l'humanité nous planque un truc.
J'ai besoin d'un sauveur. D'un ange ou d'un truc de ce genre. je prie tous les prophètes et dieux de la Terre. Dalaï Lama le dieu des Chinois, Superman le dieu des enfants, Moïse le dieu des Juifs, Michael Jordan le dieu des Noirs, Napoléon le dieu des vieux, Allah le dieu des bronzés, Jésus le dieu des Bretons, Georges Michael le dieu de mon oncle et Balavoine le dieu de ma mère.
Nous, on est des créateurs, des artistes et sur une idée originale de Camille, on s’accorde pour créer un grand spectacle. Le Moulin Rouge. Maud fait la roue, Alexandra et Camille chantent et dansent, elles jettent du sable en l’air, remuent le bassin, elles lancent leurs cheveux en avant, puis la tête en arrière, ce sont mes mini-Madonnas du bac à sable et moi, je suis le patron, je présente le spectacle en prenant les airs d’un Patrick Sébastien, avec une brosse à cheveux en guise de micro.
— Allez, les filles, on se remue, y’a du moooon-de.
Je me déplace à pas de gymnaste sur la bordure, un bras vers le ciel en tournant sur moi-même, avant de chanter Bat l’Avoine, enfin Balavoine depuis que je sais lire, et mon numéro lance des étoiles dans les yeux des enfants.
Ayla répète tout le temps « arrête d’avoir peur, arrête d’imaginer le pire, tu vas le provoquer ». C’est juste des messages publiés sur les réseaux sociaux qui ont causé un accident. La banalité de la vie. Comme l’imbécile qui ne lit pas la notice de son sèche-cheveux et s’électrocute dans sa baignoire. Voilà, j’avais pas la notice, j’avais pas le cuir assez dur.
Mais bon l’espoir fait vivre comme le dit la Joce. Le lendemain matin, je découvre une boîte de Lego, je fais semblant de me réjouir, je mime même la grande joie, je cours partout, parce qu’il ne faut pas chagriner maman en lui avouant que j’attends des nouvelles de papa.
Avec les filles, on se raconte des histoires. On adore parler de nos parents. Ce sont nos poupées. Nos idoles. Et surtout, on aime bavarder de ce qu’ils font dans la vie.
Et d’ailleurs, je ne sais pas encore lire, quand je regarde une page, c’est du sabir. Par contre, je sais écouter et sur l’histoire de sa famille, les Daoulas, ma mère tient conférence pendant des heures. Je l’écoute, dans ses bras, allongé contre sa poitrine, sur le canapé qui chauffe les coudes.
Il est étudiant au campus, je l’imagine dans une série télé, à marcher avec ses copains en claquant des doigts. Il m’explique qu’il apprend à penser et qu’il va être professeur pour les grands, pour leur apprendre à penser, et j’en pense pas grand-chose de ses explications, je suis concentré sur une affiche au mur, en noir et blanc, où est représenté un homme avec un casque qui pointe son doigt vers un autre avec la tête baissée.