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Critique de enjie77



« Des règlements de compte ? Des dizaines par département voire par village ! Votre grand-mère n'a pas été tondue pour faire jolie. Elle l'a été parce qu'on ne noyait pas les femmes dans les sablières, je suppose. Surtout quand elles étaient enceintes ».

Ite missa est.

Les âmes silencieuses auraient énormément de choses à raconter si nous voulions leur prêter un peu plus d'attention avec bienveillance ce qui aurait au moins le mérite d'éviter, à leur descendance, des comportements inexplicables leur occasionnant quelques séances chez le psy.

Non seulement les écouter mais au moins prendre la peine de s'intéresser à elles, ne pas les considérer comme un simple mot, quelque chose d'abstrait dont on se rappelle à peine. Ces âmes silencieuses, elles ont vécu, elles ont aimé, elles ont souffert, elles ont été heureuses, elles ne sont pas factices, alors, accordons leur un peu de reconnaissance. Elles sont précieuses dans cette chaîne éternelle qu'est la vie et elles ont contribué aussi à faire ce que nous sommes.

Pour son premier roman adulte, Mélanie Guyard m'a totalement embarquée dans une fiction addictive qui peut s'apparenter à la psychogénéalogie ou transgénérationnelle : l'impact des secrets de famille sur la destinée de la lignée. Très agréable à lire, d'une construction impeccable, son style fluide est reposant, l'écriture coule comme une eau limpide. Elle intègre parfaitement les analepses pour les besoins du récit qui se situe sur deux périodes à soixante dix ans d'intervalle. L'auteure alterne un chapitre situé en 1943 puis un chapitre situé en 2012, c'est comme un fil rouge pour le lecteur qui suit l'intrigue sans heurt mais avec avidité, tant il a hâte de connaître la suite.

Le style très imagé, très tonique, efficace, permet au lecteur de se fondre dans le récit. L'auteure dépeint parfaitement la campagne berrichonne sous les années d'occupation. Elle dresse un portrait intense voire acéré des agriculteurs en s'attachant plus spécialement à des taiseux. Chaque personnage est consistant même ceux qui sont les plus en retrait. Pour celles et ceux qui aiment la campagne, qui connaissent l'investissement des paysans pour leur terre et leurs bêtes, ce sont les tableaux de Rosa Bonheur qui prennent vie sous nos yeux tout comme les images pleines de douceurs de nos grands parents qui ouvrent les portes de notre mémoire.

La narration s'appuie sur de très beaux portraits de femme dont particulièrement Héloïse, cette jeune femme qui est prête à tout pour son petit frère pour lequel elle éprouve un sens exacerbé de sa responsabilité depuis qu'enfant, il a failli se noyer.

Et aussi sur le personnage de Loïc, homme de notre époque, qui fait preuve de beaucoup d'ironie pour mieux masquer son amertume.

J'ai ressenti une très forte émotion lorsque le dénouement approchait et que les pièces du puzzle se mettaient en place, les larmes me sont montées aux yeux tant je me suis identifiée aux personnages.

Ce livre a été, pour moi, comme un arrêt sur image, un bonheur de lecture simple. Je remercie Marceline et Torpedo pour leurs billets incitatifs.

« Je dédie cette chronique à mon grand-père paternel, Paul, ardéchois, dur au labeur mais homme au grand coeur, parti très tôt rejoindre les étoiles. A la libération, dans mon village qui est devenu la région parisienne, des femmes ont été tondues. Alors qu'elles défilaient dans les rues du village, tête rasée, Paul a ôté sa veste et à couvert les épaules de l'une d'elles avec".




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