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Critique de colimasson


Le langage a créé une faille ? le langage doit pouvoir y remédier. La dépression vécue par Pierre Guyotat est abordée de côté, avec la prudence de celui qui sait qu'une grande quantité de malheurs n'existerait pas si les mots ne les avaient pas précédés. On ne peut pas parler de dépression en général et Coma nous montre bien qu'il existe peut-être autant de dépressions qu'il y a de dépressifs. La dépression de Pierre Guyotat est d'ordre esthétique : il se meurt de ne pouvoir atteindre l'absolu.


« Tous les absolues créés par l'homme, auxquels j'ai souscrit, sont dépouillés par moi de leur valeur d'absolu en regard d'autres qui ne nous sont pas encore connus. »


L'absolu... le point de discorde de chaque homme… Si l'on demandait à Pierre Guyotat ce qu'il entend par là, il ne saurait rien répondre précisément. Il croit d'abord qu'il s'agit d'une quête de liberté, un peu facilement réduite à la liberté de mouvement :


« L'angoisse est pour moi attachée à ce qui est fixe, à l'habitation, aux fondations, aux meubles. La révolution aussi, non violente, que j'espère alors, je la ressens comme incompatible avec la fixation des peuples et des individus sur le sol où ils sont nés. »


Mais on se rend rapidement compte que la liberté maladroitement décrite par Pierre Guyotat est d'ordre métaphysique. Pierre Guyotat veut revivre le parcours de sacrifice christique : mourir aux autres pour devenir soi et tous les autres, dans tous les espaces et tous les âges possibles !


« Quelle douleur aussi de ne pouvoir se partager, être, soi, partagé, comme un festin par tout ce qu'on désire manger, par toutes les sensations, par tous les êtres : cette dépouille déchiquetée de petit animal par terre c'est moi… si ce pouvait être moi ! »


Cette volonté vire bientôt à la complaisance... Pierre Guyotat se trompe sans doute : la dépression, constat d'un échec, ne peut pas corriger l'échec et le conforte au contraire. de même, il se trompe dans un récit aux tournures empruntées, chaotiques, trop préoccupées de l'insignifiant pour parvenir à l'absolu tant recherché. Effectivement, Pierre Guyotat ne s'étend ni dans le temps, ni dans l'espace, suscitera peut-être la faim et le désir de quelques lecteurs partageant son esthétique du détail, mais laissant de côté les autres.


Et pourtant, malgré l'écueil esthétique, certaines bribes qui ressemblent à de la vérité parviennent à émerger. Lorsque Pierre Guyotat baisse les armes de l'écriture hyper-stylisée, abandonnant momentanément sa quête perdue d'une expression sophistiquée, il se rapproche de tous les dépressifs multiformes de ce monde. Son dernier paragraphe ne peut que susciter l'unanimité des enragés d'absolu qui ont dû se résoudre à faire des concessions à la réalité. Ces concessions sont celles du quotidien : dormir, manger, marcher, parler. Il faut perdre beaucoup de soi pour revenir à ces actes. On croit alors n'avoir rien gagné : une plaine, une dépression, une plaine. Pierre Guyotat essaie de s'élever au-dessus de son niveau initial en extirpant ce Coma de son voyage guttural.
Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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